Parfois, on peut se dire qu'être politicien, c'est comme avoir comme mission de remplir le tonneau des Danaïdes. Quoi qu'ils fassent, ils ne rendront jamais parfaitement heureux les populations dont ils s'occupent. Quand ils règlent un souci, ils ne font que libérer de la place pour qu'un autre puisse prendre de l'importance. C'est ainsi qu'en France, dès que le chômage diminue, tout le monde commence à s'inquiéter du problème soudainement crucial du pouvoir d'achat. En Allemagne, c'est pareil. Le chômage qui a durement touché le pays jusque récemment est désormais en voie de résorption. Mais il ne faut pas croire qu'en conséquence, la popularité de la Chancelière allemande Angela Merkel soit au beau fixe. Non, sa situation politique semble difficile, car il lui est reproché sa gestion de la crise de l'euro. Et il s'avère en effet que pour les Allemands, le premier sujet d'inquiétude n'est plus le chômage, mais bien cette crise de l'euro.

Actuellement, l'Allemagne ne risque pas grand chose elle-même de la crise des dettes européennes. Et pour cause, elle a tout fait pour cela : le pays est géré sainement, l'économie est bonne et les déficits à peu près sous contrôle. Si l'Allemagne venait à être en danger, ce serait du fait d'un éventuel effondrement des pays les plus faibles de la zone euro, ce qui provoquera un choc économique dommageable pour tous. Mais paradoxalement, ce qui la contrarie, c'est justement sa bonne santé, qui fait qu'elle se voit comme victime d'un racket de la part de ces pays les plus fragiles. Les Allemands ne veulent plus qu'ils soient appelés à aider, par leur argent durement gagné, des pays qui ont jusqu'à présent trop laxiste. On peut le comprendre, même si c'est rester à une courte vue. Ils s'en plaignent auprès de leur gouvernement, qui répercute lui-même cette inquiétude au sein des instances européennes. Cela contribue à miner la confiance dans un prochain rétablissement, et donc engendre un cercle vicieux. Et alors les Allemands ont eux aussi l'impression d'essayer de remplir le tonneau des Danaïdes.

La façon de s'en sortir est peu claire. Certains proposent un saut fédéral, ce qui est en effet tout à fait envisageable, mais demande tout de même un certain niveau de soutien de la part des populations. D'autres considèrent qu'il faudrait commencer par régler les problèmes structurels des pays en piteux état. Ils ne sont pas tous logés à la même enseigne. Certains ne sont qu'attaqués de façon assez spéculative, alors que la Grèce a un vrai souci résultant d'années de tromperies. C'est toute une administration fiscale et une morale publique qu'il faut construire là-bas. La population grecque peut difficilement regimber si les autorités allemandes leur donnent des leçons, c'est bien le minimum. Quant à la population allemande, elle a certainement besoin d'être un peu plus sereine. Il y aura toujours un "plus grand sujet d'inquiétude", cela ne veut pas dire qu'il doive être pour autant un sujet de panique.