Le 6 mai au soir, à peine le vainqueur de l'élection présidentielle était-il connu que Ségolène Royal est apparue à la télévision, faisant un discours optimiste en se montrant particulièrement joyeuse. Pourtant, elle avait été battue. La défaite a été nette pour elle. Cela ne l'a visiblement pas empêché d'adopter un comportement victorieux. Elle a même promis à ses partisans de se retrouvez d'ici une dizaine de jours à la Courneuve pour un grand rassemblement festif et militant, semblable à celui qui avait eu lieu au stade Charléty. C'est ainsi une "fête de la défaite" que Ségolène Royal a voulu organiser, ne se rendant pas alors compte que sa non-élection n'était pas vraiment quelque chose dont elle devait normalement être fière. Mais si Ségolène Royal n'a jamais envisagé la défaite avant l'élection, elle ne semble pas plus l'envisager après. Peu importe pour elle que ce soit la troisième fois de suite que la gauche perde l'élection présidentielle, elle se félicite avant tout de l'élan qu'elle a cru rencontrer dans sa campagne, et se contente facilement d'être passée au second tour. Partie comme cela, elle ne se posera pas la question de ce qui a pu la faire échouer. Ou en tous cas, les raisons qu'elle pourrait invoquer ne la concerneront aucunement. Elle accusera son adversaire, les médias ou son parti, mais ne se rendra jamais compte que la première raison de son échec fut elle même. Alors on est prié de participer à l'édification de sa gloire personnelle, y compris dans de tels événements décalés.

La fête de la défaite n'aura en fin de compte pas lieu. Julien Dray met ce renoncement sur le compte des finances du Parti Socialiste, qui sont exsangues après la campagne présidentielle, alors qu'elles seront aussi sollicitées pour les législatives. L'organisation des débats participatifs, aux retombées dérisoires, aura semble-t-il été un puit de dépenses. De plus, peut-être que l'organisation de célébrations lorsques les perspectives sont sombres pour la gauche a paru déplacé pour ceux qui, parmi les socialistes, se rendent compte de la situation. La campagne pour les élections législatives a commencé, et bon nombre de figures importantes se sont repliées sur leur circonscription. Si Ségolène Royal avait promis de mener cette bataille aussi, elle y participe en fin de compte de façon éloignée. Seul François Hollande est sur le pont, prenant la posture de l'opposition politique au gouvernement avant même qu'il ait pu faire quoi que ce soit. Il souhaite que la gauche soit forte à l'Assemblée pour empêcher Nicolas Sarkozy d'appliquer le programme sur lequel il a été élu. Le voilà donc enchaînant les apparitions télévisées, faire des meetings en étant seul à parler, tout en admettant qu'il ne sera plus premier secrétaire du PS après le prochain congrès. Car François Hollande reste le plus petit dénominateur commun du PS : autrefois, tout le monde l'acceptait pour donner une apparence de rassemblement, aujourd'hui, tout le monde s'accorde sur le fait que la non prise de choix qu'il représentait fut coupable.

Dès à présent s'ouvre la bataille pour la présidentielle de 2012. Et sa première étape est la conquète de la direction du parti socialiste. Et si les socialistes laissent François Hollande conduire la campagne des législatives aujourd'hui, alors qu'il est l'un des moins populaires d'entre eux, c'est pour mieux s'en débarasser ensuite. Ségolène Royal est d'ailleurs la première à vouloir la place, et en adoptant une attitude aussi euphorique au soir de sa défaite, c'est qu'elle ne voulait pas passer pour un symbole d'échec. Et si elle l'a fait aussi tôt, c'était pour mieux couper l'herbe sous le pied de ses rivaux, Dominique Strauss-Kahn en tête, qui n'ont pas apprécié ni son investiture, ni son mépris envers eux pendant la campagne. Elle était donc même prête à fêter sa défaite pour tenter de rejeter ses adversaires dans le domaine du passé et se montrer incontournable, sans se rendre compte de l'aspect surréaliste de la chose en question. Une fois les législatives passées, le débat aura enfin lieu a annoncé François Hollande. Il faudra qu'il donne lieu à une véritable clarification de la pensée du PS. Et tant qu'à faire, il serait souhaitable que le résultat soit favorable à la France.