Le processus d'adoption d'enfant est vécu comme quelque chose de long et difficile. Il dure des années, et le couple doit passer par une incroyable paperasserie et des tests psychologiques. Tout au long de ce chemin, le couple passe à travers toutes les émotions, tous les espoirs et toutes les déceptions. La raison d'être de ce chemin de croix est d'abord de s'assurer que les futurs parents adoptifs seront de bons parents, qui sauront s'occuper avec amour d'un enfant qui n'est pas génétiquement le leur. Seulement, les parents qui ont des enfants de façon naturelle ne sont pas du tout testés quant à leur faculté d'être de bon parents. A ce niveau là, c'est bien une injustice, car tout le monde doit être jugé par défaut comme étant apte à avoir des enfants. Et lorsque ce processus dure plus de neuf mois, le temps qu'il serait nécessaire d'attendre pour avoir un bébé en passant par la grossesse. Cette odyssée peut alors être mal vécue. En dehors des considérations précautionneuses vis-à-vis des qualités parentales, toute cette attente peut aussi être vue comme un moyen de réguler la difficile adéquation entre le nombre de couples qui veulent adopter, et le nombre d'enfants qui peuvent l'être. C'est cynique d'envisager les choses de cette façon, mais le fait est que la demande d'enfants à adopter est plus forte que l'offre d'enfants à adopter.

C'est insupportable de se dire qu'il y a toute cette attente, alors que des enfants restent dans des orphelinats. Mais s'il y a si peu d'enfants à adopter, peut-être peut on se féliciter alors que les orphelinats soient quasiment vides, ou bien ne servent qu'en période de transition. Le fait est aussi que les enfants qui ne sont plus des bébés sont beaucoup moins désirés par des parents qui veulent des enfants : pour les couples infertiles, il faut déjà faire le deuil de la possibilité d'avoir ses enfants par grossesse, là, il faudrait encore faire le deuil de ne pas avoir été les seuls parents qu'ait vraiment connu l'enfant.

Du côté des parents, il faut néanmoins que le maximum soit fait pour que cette aventure sentimentale n'ait pas quelques passages qui ressemblent fortement à des cauchemars. Il est peut-être nécessaire de trouver une autre manière de gérer ce processus, sans que ce soit aussi difficile pour les couples. La situation est parfois aussi absurde, lorsqu'on pense au nombre d'enfants non désirés. Aux Etats-Unis, les conservateurs préfèrent souvent qu'une grossesse non désirée aille à son terme, pour éviter l'avortement, afin que le bébé soit immédiatement adopté par un couple en manque d'enfant. Mais une femme doit avoir le choix de mener une grossesse ou pas, c'est un problème qui peut être indépendant de la volonté de s'occuper effectivement d'enfants. Dans chacune de ces questions difficiles, c'est d'abord le traitement avec de l'humanité qui doit être prioritaire.