Continuons notre tour d'Europe des relations entre les pays qui la composent et elle : en ce qui concerne le Traité Constitutionnel Européen, il ne faut pas croire que seuls la France et les Pays-Bas ont posé problème à son adoption. En l'occurrence, ce sont les pays qui l'ont rejeté explicitement, mais ils n'étaient pas forcément les pays les plus hostiles à cette adoption. D'autres se sont abrités derrière ces refus pour suspendre leurs propres processus de ratification, vu que l'issue en était encore plus incertaine. C'est le cas évidemment de la Grande Bretagne, mais de pays moins influents, comme la Pologne. Celle-ci est actuellement marquée par un euroscepticisme très fort. Alors que la volonté d'adhésion des Polonais à l'Union Européenne était très forte il fut un temps, le sentiment pro-européen semble avoir désormais disparu. Il avait déjà diminué lors de l'entrée de la Pologne en 2004, mais il est désormais au plus bas, et en tous ce ne sont pas les élites polonaises qui vont encourager le reste de la population dans le mouvement, contrairement à ce qui se passe habituellement dans le reste de la Pologne.

En 2005, à la surprise générale a été élu au poste de président de la Pologne Lech Kaczynski face au libéral Donald Tusk. Le président sortant, Aleksander Kwasniewski, était issu de la sociale démocratie, mais ne pouvait se représenter constitutionnellement après deux mandats. Lech Kaczynski a été élu sur un programme très conservateur, en promettant de s'attaquer à la criminalité, à la corruption, de solder les comptes de la période communiste et de gouverner en conformité avec la doctrine catholique, religion très forte là-bas. En matière de politique étrangère, un certain mépris domine. La hantise d'être entouré de deux pays puissants et souvant envahissants dans le passé ont poussé la Pologne à nouer une relation forte avec les Etats-Unis, considérés comme le seul pays qui peut l'aider dans sa sécurité. C'est ainsi que les Polonais se sont lancés tête baissé dans la guerre en Irak. D'une manière générale, il y a une méfiance envers l'Allemagne, bien qu'Angela Merkel fasse de son mieux pour développer des relations cordiales, et une défiance envers la Russie, dont la prédominance dans les apports énergétiques est vécue comme une menace permanente. Dans tout cela, l'Union Européenne est peu considérée. Si elle a été bien accueillie du fait que la Pologne bénéficie massivement de la Politique Agricole Commune, la réticence d'une partie des membres à accepter l'intrusion du catholicisme dans la définition des politiques a fait naître des incompréhensions. Ainsi, la Pologne n'a pas obtenu la mention des racines chrétiennes de l'Europe dans la constitution européenne malgré un combat acharné. Et l'Europe ne comprend pas la législation de plus en plus conservatrice qui est mise en place : actuellement, certains demandent un durcissement des lois anti-avortements qui sont déjà les plus dures d'Europe, et qui a valu une condamnation à la Pologne de la part de la Cour Européenne des Droits de l'Homme lorsqu'une femme a perdu la vue, la possibilité d'avorter pour des raisons de santé graves lui ayant été refusé.

Le conservatisme de la Pologne semble être une tendance lourde : le candidat qui est arrivé troisième aux élections présidentielles de 2005 était encore plus conservateur que Lech Kaczynski. A cette occasion il est apparu que les campagnes se sont fortement mobilisées pour un tournant conservateur, et ont montré la force du catholicisme et de la ruralité. Dans la mesure où le poste de Premier ministre est occuppé par Jaroslaw Kaczynski, le frère jumeau monozygote du Président, on peut douter qu'il y ait beaucoup de débats à la tête de l'Etat sur les politiques à adopter. Du reste, cette poussée conservatrice et populiste ne semble pas être le monopole de la Pologne, vu que d'autres pays d'Europe de l'Est connaissent des tendances similaires. Mais la Pologne devait adopter le Traité Constitutionnel Européen par référendum, et une issue positive semble invraisemblable aujourd'hui. Et même si le traité est renégocié dans un sens moins ambitieux, il est tout de même nécessaire qu'il obtienne le soutien des dirigeants polonais. Et l'on ne peut pas se permettre d'attendre les prochaines présidentielles, en 2010, pour avoir des responsables polonais mieux orientés envers la construction européenne.