Dans leurs habitudes d'achats, les consommateurs influent sur les procédés de production des marchandises. Pour les produits provenant de l'agriculture, le fait est assez sensible. Alors que les agriculteurs européens sont souvent confrontés à des crises de surproduction, les agricultures des pays émergents ou de pays comme l'Argentine sont de plus en plus compétitives, et permettent de baisser les prix et de nourrir de plus en plus de personnes. Aujourd'hui, la difficulté n'est pas tant de produire suffisamment pour nourrir la population, que de vendre suffisamment cher la production pour pouvoir acheter d'autres choses que ce que l'agriculteur fait pousser lui même. Il n'y a bien qu'en Afrique noire que les famines sont toujours très présentes, mais elles sont la plupart du temps dues à des guerres plutôt qu'à de faibles rendements. Ailleurs, le monde est confronté à des maux qui peuvent sembler étonnant par rapport à des situations antérieures : surproduction et prix trop faibles. Ils sont évidemment liés. En cas de de réel développement des biocarburants, les surfaces occuppées par les cultures nécessaires pourraient limiter la production d'aliments, et amoindrir de fait le problème de la surproduction. Mais peut-être faut-il envisager la question sous l'angle du choix entre la quantité et la qualité ?

En l'occurrence, ces quantités produites résultent de gains de productivité issus de l'utilisation de machines, de meilleures semences, de meilleures gestion des terres, et surtout d'engrais et d'insecticides. Ces derniers éléments sont importants, et ont des inconvénients notables, rarement sur la santé des consommateur, mais surtout sur l'environnement. De tels produits chimiques sont en effet des facteurs polluants notables. Il y a donc un autre prix que celui financier à payer pour des récoltes aussi importantes. La logique de l'agriculture biologique est justement de cultiver les terres sans faire appel à des produits chimiques, accepter le fait que la récolte soit moins importante, plus chère à produire pour éviter d'endommager les sols. En conséquence, il faut que le consommateur soit prêt à payer in fine pour le surcouût représenté par ces pratiques respectueuses de l'environnement. Ce n'est clairement pas à la portée de tous, mais ceux qui sont sensibilisés à la question et souhaitent apporter leur modeste pierre à l'édifice peuvent contribuer en faisant ce choix de consommation. Après tout, la part des produits alimentaires est de plus en plus faible dans le budget des ménages, les niveaux de vie augmentant et les gens n'accroissent pas leur appétit d'autant pour autant. Certains parlent d'"éco-consommateurs", toujours est-il que le fait que le produit soit issu de l'agriculture biologique représente un argument de vente permet à l'écologie de contourner les lois de l'offre et de la demande, ou plutôt d'en profiter. La question est alors de sensibiliser suffisamment les consommateurs pour que critère devienne notable pour une grande partie d'entre eux. En faisant appel à leur esprit citoyen, les retombées écologiques du produit qu'ils achètent ont la même importance que le côté pratique de l'emballage par exemple. L'emballage peut d'ailleurs lui aussi être conçu pour avoir le moins de retombées possibles sur l'environnement et ainsi jouer sur les deux tableaux.

Une autre agriculture fait également appel à la conscience civique des consommateurs : le commerce équitable. En mettant des prix d'achat planchers pour les récoltes d'agriculteurs acculés à la pauvreté par la faiblesse des cours mondiaux des denrées, les entreprises qui vendent des produits issus du commerce équitable favorisent le développement de pays en voie de développement, et peuvent éventuellement garantir une certaine qualité à la production. On peut d'ailleurs imaginer une agriculture biologique vendue selon les principes du commerce équitable. Une fois encore, ce sera à la solidarité du consommateur qu'il sera fait appel, pour qu'il accepte de payer plus pour que le producteur vive sur des bases acceptables. Ainsi, le consommateur peut, en donnant plus d'importance à des critères sociaux ou environnementaux dans ses achats, inciter industriels et distributeurs à s'engager dans les directions qu'il souhaite, et de cette façon influer sur des pratiques qui ont de réelles retombées. La logique du marché est alors vertueuse pour le développement durable. Ces évolutions méritent d'être encouragées à vaste échelle : que ce soit au niveau de la Politique Agricole Commune ou à l'Organisation Mondiale du Commerce, ces pratiques doivent être différenciées des autres, et valorisées.