Le philosophe Yvon Quiniou a fait publier une tribune dans le journal Le Monde où il accuse l'essayiste Guy Sorman de confondre le communisme avec les régimes qui se sont autoproclamés communistes. Selon Yvon Quiniou, le seul communisme est le marxisme, et celui-ci n'a jamais été appliqué. Le philosophe très engagé à gauche déclare ainsi :

"Tout cela pèse encore d'un poids terrible sur notre situation politique et empêche d'admettre à la fois que l'idée communiste est généreuse, moralement exigible, et qu'elle n'est pas morte puisqu'elle n'a jamais existé dans les faits."

Tous ceux qui attribueraient les crimes des communistes au communisme seraient donc dans l'erreur, une erreur très répandue. Citant les textes de Marx pour s'appuyer, il explique que le communisme n'ayant jamais été appliqué, il faut donc continuer de le revendiquer. Sur une partie de son raisonnement, il n'a pas tord : la vision qu'a eu Marx n'a jamais été appliquée dans les faits. La dictature du prolétariat qu'il préconisait était loin d'être l'étape finale du communisme, et ne s'accompagnait probablement pas de tous ces horribles meurtres et exactions commises par les dictateurs, bien peu en prise avec le prolétariat eux-mêmes. Mais là où Yvon Quiniou se trompe lourdement, c'est en croyant que le communisme puisse être autre chose.

En France, les communistes continuent d'avoir pignon sur rue ce qui est incroyable. Ils ont une multitude de partis politiques, sont influents dans les syndicats, les activistes de tout poil, et bien sûr dans une certaine intelligentsia, comme le montre si bien à propos notre philosophe. Tout ce petit monde continue de se comporter comme si le communisme n'avait pas été fondamentalement invalidé par l'Histoire. De très nombreux pays ont été gouvernés par des régimes d'inspiration communiste, à tel point que l'on a pu considérer à une période qu'ils formaient la moitié du monde. Ce n'est pas une minorité d'entre eux qui se sont presque aussitôt mués en dictatures terribles et sanglantes, c'est plus qu'une majorité : c'est la totalité. Pour une fois, il n'y a pas une seule exception. De l'Europe à l'Afrique, de l'Asie à l'Amérique centrale ou du sud, tous les régimes communistes ont opprimé leur population et nui à leurs conditions de vie. Ceux qui s'en sont sortis le mieux économiquement parlant, sont ceux qui ont laissé ou rétabli des éléments d'économie capitaliste.

Karl Marx a pu se croire aussi scientifique qu'il le voulait, ses thèses n'étaient qu'une utopie folle, pouvant générer de l'espoir il fut un temps, mais dont l'application en toute connaissance de cause aujourd'hui relève de l'irresponsabilité. Le système décrit ne peut tout simplement pas fonctionner, c'est ce que l'on a vu à chaque tentative, c'est pour cela qu'il prend systématiquement une forme grotesque et horrible. En sciences, quand une expérience n'aboutit pas au résultat souhaité, on en tire les conclusions. Il faudrait le faire pour le communisme. C'est dès les hypothèses qu'il était dans l'erreur, en prenant l'homme pour ce qu'il n'est pas.

Le communisme n'a pas d'avenir. En fait, il n'a pas non plus de présent. Nous devons encore supporter les râles d'un mort vivant, répétant inlassablement les mêmes rengaines apprises il y a longtemps. L'étude du communisme peut être intéressante, comme une curiosité. Mais il est temps d'arrêter de croire que le communisme est souhaitable. Ce n'est plus l'heure de jouer aux illusions, et faire comme si le marxisme était encore quelque chose de crédible. Il faut l'achever, et enfin, passer définitivement à autre chose. Cela n'a que trop tardé.