Dominique Strauss-Kahn bénéficie d'une côte de popularité stratosphérique. Il battrait à plate couture le Président sortant en cas d'élections anticipées, avec des scores bien supérieurs à tous les autres présidentiables socialistes. Dès lors, il apparait comme un recours pour la gauche, une sorte d'assurance de gagner. La situation rappelle fortement celle de Jacques Delors à l'approche de la présidentielle de 1995. En politique, être éloigné de la scène principale se révèle être un atout. Ainsi, Jacques Delors, en ayant passé une dizaine d'années à la tête de la Commission Européenne, avait une belle stature de chef d'une administration internationale. Il avait laissé un souvenir favorable de son passage au ministère des finances, avant d'entrer dans la Commission. Il incarnait l'image d'un homme sérieux et compétent, toujours actif mais ne s'impliquant plus de la politique politicienne nationale. C'était un atout : cela lui a permis de ne pas être impliqué par les échecs des gouvernements socialistes successifs, et de ne pas tremper dans le consternant congrès de Rennes. Fin 1994, il était le seul à être intact quand toute la gauche était en lambeaux. Contrairement aux autres, il aurait pu l'emporter face à Édouard Balladur et Jacques Chirac. S'il ne fut pas le candidat du PS, ce fut par son propre choix.

Aujourd'hui, la situation est ni plus ni moins la même pour Dominique Strauss-Kahn. En 2012, il aura passé cinq années à la tête du Fonds Monétaire Internationale, un poste important pour les pays du monde entier. Il a lui aussi laissé un souvenir positif de son passage au ministère des finances, entre 1997 et 1999. Il avait d'ores et déjà une stature présidentielle en 2007, lorsqu'il fut candidat aux primaires, mais ne fut pas désigné. Actuellement, il suit de très loin la politique intérieure française. Il continue d'agir en politique économique et internationale, mais ne peut plus être accusé aux tourments réguliers des socialistes français. Contrairement à tous les autres candidats socialistes potentiels, il n'a pas trempé dans le consternant congrès de Reims. Aujourd'hui, la gauche n'est pas exactement en lambeaux, mais malgré le bref scandale qu'il a traversé à Washington, il reste celui qui dispose de la meilleure image pour 2012. Il pourrait très bien l'emporter face à tous les autres candidats lors de la présidentielle. Reste à savoir si cela sera son choix.

La question en effet est de savoir s'il sera bien présent sur un bulletin de vote. En 1994, Jacques Delors avait décliné les appels à se présenter. Il n'en avait à vrai dire pas vraiment envie, et certains affirment qu'il souhaitait laisser le champs libre à la carrière politique de sa fille, Martine Aubry. Si Dominique Strauss-Kahn veut se présenter, il devra quitter en avance son poste de directeur du FMI, alors que son mandat cours jusqu'à fin 2012. Il aurait certainement à affronter des primaires, où il pourrait justement être face à Martine Aubry. Et il faudrait savoir également si le poste de Président de la République française est plus intéressant que celui qu'il occupe actuellement. Autrefois, il en avait envie. S'il le souhaite à nouveau, c'est là que sa trajectoire différera de celle de Jacques Delors.