Le budget de l'année 2011, présenté par François Baroin en conseil des ministres, se veut plus rigoureux que les précédents. Diminutions des dépenses et augmentations des recettes via la suppression de niches fiscales sont au menu. Le déficit public, estimé à 7,7 % du PIB pour 2010, est colossal. Il faut donc le diminuer. Certes, une bonne partie de ce déficit est due à l'impact de la crise : les dépenses augmentent (tant de façon mécanique, comme l'augmentation des indemnisations chômage, que politique, via le plan de relance) et les recettes diminuent (le montant des impôts dépend de l'activité économique). Mais avant même que cette violent crise économique n'éclate, la France restait bien loin de l'équilibre, se plaçant à peine dans les critères de Maastricht où il est demandé que le déficit soit limité à 3 % du PIB. Des décennies de déficits publics ont entraîné la formation d'une dette énorme. Son importance est telle que les mots manquent en fait pour bien la qualifier...

Conséquence : les intérêts représentent un poids démesurée dans le budget de l'Etat. En 2011, elle devrait représenter environ 47 milliards d'euros. Le déficit étant estimé à 92 milliards d'euros (25 % du budget !), on peut dire que la moitié du déficit sera causé par la charge de la dette, héritée par les déficits précédents. C'est un jeu infernal qui s'apparente à un cercle vicieux. En temps normal, on pouvait donc considérer que la totalité de la dette servait à peu près à payer les intérêts résultant des déficits précédents. Difficile dès lors de faire diminuer la dette. Et l'on ne pouvait que regretter le manque de sérieux des gouvernements successifs, quand on songe que sans les erreurs précédentes, le budget aurait pu être équilibré.

Encore faut-il tout faire pour ne pas perpétuer ces erreurs. Or ce budget de la rigueur est bâti sur des bases bien optimistes. En comptant 2 % de croissance pour 2011, c'est 12 milliards d'euros de recettes supplémentaires qui sont attendues. Ce scénario n'est pas le plus probable. Non seulement la période économique n'est pas formidable, mais en plus les prévisions de croissance sont généralement peu fiables. Chaque gouvernement est obligé de s'adapter au fur et à mesure, quand il constate le montant des rentrées d'argent.

Quand on a une dette comme la notre, la première priorité devrait être de réduire les déficits, et éventuellement ensuite d'anticiper le remboursement des emprunts, afin de diminuer la charge des intérêts. Au final, l'argent des taxes sera mieux utilisé, puisqu'employé directement dans les vrais postes de compétences de l'Etat, et non à payer plus cher le fonctionnement des années précédentes. Voilà une méthode pour y parvenir : arrêter de faire des prévisions de croissance pour le budget de l'Etat. Cela ferait comme pour les entreprises prudentes qui sont gérées en se basant constamment sur le worst case scenario. Il faudrait alors partir du principe qu'il n'y aura pas d'augmentation des recettes due à la croissance de l'activité économique. On prendrait alors l'hypothèse d'une croissance zéro de l'économie. Et ce, pour la forme et les calculs. Cela n'empêcherait évidemment pas qu'il y ait une vraie croissance économique, mais toutes les recettes fiscales supplémentaires seraient alors comme une surprise, des recettes non allouées qui seraient alors immédiatement attribués à la réduction de la dette.

Le but serait alors de construire les budgets sans compter de façon hypocrite sur des hausses de recettes assez aléatoires. Evidemment, dans l'immédiat, cela amplifierait le besoin de rigueur, par l'augmentation des impôts ou la diminution des dépenses publiques. Mais au bout du compte, cela permettrait que chaque euro dépensé ait une vraie utilité.