La défaite sévère de Ségolène Royal ne l'empêche pas de vouloir devenir Présidente de la République française un jour. A l'instar de François Bayrou, son discours de concession constitua sa première rampe de lancement pour la prochaine présidentielle. Pour qu'elle puisse y arriver, il faudra d'abord qu'elle comprenne les raisons qui l'ont fait perdre cette année, alors que l'insatisfaction envers le gouvernement était forte, et le jeu de l'alternance était devenu une habitude. Déjà, il faut reconnaître qu'elle a eu la sincérité d'admettre que son programme économique n'était pas crédible. C'était en effet l'une des principales raisons de son échec. Le mieux aurait pourtant d'en tirer les conséquences dès le départ, en présentant un programme économique qui aurait été crédible, surtout qu'avec la phase des débats participatifs, elle en aurait eu largement le temps. Cela amène à dire que malheureusement, il n'y avait pas que son programme économique qui n'était pas crédible, la candidate l'était aussi. Mais ça, elle ne l'admettra évidemment pas. Elle préfère rejeter la faute sur des éléments qui ne sont pas sous son contrôle pour mieux se dédouaner. Ils sont principalement au nombre de trois, soit le traitement des médias, le machisme des électeurs et le comportement de son propre parti politique.

Ségolène Royal se mit à attaquer les médias pour leur partialité supposée favorable à la droite lorsqu'elle constata qu'elle ne tenait plus le haut de l'affiche dans les sondages. C'est pourtant paradoxal de sa part de les accuser, dans la mesure où elle a été elle-même largement aidée par l'ensemble des médias pendant la primaire à l'intérieur du Parti Socialiste, qui la présentait comme une personne fraîche, conquérante et populaire, tournant au final comme une boucle : plus les médias parlaient d'elles, plus l'excitation grandissait autour d'elle, permettant aux médias de parler de phénomène. Du reste, l'accusation des médias était aussi un moyen pour elle de faire un appel du pied à François Bayrou et à son électorat, qui a commencé sa campagne électorale en s'en prenant à TF1, qu'il accusait de ne s'intéresser qu'à Nicolas Sarkozy et à Ségolène Royal justement. Quant à la part de machisme qui règnerait chez les Français, les rendant réticents à voter pour une femme, on peut penser qu'elle a été contrée par l'envie d'une autre partie de l'électorat d'avoir une femme pour Président, quelle qu'elle puisse être.

Mais l'explication de la défaite qui semble être la plus utilisée semble être celle des difficultés posées par les "éléphants", ces poids lourds du Parti Socialiste qui lui auraient mis des bâtons dans les roues pendant sa campagne par dépit de ne pas être à sa place. Evidemment, un bon nombre de personnalités du Parti Socialiste étaient loin d'être enchantées de l'avoir pour candidate... Mais c'est surtout parce qu'ils percevaient bien son absence de crédibilité justement. Elles firent de leur mieux en participant aux événements lorsqu'ils étaient sollicités par Ségolène Royal, et se turent le reste du temps, ne voulant pas être accusées de jouer contre leur camp. L'accusation fut pourtant lancée par les "royalistes", qui auraient voulu que les éléphants aillent sur les plateaux de télévision pour en dire du bien et affirmer qu'elle était crédible, quitte à mentir.

Depuis la rentrée, les livres se succèdent à gauche pour expliquer la défaite, et cela se transforme en débat pro et anti- Royal. Elle devrait elle-même en publier un sur ce sujet. Mais refusant de s'interroger sur ses qualités personnelles, elle a réussi, d'après les enquêtes d'opinions, à rejeter la faute sur les éléphants, devenus des boucs émissaires pour rester dans le vocabulaire animalier. Mais considérant qu'elle est désormais une personnalité de poids au sein du Parti Socialiste, et qu'il y a une probabilité forte qu'elle cherche à en devenir la Première Secrétaire lors du prochain congrès, elle aura de plus en plus de mal à se démarquer de ses concurrents à gauche. Car, si elle ne le perçoit pas, il n'en reste pas moins que cela fait longtemps qu'elle est elle-même devenue l'un de ces éléphants, en devenant la candidate endossée par son parti. Elle a voulu prendre le parti comme un élément extérieur, via une organisation parallèle, Désirs d'avenir, et s'étonne ensuite de ne pas être unanimement acceptée. Les jeux de pouvoirs ont pourtant toujours été la règle au sein du Parti Socialiste. Et pour se maintenir au premier rang, Ségolène Royal n'aura pas le choix et assumer son statut d'éléphante.