Le poste devait revenir à Alain Juppé, mais c'est en fin de compte Jean-Louis Borloo qui s'y colle. La défaite de l'un et l'infortune de l'autre ont abouti à cette situation, où Jean-Louis Borloo obtient une promotion en devenant numéro 2 du gouvernement, mais bien malgré lui, dans la mesure où il aurait préféré rester à Bercy pour tenter d'appliquer le plan "EFEL" qu'il défendait pendant la campagne présidentielle, reposant sur l'emploi, la formation, l'équité et le logement. A ses côtés dans son nouveau ministère, Nathalie Kosciusko-Morizet lui a été adjointe en tant que secrétaire d'Etat chargée du développement durable. Elle aurait pu sans problème récupérer le poste complet de ministre de l'environnement si Nicolas Hulot n'avait pas décidé de faire de ce dossier un enjeu de premier plan, en menaçant de se présenter s'il n'obtenait pas des garanties des autres candidats sur la volonté d'appliquer une politique écologiste ambitieuse. A ce titre, Nicolas Hulot avait promis, non pas un vice Premier ministre comme Nicolas Hulot le réclamait, mais un ministre d'Etat chargé de l'environnement, des transports, de l'équipement et du développement durable, numéro deux du gouvernement, un ministère occupé par un poids lourd de la politique française pour qu'il ait suffisamment d'autorité pour faire avancer les dossiers, et en premier lieu celui du Grenelle de l'environnement.

Ce chantier s'organise en trois étapes : une consultation entre partenaires sociaux d'abord (réunissant l'Etat, les ONG, les collectivités locales, les syndicats de salariés et les entreprises), une consultation de l'ensemble des Français ensuite (via des forums en région et sur internet), puis la prise de décisions au bout du compte, ce qui devrait se traduire par des lois et des protocoles. Actuellement la phase de consultation du public est en cours, mais celle-ci est bien discrète. Pourtant, il y a vraiment matière à débat. De nombreux points sont encore loin d'être tranchés. Et ce d'autant plus que les groupes de travail de la première étape n'ont pas pu se mettre d'accord sur des questions pourtant essentielles. Par exemple, le groupe de travail sur la lutte contre les changements climatiques et la maîtrise de l'énergie n'a trouvé aucun consensus sur le nucléaire. Certains souhaitent l'arrêt des recherches, d'autres au contraire veulent profiter du fait que l'énergie nucléaire n'émet pas du tout de dioxyde de carbone pour lutter contre l'effet de serre.

Sur ce point précis, il faut en effet parer au plus urgent. Les questions de déchets nucléaires ne sont pas à prendre à légère, mais actuellement, la nuisance est aussi faible qu'elle apparaît comme durable. En revanche, les centrales thermiques provoquent une nuisance forte, et immédiate. Même si la Terre a une capacité de récupération (limitée) face au dioxyde de carbone, il est bien possible que l'on n'ait pas la faculté de voir ce que cela donne dans la durée, vu les catastrophes qui sont en cours et qui ne feront que prendre de l'ampleur. Certains écologistes voient depuis des décennies la solution miracle dans les énergies renouvelables. Leur développement est en effet nécessaire, mais leur application n'est pas toujours simple. La France a de moins en moins d'endroits disponibles pour construire des centrales hydrauliques, celles-ci changent également la forme de l'environnement local, et il y a même des écologistes auto-proclamés qui s'insurgent contre les éoliennes qui gâcheraient le paysage de leur région. Il y a également des problèmes de coûts, que tout le monde ne souhaite pas assumer. Le Grenelle de l'environnement propose actuellement de faire passer la part des énergies renouvelables dans la production d'électricité française de 9 % à 20 % d'ici 2020. L'objectif est louable, et s'il est réalisé, doit permettre de faire diminuer en premier lieu la part de l'énergie issue des centrales thermiques. Il serait scandaleux que se répète en France l'absurdité qui a eu lieu en Allemagne, qui a cru naïvement que c'est l'énergie renouvelable qui prendrait le relais des fermetures de centrales nucléaires, alors que ce sont surtout les centrales à fuel et à charbon qui furent davantage sollicitées.

Les domaines de réflexion et de débats sont nombreux dans ce Grenelle de l'environnement. Le but étant justement de prendre en compte tous les aspects du problème. On y croise notamment les questions de la maîtrise de la consommation d'énergie, des OGM, du traitement des déchets, de la biodiversité ou de la recherche. A chaque fois, il y a débat, comme sur la question de l'avenir du nucléaire. Malheureusement, ce débat n'est pas forcément spectaculaire, et ne se retrouve donc pas autant à la une de l'actualité qu'il le mériterait. C'est pourtant un champ que chaque citoyen doit s'approprier.