Barack Obama a promis un retrait des troupes américaines d'Irak pour août 2010, seuls des "conseillers" devant rester après cette date. Le retrait de l'Irak était bien l'une de ses promesses de campagne, et il pouvait d'autant plus appuyer ce point qu'il était dès le départ contre leur envoi. Si l'armée américaine a son bon de sortie pour l'Irak, elle est loin de l'avoir en ce qui concerne l'autre opération militaire importante, l'Afghanistan. Jusqu'à présent, son principal message auprès de ses alliés européens a même été de leur demander d'y envoyer plus de troupes, évoquant déjà ce point lors du discours qu'il tint en Allemagne pendant sa campagne. Le Président de la République française, Nicolas Sarkozy, a déjà augmenté les effectifs présents en Afghanistan l'année dernière. Cela n'est évidemment pas sans risque, et tout événement militaire tragique se transforme facilement en polémique politicienne. La mort de plusieurs soldats français en août dernier avait ainsi rappelé la douleur que peut provoquer l'engagement armé. Au delà des frénésies médiatiques, cette peine aura également rappelé le courage dont font preuve les forces françaises, un courage qui provoque l'admiration de l'ensemble de leurs compatriotes.

Pour la France comme pour Barack Obama, la pacification de l'Afghanistan est une mission justifiée. Là où l'Irak ne fut que le théâtre d'une guerre unilatérale basée sur un mensonge, l'intervention en Afghanistan est la conséquence directe de la tragédie du 11 septembre 2001. Ce pays, alors dirigé par les talibans, avait permis la préparation des attentats ayant constitué un acte de guerre de grande ampleur envers les Etats-Unis. Ce jour-là, l'Amérique compta plus de victimes que lors de l'attaque japonaise de Pearl Harbor en 1941. Il était tout à fait légitime que les Etats-Unis répondent à cette attaque, et soient accompagnés par leurs alliés militaires contre le pays qui en était à l'origine. C'est dans ce cadre que la France est intervenue pour se battre à ses côtés, et elle a eu raison de le faire.

Le régime taliban était une dictature obscurantiste, basant ses lois sur un fondamentalisme religieux dévastateur, opprimant l'ensemble de la population, et les femmes en particulier. En favorisant l'attaque des Etats-Unis, il s'est donné l'occasion d'être remplacé. Contrairement à l'Irak, il existait une solution de remplacement face au pouvoir taliban. A la fin des années 90, le commandant Massoud était devenu connu en occident pour son combat contre les talibans au sein de l'Alliance du Nord, et sa vision tolérante et apaisée de sa religion, l'Islam. Sa mort à la veille du 11 septembre fut un coup dur symbolique, mais ceux qui l'accompagnaient perduraient. Ils montraient au moins le rejet par une grande partie de la population du régime taliban. Par leur hâte d'en finir, ils ont même accéléré l'intervention alliée en Afghanistan. Il était entendu que ce serait à eux que le pouvoir reviendrait pour le redémarrage du pays, sur des bases plus démocratiques.

Mais malgré l'ampleur de l'intervention alliée, les talibans n'ont pas disparu. Ils continuent de chercher à regagner leur ancienne influence, contrôlant certaines zones du sud est du pays, et utilisant de guérilla pour affaiblir les forces démocratiques. Leur grand atout est de pouvoir bénéficier d'une vaste zone de repli au nord ouest du Pakistan, une région échappant totalement au pouvoir pakistanais et où les mots d'ordre des talibans continuent de régner. C'est d'ailleurs probablement là où Ossama Ben Laden se cache, les Américains ne pouvant intervenir eux-mêmes dans ce pays. Le gouvernement afghan reste encore faible, et l'Afghanistan est ravagé par la pauvreté. Pour pouvoir faire face à la menace talibane, il doit pouvoir former et maintenir une armée suffisamment importante. Les alliés doivent être là pour l'accompagner. Le but est bien de veiller à ce que les talibans ne reprennent pas le pouvoir dès qu'ils seront partis. Ou sinon, à quoi bon y être allé ? C'est forcément un processus de long terme.

Une démocratie ne s'installe pas en claquant des doigts, elle demande une dose minimale de moralité et de confiance mutuelle. Là où règne la corruption et les haines, la tâche est d'autant plus ardue. Quel horizon peut-on avoir quand il n'y a pas de sécurité, quand il n'y a pas de libertés ? De tels principes doivent être profondément ancrés dans la population pour que l'Afghanistan ne redevienne plus une grave menace internationale peu de temps après son évacuation. En Irak, l'envoi de renforts en grand nombre a en fin de compte permis de calmer l'activité terroriste. C'est, pour Barack Obama, une bonne raison de croire qu'il faut solidifier la présence des troupes alliées en Afghanistan au moment où les talibans redoublent d'activisme. Cela demande certes des efforts renouvelés de la part de tous les pays membres de la coalition. Mais ce sont des efforts nécessaires. Cette présence est légitime, et elle doit être couronnée de succès. Pour cette raison, il faut reconnaître que les alliés y sont pour y rester encore longtemps.