Tout d'un coup, l'Islande découvre qu'une adhésion à l'Union Européenne l'arrangerait bien. Elle se rajoute à la liste des candidats qui espèrent pouvoir faire partie de ce club, estimé via les membres qui y sont présents, mais à l'identité encore assez imprécise. Ils font en tous cas les beaux jours du commissaire européen à l'élargissement, une fonction assez folle dans la mesure où elle signifie que quelqu'un a comme travail de toujours oeuvrer à l'élargissement de l'Union Européenne. Mais jusqu'à où ? Et surtout, pourquoi faire ?

C'est aujourd'hui manifeste : plusieurs des pays qui ont adhéré à l'Union Européenne en 2004 l'ont fait sans bien savoir pourquoi. La République Tchèque ou la Pologne ont adhéré à l'OTAN pour faire partie d'une alliance militaire avec leur idole, les Etats-Unis, et ainsi faire enrager l'encombrant voisin russe, mais si l'entrée dans l'Union Européenne a été faite à corps et à cris, c'est en oubliant d'en rechercher les motivations. Si c'était pour faire une zone de libre échange, l'Espace Economique Européen proposait un certain nombre de dispositions en la matière. Ce pêché originel se traduit quotidiennement de nos jours. En fait, dès leur entrée, ces pays ont montré leur volonté de bloquer des quatre fers la construction européenne. Mais comment pouvaient-ils ignorer que la construction européenne a commencé sur des bases clairement fédéralistes, par la volonté de ses promoteurs ? Tel était déjà le cas pour la Grande Bretagne, posant plusieurs fois sa candidature à l'époque du Général de Gaulle, pour ne plus apparaître comme très peu coopérative une fois finalement intégrée. On pouvait alors se demander si cela en valait bien la peine.

D'une manière générale, il est certain que l'Union Européenne a vocation à terme de rassembler tous les pays situés en Europe. Et ce, pour un vrai projet politique. Celui-ci ne peut se faire qu'avec la bonne volonté de ses membres. Sans elle, mieux vaut passer à autre chose. Il y a donc des pays qui pourraient très bien rentrer dès demain dans l'Union Européenne, à la seule condition d'en avoir envie. La Suisse ou la Norvège sont dans ces cas. On peut au moins se dire que le jour où ils feront acte de candidature, ce sera déjà une preuve de motivation forte pour travailler ensemble.

Mais il faut aussi voir que l'Union Européenne est projet complexe, avançant difficilement. A l'heure actuelle, la coopération entre les différents membres est très dure, et chaque nouveau membre apporte un nouveau lot de complications. Si, à la suite du mécontentement irlandais, le Traité de Lisbonne ne prévoit plus qu'il y aura moins de siège à la Commission que d'Etats membres, alors cela fera perdurer encore longtemps les luttes d'influences dans les institutions. L'orgueil et les susceptibilités y règnent : chaque pays négocie qu'en fonction de ses propres intérêts et ne fait pas confiance aux étrangers, quitte à mettre en place des institutions invivables. Des progrès sont envisageables, mais ils sont lents. On peut alors se demander si c'est le moment pour de nouvelles adhésions.

Ainsi, des pays comme la Croatie ou l'Albanie sont candidats, ce qui est enthousiasmant si c'est bien la preuve d'un désir d'intégration européenne, mais il faut bien veiller à ce qu'ils n'adhèrent pas trop tôt. Le souvenir des dernières adhésions est encore brûlant et douloureux, elles n'ont pas été vraiment digérées par l'Union Européenne. Continuer sur ce chemin serait trop dangereux, et il faudrait donc envisager la possibilité que les prochaines adhésions ne puissent être envisagées que si l'Union Européenne a réussi à résoudre les problèmes posés par les précédentes. Et ce d'autant plus lorsque le pays est grand. L'Ukraine peut se poser des questions quant à une éventuelle adhésion, mais, outre le chaos politique de ce pays, l'Union ne peut faire face à l'absorption de si vastes territoires et de si grandes populations. Le refus doit même être catégorique et définitif lorsque le dossier relève du n'importe quoi, comme dans le cas de la Turquie, pays asiatique d'une taille considérable.

A l'heure actuelle, il ne saurait être question d'élargissement à venir prochainement. La priorité doit être donnée à la résolution des problèmes européens actuels, notamment institutionnels, ainsi qu'à un meilleur travail commun, la véritable raison d'être de l'Union Européenne.