Dans son dernier livre, François Hollande évoque la diminution des crédits affectés à la défense nationale comme une possible piste pour dégager des marges budgétaires. Il reprend une ancienne idée de la gauche, qui se méfie de l'armée en la suspectant de favoriser la guerre. Pour un gouvernement qui recherche la paix et de l'argent, l'équation se résoudrait donc par une baisse des moyens financiers accordés aux armées. Le raisonnement s'appuierait notamment sur le fait que depuis la chute de l'URSS, il ne serait plus nécessaire de rester aussi sourcilleux sur notre défense, dans la mesure où la Russie ne serait plus un danger. Le raisonnement peut quand même paraître surprenant : s'il est vrai que les risques de conflits entre Etats ont diminué depuis la fin de la guerre froide, la situation géopolitique est loin de paraître apaisée de façon globale. Aux chocs symétriques, où deux armées s'opposent de façon frontale, suivent les affrontements asymétriques, où des armées font face à des guérillas diffuses, incapables d'affronter frontalement les grands pays, mais néanmoins aptes à les user considérablement. Il ne faut pas non plus négliger l'attitude de pays franchements hostiles à l'occident, qu'il serait irresponsable de négliger.

Si vis pacem, para bellum (Si tu veux la paix, prépares la guerre) est un ancien proverbe qu'il peut être bon de se rappeler constamment. Préparer la guerre, ça ne veut pas forcément dire la faire. Il convient surtout de rester toujours à l'affût, de ne pas se laisser aller à croire que tout est acquis. La stratégie de dissuasion nucléaire a permis d'éviter le conflit entre les Soviétiques et les occidentaux, ce modus vivendi a succédé à la stratégie réaliste d'équilibre des forces qui permit la paix au XIXème siècle, sous l'inspiration de Metternich. Là, il ne s'agit que d'avoir des armées prêtes à répondre à toute alerte, capables d'agir sans sourciller en cas de besoin. Et les occasions peuvent surgir à n'importe quel moment.

Le 11 septembre 2001, les Etats-Unis subirent une attaque terroriste considérée avec raison comme un acte de guerre. Les responsables de cette attaque étaient soutenus par un régime hostile, incarné par le gouvernement taliban de l'Afghanistan. A l'époque, la situation n'était pas difficile à juger, et rares sont ceux qui critiquent même aujourd'hui la décision d'anéantir le régime taliban. Les Etats-Unis et ses alliés se sont donc rapidement convenus sur l'attaque de l'Afghanistan, et leurs capacités militaires leur permirent d'intervenir rapidement. Ils purent donc se battre aux côtés des forces libres du Nord que dirigeait le commandant Massoud, et renverser ce gouvernement. Aujourd'hui encore, les alliés restent en poste en Afghanistan pour stabiliser le pays autour de son nouveau gouvernement élu de façon démocratique, et empêché le retour au pouvoir d'extrémistes bellicistes. Lors de la guerre du Golfe, l'Irak a attaqué le Koweït car il savait précisément que ce petit pays n'était pas en moyen de se défendre. Pour éviter les ennuis, il faut donc que les pays éventuellement hostiles comprennent qu'il est inutile de vouloir s'en prendre à l'intégrité du territoire national. Seule une politique de vigilance permanente ne sous-estimant aucun risque permet de maintenir des effectifs armés suffisants et adaptés afin de dissuader de possibles ennemis de tenter leur chance à agresser notre pays. Il est d'ailleurs assez terrifiant que lorsque l'Allemagne nazie se réarmait dans les années trente, la France ait longuement tardé à prendre la mesure de la menace. Cela ne faisait qu'augurer l'étendue du désastre qu'une position trop pacifiste a permise, comme la débâcle de 1940 l'a montré.

Nous devons donc faire face à plusieurs menaces : d'abord, les pays hostiles disposant d'armées. C'est le cas avec l'Iran, qui se cache à peine de vouloir l'arme nucléaire alors que rien ne laisse penser que son gouvernement puisse être assez sage pour disposer d'une arme aussi destructrice. C'est aussi le cas avec la Corée du Nord, qui elle se targue même de l'avoir, et dont les névroses de son chef suprême laissent craindre le pire. Mais il y aussi la menace de la guérilla, que doivent affronter nos armées en Afghanistan, ou bien celle encore plus difficile à gérer, celle des kamikazes, car la raison est exclue du domaine de l'ennemi. On voit en Israël ou en Irak les difficultés que ceux-ci posent. Les armées doivent être donc prêtes à faire face à chacune de ces menaces. Des soldats issus de la conscription n'étaient plus en mesure de pouvoir le faire, l'armée a donc du se professionnaliser pour acquérir les connaissances et l'expérience nécessaires à la gestion de ces situations. Les effectifs de l'armée professionnelle augmentent donc, les investissements en matériel militaire également, étant donné la sophistication croissante des armes et des moyens utilisés pour répondre au mieux à ce genre de menaces. Bref, le moment n'est certainement pas venu pour la défense nationale de se voir couper les crédits. Le plus sage serait de lui donner les moyens nécessaires à son efficacité, car nous ne pouvons nous permettre d'encourir le moindre risque, d'avoir le moindre doute aux moments où des vies sont en jeu.