Pour cet homme, c'est une obsession. Arnaud Montebourg veut une VIème république pour la France. Pour lui, ce sera à coup sûr la solution à tous les problèmes. Il faut dire qu'il les voit tous sous un angle purement juridique. Avocat, membre de la Commission des Lois, il s'est fait connaître pour avoir voulu envoyer Jacques Chirac devant la Haute Cour de Justice. Puis il a directement embrayé sur la question des institutions, et avec un certain succès même, puisque la question revient sans cesse désormais. En fondant la Convention pour la VIème république, il a souhaité que le Président de la République devienne un père respectable de la Nation, figure d'autorité morale sans réelle prise sur les affaires du pays, qui ne serait pas forcément élu au suffrage universel. Il a souhaité le retour de la proportionnelle pour l'élection de l'Assemblée Nationale. Bref, il veut une république parlementaire, où ne prédominent pas les luttes de personnes.

C'est une idée assez étrange. D'une part, car on peut se dire que le gouvernement est en crise dans notre pays, mais changer les institutions sans changer les hommes qui sont responsables de la situation ne peut avoir de réel effet. C'est une tentation irrationnelle que de vouloir changer de Constitution à chaque moment de crise, et ne peut aider la stabilité dont a besoin la chose publique. Certains pays ont des constitutions séculaires, et vont parfaitement bien sans faire le yo-yo institutionnel. D'autre part, le projet proposé est voué à l'échec de façon évidente. Car avec ces mesures, nous retournons directement à ce qui a fait le coeur des IIIème et IVème républiques, régimes où les partis étaient rois, décidant les changements de gouvernements à chaque alliance éphémère, et sans véritable autorité ni stabilité. Rappelons-le, ces régimes ont gravement échoué à assumer le maintien de la France en temps de crise. La IIIème République mourut en donnant les pleins pouvoirs à Pétain, faute d'avoir réussi à assurer la défense du territoire face à l'invasion allemande en 1940. La IVème République s'est sabordée en constatant son incapacité à régler avec force la question algérienne. La Vème république, fondée par le général De Gaulle qui l'avait longuement souhaitée, assure à la France la stabilité des institutions et une forme de gouvernement efficace où peut se déployer la force politique, à condition évidemment qu'il y en ait une.

N'oublions pas les tares inhérentes à la proportionnelle : déjà, son manque de stabilité comme nous l'avons vu. Elle favorise structurellement la formation d'innombrables petits partis, et il peut y avoir de nombreuses combinaisons possibles pour former une majorité hétéroclite qui aura la charge de gouverner. Le manque de cohérence dans le gouvernement fait qu'il est d'autant plus facile à faire chuter, par départ de telle ou telle composante, s'offusquant dès qu'une décision contraire à leur volonté est prise. Les députés souhaitent d'autant plus facilement faire tomber les gouvernements que la formation d'un nouveau augmente leurs chances d'être ministre. Ensuite, ces partis ne sont pas forcément recommandables, et la représentation des extrêmes à l'Assemblée Nationale leur donne une façade trompeusement respectable sans les affaiblir. C'est ce qu'on a pu constater entre 1986 et 1988. Enfin, les régimes des partis donnent le sentiment aux citoyens qu'ils sont dépossédés du débat public, dans la mesure où ce n'est plus eux qui choisissent le gouvernement par leur vote, mais seulement des députés sans mandat.

De même, le refus que le Président de la République soit élu au suffrage universel montre la volonté de le délégitimer, alors que les citoyens doivent pouvoir connaître la personnalité de celui qui a la charge de gouverner pour faire leur choix. En somme, remettre en cause nos institutions serait refaire les mêmes erreurs qui nous ont conduit à la débâcle de 1940 et aux désordres de 1958. De plus, la Vème République a été approuvé à une majorité forte, et il serait illusoire de croire que l'on puisse convaincre les Français dans une même proportion de retourner à un système honni, celui de la IVème République.