Un adolescent a été tué à coup de machette parce qu'il n'avait pas donné de cigarette à un passant. Le meurtrier a été condamné à 25 ans de prison ferme, dont les deux tiers sont incompressibles. Cela a provoqué la colère des proches de la victime, qui n'a pas compris pourquoi il devrait y avoir une quelconque clémence de la part du tribunal par rapport à la perpétuité demandée par le procureur. Les morts violentes récentes et consécutives de deux jeunes enfants ont également suscité l'émoi. A chaque fois, il est demandé à ce que cela ne se passe plus jamais.

Le Front National cherche à profiter de la douleur des proches des victimes et de l'émotion générée dans la population par des faits-divers aussi atroces en faisant campagne pour l'un de leurs chevaux de bataille, le rétablissement de la peine de mort. Il est infâme de vouloir capitaliser sur la douleur d'autrui, et en l'occurrence, la peine de mort ne représente en aucun cas une solution. En effet, il ne fait que jouer sur un réflexe de vengeance qui ne soulage jamais la victime ou ses proches. Et ce n'est pas la mort du coupable qui va alléger leur peine, ou sinon ce serait bien facile. Il importe que les coupables soient punis pour plusieurs raisons : en premier lieu, établir le fait qu'il y a une justice, et que l'innocent qui a été victime d'un crime est reconnu en cet état, et que le coupable est mis au ban de la société. Il en découle la punition, d'abord pour que le coupable souffre en retour des actes qu'il a commis, ensuite pour dissuader d'éventuels criminels en puissance en les effrayant vis à vis des conséquences qu'auraient leurs actes sur leur propre personne. Enfin, il convient de protéger la société des personnes dangereuses en en les éloignant, tant qu'elles restent dans des dispositions malveillantes.

Les partisans de la peine de mort s'inscrivent dans cette démarche, mais ils oublient deux choses. D'une part, il existe malheureusement un risque d'erreur dans chaque système judiciaire, les exemples en sont nombreux, il suffit de s'en référer à la récente affaire d'Outreau pour cela. Dès lors, comment peut-il y avoir une peine aussi définitive que la mort, alors qu'il est souvent difficile de prouver absolument la culpabilité de quelqu'un ? Les jurés doivent s'en référer à leur intime conviction pour prendre une décision, mais cela parait assez léger dans les situations de non-retour engendrées par la condamnation à mort. Or on ne peut admettre de la justice qu'elle commette des injustices qui ne peuvent être réparées d'aucune manière. La condamnation à la prison permet de rouvrir un dossier, de faire un nouveau procès si un élément troublant fait son apparition, et éventuellement une réhabilitation et des réparations peuvent être possibles en cas d'erreur. Il y a certes du temps perdu, et le condamné à tort perd déjà quelque chose de précieux, mais il garde au moins la vie. En cas de peine capitale, nulle résurrection possible. C'est donc un risque que l'on ne peut pas se permettre de prendre.

Ensuite, et en mettant de côté le risque d'erreur judiciaire, le coupable condamné à mort s'en sort lui finalement facilement : la mort n'est l'affaire que d'un instant, ce n'est pas lui le plus touché par sa propre mort, mais ses éventuels proches. Le principe de proportionnalité de la punition serait beaucoup mieux respecté si la réclusion criminelle à perpétuité était vraiment à vie. Actuellement, il s'agit seulement d'une peine de prison de 35 ans, où les remises de peines peuvent jouer. Nous avons vu avec la condamnation de Zacarias Moussaoui qu'aux Etats-Unis, il existe une condamnation à perpétuité où le coupable est véritablement enfermé jusqu'à la fin de ses jours, dans des prisons où il n'y a pas un grand souci de son épanouissement personnel. C'est une catégorie de peine qui serait beaucoup plus opportune à défendre, car la condamnation à vie aurait une véritable signification. Cette peine est plus contraignante pour un criminel, car elle oblige le coupable à vivre avec la conséquence de ses actes et à souffrir de la privation de sa liberté jusqu'à sa mort. La société est également sûre d'être protégée d'une personne nuisible. Et s'il y a erreur judiciaire, il est encore possible de libérer l'éventuel innocent, et de tenter de le rétablir dans sa vie précédente.

Lorsque la peine de mort a été abolie, cela avait été fait contre l'avis de la majorité de la population. Elle peut encore être envisageable lors de situations exceptionnelles, qui pourraient se limiter aux périodes de guerre, mais elle ne convient pas aux temps de paix. Ceux qui veulent une justice moins clémente peuvent souhaiter une véritable peine d'emprisonnement à perpétuité, mais pas la peine de mort, injuste dans la peine et trop risquée.