La décision de François Bayrou de voter la récente mention de censure contre le gouvernement est assez surprenante. En effet, son parti, l'UDF, était un allié traditionnel du RPR, puis a considéré faire parti de la majorité avec l'UMP. Or, le budget 2006 avait déjà été voté sans le soutien de l'UDF. Cela signifie donc que l'UDF passe à l'opposition, tout du moins pour ceux qui suivent la ligne officielle (seuls 11 députés sur 33 ont en fin de compte voté cette mention de censure). Il faut savoir que François Bayrou a toujours rêvé d'un grand parti du centre, de Jacques Delors à Edouard Balladur. Il a aussi toujours rêvé de son élection à la Présidence de la République. En fait, l'un va avec l'autre, ou plutôt, le premier rêve doit permettre le deuxième. Ce n'est pas évident pour François Bayrou de se faire une place : une bonne partie de l'ancienne UDF est passée avec armes et bagages du côté du RPR en formant l'UMP. En fait, l'actuelle UDF correspond tout juste à l'antique MRP d'après guerre. Et ce n'est pas une pensée idéologique particulière qui distingue l'actuelle UDF de l'UMP. A vrai dire, à part une conviction forte sur l'Europe, rien ne sépare la pensée UDF de la pensée UMP. Alors il ne reste qu'une solution pour François Bayrou : élever artificiellement la voix pour rouspéter contre tous ceux qui ne sont pas avec lui. Peu importe qu'il n'ait aucune solution différente, ou qu'il aurait fait la même chose s'il avait été au pouvoir. Il souhaite avant tout se distinguer, mais pas par la voie positive, en proposant de nouvelles idées, mais plutôt par la voie négative, en critiquant celles des autres. Rien de plus facile en fait.

François Bayrou en critiquant et en voulant affaiblir l'UMP souhaite emporter la mise du mécontentement de la population. Mais même si par hasard il y arrivait, une fois élu Président, que ferait-il ? Il faudrait déjà qu'il ait une majorité... Si après les élections législatives, l'UDF n'a pas la majorité absolue, il lui faudra créer une alliance pour pouvoir former un gouvernement disposé à le suivre. Le Parti Socialiste ne souhaitera jamais faire alliance avec l'UDF, au vu des nombreux adhérents très à gauche qui rejettent tout ce qui ressemble de près ou de loin à la droite, et François Bayrou est tout de même clairement marqué de centre droit. Il faudra alors que François Bayrou demande à faire alliance avec l'UMP, alors qu'il n'a cessé de critiquer tout ce qu'a fait ce parti. Si jamais l'UMP acceptait, ce ne serait que de mauvaise grâce, et le climat serait aussi malsain que celui qui prévalait entre 1976 et 1981, lorsque le RPR était un allié réticent de l'UDF, ne souhaitant que pouvoir s'en débarrasser. Dans un cas contraire, si l'UDF parvenait à avoir la majorité absolue à l'Assemblée Nationale dans les élections législatives qui suivrait son élection, il manoeuvrerait pour se passer logiquement de l'UMP. Pour celui qui a combattu le parti unique, le fait qu'il en promeuve un serait assez étonnant. "Lorsque tout le monde pense la même chose, c'est qu'on ne pense plus rien" disait François Bayrou lorsqu'il combattait la formation de l'UMP. Au vu de la façon dont il gère son parti, en écartant Gilles de Robien qui n'est pas d'accord avec sa façon de faire, l'hypocrisie devient apparente : ce qui lui pose problème, ce n'est pas que tout le monde pense la même chose, c'est que tout le monde ne pense pas la même chose que lui.

En fait, François Bayrou rêve d'établir le même genre de coalition que celle qui gouverne actuellement en Allemagne. Mais il faut bien comprendre qu'outre Rhin, personne n'est satisfait d'une telle solution, et si les décisions qui sont prises par Angela Merkel seront forcément consensuelles, elles auront du mal à être nombreuses. Lui ne voit pas cela, puisque dans son esprit, une telle coalition ne doit pas servir à changer ce qui ne va pas en France, mais uniquement à établir sa gloire personnelle en permettant son élection à la Présidence de la République avec un parti qu'il croit sur mesure. On pourrait bien y voir une défense du multipartisme, mais à quoi bon si l'UDF et l'UMP sont les mêmes partis, avec des dirigeants différents ? Vu les graves problèmes posés par les partis extrémistes, et le manque de clarté dans l'action que l'existence de nombreux petits partis introduit, autant discuter clairement la possibilité d'établir un bipartisme.