Une crise chasse l'autre. Dominique de Villepin, cuit par le retrait du CPE, se retrouve définitivement carbonisé par l'affaire Clearstream. Etrange imbroglio d'ailleurs : si on se concentre pour comprendre ce qu'il se passe, il est déjà difficile de saisir les détails de l'affaire. Et cela suppose déjà une lecture attentive et régulière de la presse. Autant dire que la quasi-totalité de la population ne comprend pas ce qu'il se passe, deux reportages chaque soir dans le journal de 20 heures sont loin de suffire pour décrire les bas fonds de cette affaire politico-financière, et qui n'exclue pas une bonne dose d'espionnage. Le gros scandale, c'est que l'on a voulu discréditer Nicolas Sarkozy en voulant l'impliquer à tort dans l'affaire des frégates de Taïwan. Déterminer ceux qui sont à l'origine de cette manipulation représente l'aspect principal de l'enquête. Mais il y a aussi d'autres mini scandales qui vont avec : pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il du attendre aussi longtemps avant d'être mis au courant ? Le juge Renaud Van Ruymbeke connaissait-il l'identité du corbeau, commettant alors au moins une faute de procédure ? Etc.

Tout est nauséeux dans cette affaire, et il serait bon que chacun se calme et ne tire pas trop sur la corde, vu que la seule conclusion que le peuple tirera c'est que "les politiciens sont tous pourris". Dès lors, il serait préférable que l'instruction du dossier continue de façon discrète et efficace. Mais il y a quelques éléments qui sont néanmoins particulièrement curieux dans ce dossier...

D'une part, l'identité des personnalités politiques mises en cause à tort. Nicolas Sarkozy, Dominique Strauss-Kahn, Alain Madelin, Jean-Pierre Chevénement, Laurent Fabius... ce sont tous soient des candidats déclarés pour la prochaine élection présidentielle, soit d'ex candidats à celle de 2002 (et pouvant donc l'être à nouveau en 2007). Bref, que des hommes du premier plan, qui, s'ils avaient tous été éliminés par l'affaire, auraient laissé un boulevard à l'actuel Premier ministre, du moins du côté de la droite.

D'autre part, et dans le sens inverse, il est étonnant que chaque jour voit la publication d'éléments de l'enquête en cours, alors que celle-ci est justement censée être protégée par le secret de l'instruction. Et personne ne semble s'en offusquer... Normalement, les preuves sont exposées sur la place publique qu'au moment du procès, permettant dès lors une défense qui sait de quoi il est question. En l'occurrence, ce sont des extraits de procès verbaux et de notes glanées on ne sait où, pouvant être facilement sélectionnés pour diriger le brouhaha médiatique vers telle ou telle personne, suivant les humeurs. Soit rien de rigoureux en somme. Inutile donc, de condamner au même moment où l'on accuse.

D'un point de vue politique, on ne peut néanmoins nier que tout cela est catastrophique. Il faut déjà admettre que Dominique de Villepin est hors course pour la présidentielle, et n'a que peu de marges de manoeuvre pour son action de Premier ministre. Difficile de le changer maintenant, à moins d'un an des présidentielles. Michelle Alliot-Marie ne semble plus être le recours idéal, et Nicolas Sarkozy n'a aucun intérêt à aller se brûler les ailes si tard. En fait, tout cela est le résultat d'une composition de gouvernement désastreuse. Il fallait bien changer Jean-Pierre Raffarin, mais il aurait fallu le faire plus tôt. Et certainement pas par Dominique de Villepin, brillant technocrate aux Affaires étrangères, ministre quelconque à l'Intérieur, et homme politique exécrable, se glorifiant de n'avoir jamais été élu, et qui ne semble ne jamais être sorti des mondanités. Nicolas Sarkozy aurait été un choix possible en 2004, après les régionales, mais il aurait fallu pour cela que Jacques Chirac surmonte ses appréhensions et ses rancunes. Michelle Alliot-Marie aurait pu convenir en 2005, Jean-Louis Borloo aussi. Ce dernier est d'ailleurs le seul qui pourrait remplacer avantageusement le Premier ministre actuel, surtout que l'on dit que le président souhaite persévérer dans le côté social. Malheureusement, parmi les mille noms cités par la rumeur, celui-là ne semble pas être donné gagnant.

En dehors du seul choix du Premier ministre, celui des ministres aurait lui aussi du être plus soigné. Remplacer quelqu'un comme Michel Barnier par Philippe Douste-Blazy ne pouvait que ressembler à une mauvaise blague, si le poste n'avait pas été aussi important. Virer Claudie Haigneré était immérité. Et surtout, installer Nicolas Sarkozy dans le gouvernement de Dominique de Villepin était une absurdité fondamentale, vu la haine que les deux hommes éprouvent l'un pour l'autre. Sans compter que cela ridiculise la pseudo règle formulée par Jacques Chirac, signifiant que le président de l'UMP ne peut être ministre. En somme, il n'est pas si étonnant que cela que ça tourne aussi mal, c'est juste que ça prenne la forme d'affaires d'espionnage qui peut surprendre...