Réflexions en cours

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

jeudi 20 novembre 2008

Un G20 pour changer le monde

Le sommet du G20 a en fin de compte assez peu attiré l'attention des médias par rapport aux enjeux qui y étaient traités. Il faut dire qu'aux Etats-Unis, la presse a déjà oublié que George Bush était encore Président pendant encore deux mois, et préfère traiter de façon plus qu'exhaustive les rares nouvelles provenant du Président élu Barack Obama. De même, en France, les journalistes préféraient traiter une actualité bien plus spectaculaire avec le psychodrame du Parti Socialiste au Congrès de Reims. C'est pourtant de la France qu'est venue l'idée d'appeler à la tenue de cette réunion des plus grands pays industrialisés et pays en développement. En tant que Président du Conseil Européen, Nicolas Sarkozy était même allé rendre visite au Président américain pour le convaincre de s'atteler au plus vite à la refondation du capitalisme mondial, ni plus ni moins. Tous les chefs d'Etat ou de gouvernements réunis à Washington le week-end dernier avait donc en quelque sorte l'objectif de changer le monde, et cette fois, de manière vigoureuse, en prenant de front les questions économiques. Evidemment, un objectif aussi ambitieux ne pouvait difficilement être atteint en si peu de temps, et chacun comprenait bien qu'au moins avancer sur plusieurs questions clés serait déjà considéré comme une réussite.

En fin de compte, ce fut le cas. Les différents pays réunis ont réussi à se mettre d'accord sur une explication de la crise, et ce dans le but d'en tirer les conséquences. Il y a déjà celles à court terme : l'économie mondiale semble être en train de s'écrouler, et les Etats décident d'intervenir pour limiter les dégats et dégager le chemin pour un prochain retour de la croissance. Puis il y a la vision lointaine : que faut-il faire pour que cela ne se reproduise plus, ou tout du moins pas dans de telles proportions ?

Sur ces deux sujets, le G20 a prôné la coordination des politiques publiques. Cela permet de mettre en place de manière plus rapide des politiques semblables dans des pays qui n'ont pas d'institutions communes, celles des Nations Unies n'étant pas taillées pour de tels défis. Et en ce qui concerne la refondation du capitalisme mondial, l'idée première est déjà de réguler davantage et mieux la finance internationale. La déclaration finale liste de nombreux sujets où les régulateurs de chaque pays doivent intervenir pour fixer de nouvelles règles, pour notamment favoriser la transparence et renforcer les normes suivies. Car c'est bien ce qui a défailli. Il n'est pas question de remettre en cause fondamentalement le capitalisme ni le libre échange, mais la puissance publique est invitée fermement à s'attaquer aux flux et montages financiers d'une taille si immense que leur influence devient angoissante par rapport au reste de l'économie mondiale.

La mise en place de régulations renforcées ne va évidemment pas dans le sens de la dérégulation maximale prôné par les pays anglo-saxons depuis les années 80. Mais tant Gordon Brown que George Bush semblent se rendre compte de la nécessité de changer les choses au vu des répercussions de ce qui avait été fait auparavant. Et les plans d'urgence visant à faciliter les conditions du crédit, soutenir les banques et relancer les économies par des politiques de relance sont bien peu libérales. Aujourd'hui, il est question d'un plan de relance européen, alors que Barack Obama appuie d'ores et déjà la mise en place d'un grand plan de relance aux Etats-Unis. Il s'agit là de l'application de politiques d'inspiration keynésienne, partant du principe que la demande est insuffisante et que l'économie est menacée par la déflation.

Bizarrement, la question de la déflation commence en effet à se poser. Cela est paradoxal alors qu'il y a encore six mois, l'augmentation du prix des matières premières favorisait l'inflation. Les ménages se plaignaient de la baisse du pouvoir d'achat, la BCE augmentait les taux d'intérêts et le prix du baril de pétrole augmentait en flêche jusqu'à dépasser largement les 150 $. Aujourd'hui, le baril vaut dans les 50 $, la BCE rebaisse les taux d'intérêts alors que ceux de la Fed sont quasiment nuls, et la principale menace pesant sur les ménages est désormais le chômage.

Il est donc question maintenant de grands plans de dépenses publiques pour relancer l'économie. Ils seront accessibles aux pays qui ont géré rigoureusement leurs finances comme l'Allemagne, tandis qu'ils aggraveront la situation à long terme de pays qui, comme la France, adoptent toujours le comportement de la cigale et jamais de la fourmi. Le fait que les plus grands pays coordonnent leurs plans de relance est une bonne nouvelle en soi : ces plans favorisent les importations et donc voient l'argent public s'échapper du territoire national, mais cela peut être compensé par les exportations si les principaux partenaires commerciaux font de même. Le plan de relance français de la gauche pendant les années 80 avait failli à cause d'une politique à contre courant, les chances de réussite sont désormais meilleures.

Plus difficile est la question de la confiance : en période de crise, les agents économiques peuvent avoir la tentation de faire le dos rond et donc de ne pas dépenser d'éventuels revenus supplémentaires pour les épargner en vu de périodes de vaches maigres. Voilà qui pourrait faire échouer ces plans de relance si la confiance des agents économiques ne s'améliore pas. Et lorsque l'on entend un gouvernement dire que les choses ne vont pas si mal, c'est d'ailleurs plus pour favoriser le moral des ménages et entreprises que pour échapper aux problèmes.

Un autre G20 doit avoir lieu au premier semestre 2009. Cette fois-ci, Barack Obama pourra peser de sa toute nouvelle influence pour aller plus loin dans les orientations déjà fixées. Il a un mandat de quatre années. D'ici à 2012, il y a le temps nécessaire pour accomplir quelque chose d'ambitieux.

mercredi 5 novembre 2008

Encore un Président américain blanc

En fin de compte, le nouveau Président des Etats-Unis ne représente pas un si grand changement. Il est même assez fréquent que ce soit des hommes blancs quadragénaires issus des plus grandes universités qui accèdent à la Présidence. A ce titre là, la victoire de Barack Obama représente la continuité. Son profil est le même que plusieurs prédécesseurs. Son âge peut donner l'idée du renouvellement, mais il n'est pas le plus jeune président que les Etats-Unis aient connu. Théodore Roosevelt, John Kennedy ou même Bill Clinton étaient plus jeunes que lui au moment d'arriver au pouvoir. A 47 ans, il semble issu du même moule que les autres personnalités politiques de Washington. Les médias semblent penser différemment : ils le considèrent comme noir, puisque son père est noir. Pourtant, il est tout aussi blanc, puisque sa mère est blanche. Il n'a d'ailleurs pas fait campagne sur la couleur de sa peau : elle est plus foncée que d'autres, mais qu'est-ce que ça change ? Lors de l'élection, elle a du autant le servir que le desservir. Et aujourd'hui, d'immenses chantiers l'attendent. Les plus urgents sont la crise financière et l'Irak, mais il devra d'une manière générale recréer un lien de confiance avec le monde entier et assainir le milieu politique de Washington. En fait, il devra nettoyer tous les dégâts causés par George Bush.

La principale différence entre Barack Obama et les autres Présidents restera en fin de compte son manque d'expérience avant d'occuper le bureau ovale. Il n'a jamais eu de responsabilité exécutive avant d'arriver au Sénat, n'a pas eu de carrière militaire, et n'a connu qu'une activité législative nationale de deux ans en tant que Sénateur avant de se lancer dans sa campagne présidentielle. Lors du début de son mandat, il était d'ailleurs conscient de cet handicap, et a répété à plusieurs reprises qu'il ne serait pas candidat en 2008. On voit aujourd'hui à quoi il fallait s'en tenir. La frénésie médiatique l'a entouré depuis son discours à la convention démocrate, et a fini de le convaincre qu'il y avait une opportunité pour lui aussi tôt. Cette frénésie et ses grandes qualités orales lui ont permis de décrocher l'investiture démocrate, et entraîné par cet élan, il a fini par remporté une victoire nette face à un John McCain handicapé par le bilan déplorable des républicains et affaibli par les sacrifices faits vis-à-vis de sa propre éthique. Le prochain vice-Président, Joe Biden, s'est lui aussi distingué par ses déclarations selon lesquelles il ne voulait pas de la vice-présidence. Visiblement, il s'est fait une raison. Mais tous auront besoin de courage et de talent pour faire face aux défis qui les attendent.

Les événements récents ont de quoi rappeler des souvenirs frais aux Français. Les Français aussi ont élu récemment un Président fils d'immigré. Et l'apparition d'une femme télégénique aux références bibliques, dirigeante d'une grande partie du territoire, se révélant être une incompétente notoire mais risquant quand même d'accéder à la tête d'un pays a été pour les Français un rappel direct de leur propre situation. A l'instar de Ségolène Royal, la carrière politique de Sarah Palin n'est malheureusement pas finie.

free hit counter