Réflexions en cours

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jeudi 29 mai 2008

Le discours de Dakar

Le 26 juillet dernier, le Président de la République française a tenu un discours à la jeunesse sénégalaise dans une Université de Dakar. C'était alors sa première visite vraiment importante en Afrique subsaharienne, et le moins que l'on puisse dire est qu'elle n'est pas passée inaperçue. Son discours a été fraichement accueilli par le public présent, et a provoqué de vives condamnations de toutes sortes d'intellectuels et de polémistes. Le reproche fait : ce discours serait raciste.

Le mot "raciste" est couperet. Une fois jeté, il qualifie de façon définitive, rejetant dans le mal le plus abject, les pires horreurs et la honte. En fait, il injurie et disqualifie en même temps la personne visée. La facilité du procédé ayant été maintes fois éprouvé, cela fait longtemps qu'il ne sert plus uniquement à caractériser ceux qui croient que des races existent et certaines sont supérieures à d'autres. Il est désormais très commode pour attaquer tous ceux qui sortent d'un discours très codifié, emprunt de commisération. Qu'a dit alors Nicolas Sarkozy dans son "discours de Dakar" ?

Eh bien il a longuement reconnu les torts des Européens dans l'esclavagisme et la colonisation. C'en était même surprenant pour quelqu'un qui s'était jusque là plutôt montré critique envers ce qui est appelé la repentance. Il l'a fait de façon univoque, et a mentionné le lourd héritage que ces pratiques ont sur l'Afrique d'aujourd'hui. Il a également rendu hommage aux soldats venus d'Afrique qui ont combattu pour la France dans ses anciennes guerres. Il a dressé un parallèle entre les Africains et les Européens, en affirmant que les habitants des deux continents disposaient des mêmes qualités, et même de valeurs communes. Il considère également que l'Afrique n'a pas atteint le développement qu'elle mérite, qu'elle n'a pas tout fait pour cela, et qu'elle a la possibilité de changer les choses. Le passé, marqué par la colonisation et l'esclavagisme, ne doit pas être oublié. Mais il ne doit pas devenir une excuse pour l'inaction et faire croire qu'avant ces drames tout était forcément mieux, mettant en relief le fait que les opportunités seraient inéluctablement perdues. Ce n'est pas le cas, et ce qu'à fait Nicolas Sarkozy, c'est d'appeler l'ensemble de l'Afrique à prendre en main son destin.

De très nombreux pays d'Afrique sont dans des situations très difficiles aujourd'hui, alors que le reste du Tiers Monde se développe bien plus vite. Les guerres y sont fréquentes, reproduisant souvent les mêmes schémas : futur dictateur contre dictateur en place, guerres ethniques, élections douteuses... La démographie est trop forte par rapport à la croissance économique. La corruption est un mal qui fait des ravages. Les conséquences sont multiples, à commencer par les famines. Ce que dit Nicolas Sarkozy, c'est que les jeunes d'Afrique peuvent changer ces faits, qu'ils en ont la force. Et que dans leurs efforts, la France sera à leur côté.

Et en disant cela, Nicolas Sarkozy est censé être raciste. Car le discours non raciste aurait été celui consistant à affirmer que absolument tous les malheurs de l'Afrique sont la responsabilité des pays occidentaux, et de se contenter de plaindre les victimes de la misère. L'idée que l'état de l'Afrique tient aujourd'hui plus des actions de l'Afrique elle-même que de la sournoiserie des pays occidentaux serait donc raciste. Voilà un curieux retournement des choses. Car il s'agissait ici d'exhorter des peuples à prendre conscience de leurs grandes potentialités et responsabilités. Alors on peut critiquer le style lyrique du discours, mais le message principal est bien un d'auto-détermination. Et c'est bien ce dont a besoin l'Afrique.

mardi 27 mai 2008

Anti-christianisme en Algérie

L'Algérie semble suivre un chemin douteux actuellement. Deux procès retentissants posent des questions sur l'effectivité de la liberté religieuse de l'autre côté de la Méditerranée. Ainsi, six chrétiens sont actuellement dans l'attente du jugement, le procureur ayant requis deux ans d'emprisonnement pour avoir organisé une messe sans organisation. Aujourd'hui, l'éducatrice Habiba Kouider comparaissait devant le tribunal de Tiaret pour "prêche d'un culte non musulman sans autorisation préalable des autorités", après avoir été interpellée en possession de plusieurs Bibles. Le jugement a été reporté à une date ultérieure pour complément d'information. Ces deux affaires illustrent la méfiance des autorités algériennes envers les religions non musulmanes, qui se traduit dans la loi, et donc dans les jugements. L'apostasie, le fait de renier l'Islam, est semble-t-il de plus en plus mal vue en Algérie. Et il y a un mouvement d'opinion qui vise à la rendre illégale, le Premier ministre Abdelaziz Belkhadem ayant même déclaré que le Coran était la Constitution de la société algérienne.

Il y a heureusement une réaction de la part d'une bonne partie de la population et de la presse algériennes face à ces évolutions. Mais cela ne diminue pas la gravité de cette criminalisation de la chrétienté. Que les cultes soient encadrés par l'État peut tout à fait être envisageable, qu'il y ait des règles particulières pour les religions non-musulmanes devient tout de suite plus limite, que ces règles soient utilisées pour établir une discrimination d'État est largement scandaleux. Visiblement l'Algérie craint les mouvements évangéliques chrétiens qui prennent de plus en plus d'ampleur en Afrique. De peur de voir cette nouvelle forme de protestantisme prendre de l'ampleur, l'évolution est combattue en luttant contre les conversions, et pour ce faire, contre le prosélytisme. A ce niveau là, la liberté de cultes vole en éclat.

Que n'auraient pas dit les pays musulmans si de telles mesures avaient été prises en Europe vis-à-vis de l'influence de l'Islam ? Et avec raison, bien sûr. Dans de nombreux pays, la conversion au christianisme est réprouvée. Les pays laïques ou chrétiens ne s'en émeuvent nullement ou à peine, et c'est peut être ça le plus surprenant.

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