Réflexions en cours

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jeudi 24 février 2011

Un tas de démocraties au Proche Orient

Les temps changent. Si dans les pays occidentaux, on trouve le moyen d'entretenir des polémiques permettant de ramener ces grands événements à de la politique politicienne, de l'autre côté de la Méditerranée, les peuples tentent à tour de rôle de se débarrasser de leurs dictateurs. Les chancelleries n'avaient pas vu venir de tels bouleversements. Les experts en géopolitique de la région ne les avaient pas vu venir non plus : Antoine Sfeir a ainsi récemment reconnu qu'il s'était "lourdement trompé" sur la Tunisie. Les autorités de ces pays ne l'avaient pas vu venir, elles sont d'ailleurs totalement aux abois. Et même les populations concernées ne l'avaient pas vu venir, tout étant parfaitement spontané. Le refus par des policiers d'un stand de légumes au marché de Sidi Bouzid a des répercussions en chaîne, certains parlant même d'une application de la théorie des dominos.

Après la Tunisie et l'Egypte, c'est donc au tour de la Libye de s'insurger contre le dictateur local, Mouammar Kadhafi. Dans d'autres pays arabes, il y a déjà des tensions au sein de la population. Là encore, on ne sait absolument pas comment tout cela va tourner. Mais si on choisit d'être optimiste, on peut espérer que l'événement global ait un impact similaire à la chute des totalitarismes communistes dans les pays de l'Europe de l'est de 1989. C'est certes mal parti pour le côté pacifiste, les dernières journées en Lybie étant par exemple plus meurtrières que toute la révolution roumaine. Mais si le résultat est le même, on aurait tout d'un coup un grand nombre de démocraties en Afrique du Nord et au Proche Orient.

Quelques commentateurs craignent que la démocratie permette aux idées supposées violentes des populations de s'exprimer et de se concrétiser. Israël est ainsi particulièrement nerveux quant à la chute de Moubarak, car ce dernier garantissait la paix et contrôlait un peuple peu pro-israélien. Mais la vraie question est surtout de savoir si de vraies démocraties naîtront de ces changements de régimes. Si tel est le cas, rien ne permet de penser que la situation s'aggrave terriblement. Les peuples n'ont rien à perdre à l'établissement de la liberté d'expression, la corruption serait moins forte, et surtout, la situation géopolitique serait probablement plus apaisée. En effet, les démocraties ne se font pas la guerre.

Si la plupart des pays arabes deviennent des démocraties, Israël aura ainsi probablement plus de possibilités de dialogues avec ses voisins. L'un des arguments d'Israël dans ses initiatives de défense musclée est justement le fait qu'il est la seule démocratie dans la région. S'il y a un tas de démocraties au Proche Orient, tout le monde y repensera certainement à deux fois avant de se lancer des missiles à la figure. Le dialogue entre les pays, la raison d'être de l'ONU, est plus facile entre gouvernements certains de leur légitimité.

samedi 12 février 2011

L'affaire Cassez vue du Mexique

Que dirait-on, en France, si nos tribunaux avaient condamnées définitivement un prévenu étranger à une peine longue de prison ferme, et que le gouvernement de son pays d'origine protesterait officiellement devant le notre à propos de cette décision judiciaire ? Eh bien nous ferions probablement un cours de séparation des pouvoirs, comme à chaque fois qu'une décision de justice est contestée. Cela arrive quand une personnalité politique critique une décision judiciaire. Cela arrive aussi quand un chef d'Etat africain se plaint au Quai d'Orsay de telle ou telle investigation judiciaire concernant une personnalité qui lui est proche. En bref, nous ne laisserions pas libre cours.

Alors pourquoi s'échine-ton à protester contre les décisions judiciaires qui concernent Florence Cassez, ressortissante française condamnée à plusieurs décennies de prison ferme au Mexique pour complicité avec un gang de kidnappeurs ? Elle a été condamnée par l'équivalent de la cour d'assises, en appel, et la sentence vient d'être maintenue par la cour de cassation. Elle est passée par toutes les étapes d'un parcours judiciaire tel qu'on peut le connaître en France. Bien sûr, ses soutiens peuvent penser que les décisions prises sont injustes. Mais la France, en plein maelström sur la qualité de sa justice, son indépendance et ses moyens, n'est pas vraiment en bonne position pour donner des leçons au monde.

La vraie question est plutôt : le Mexique est-il une démocratie ? Si la réponse était non, peut-être faudrait-il appeler à une démocratisation rapide du pouvoir, comme on l'a récemment fait pour l'Egypte. Mais la réponse est évidemment oui. Les élections sont libres et non truquées, l'élection très serrée du Président actuel, Felipe Calderon, le montre. Sa Constitution est plus ancienne que la notre et fonctionne bien depuis près de cent ans (elle date de 1917). Elle respecte d'ailleurs la séparation des pouvoirs. C'est donc une évidence, le Mexique a donc toute légitimité pour s'occuper de lui-même.

Dès lors, ce n'est pas le rôle du gouvernement français d'essayer d'influencer les décisions judiciaires mexicaines. On le lui reproche quand il essaye de le faire en France, on doit donc encore plus lui reprocher quand elle essaye de le faire dans un pays étranger. Il est incompréhensible pour le reste du monde que la France critique le fonctionnement démocratique d'autres pays. Le Mexique peut donc parfaitement se sentir outragé qu'il y ait de tels coups de menton dans l'affaire Cassez. Le sempiternel cliché du Français arrogant qui a cours à travers le monde se voit là une fois encore parfaitement confirmé. Chercher à humilier le Mexique en annulant les célébrations qui étaient proclamées en son honneur cette année entraînera une réaction encore plus forte de sa population à notre égard, et ce serait parfaitement justifié. Nous gagnerions bien davantage à arrêter à nous croire supérieur aux autres, à afficher davantage d'humilité et à nous concentrer sur la correction de nos propres défauts. Rappeler notre ambassadeur au Mexique créé donc une crise diplomatique inutile, dont le seul résultat sera de voir l'ambassadeur mexicain en France rappelé en retour. Car une chose est certaine, Florence Cassez ne bénéficiera aucunement d'une dégradation de nos relations avec le Mexique.

jeudi 10 février 2011

La domination culturelle américaine

Qui dirige la Suisse ? Rares sont ceux habitants en France qui arriveraient à répondre correctement à cette question. Ce pays voisin, en partie francophone, n'est quasiment jamais cité dans l'actualité. On en entend parler à l'occasion de tel ou tel référendum, ou bien lorsque la question de son système bancaire arrive sur le tapis. Mais aucun nom n'est vraiment connu. Il y aurait probablement plus de monde capable de répondre à la même question, concernant cette fois-ci la Belgique, mais quand bien même la Belgique aurait un gouvernement de plein exercice, on peut penser qu'il n'y aurait pas la moitié de la population française pour y répondre correctement. Mais dans les régions francophones de la Suisse et de la Belgique, l'actualité politique française est bien connue. D'une manière générale, la vie culturelle française déborde largement sur ses voisins, les journaux l'abordent largement, les chaînes de télévision diffusent les premières des fictions française avant TF1 ou France 2 et nos artistes n'oublient pas de faire quelques concerts dans leurs villes les plus importantes.

Du point de vue culturel, la France domine donc la Wallonie et la Suisse Romande. Et c'est exactement de la même façon que l'Europe est culturellement dominée par les Etats-Unis. C'est difficile de le contester, il y a une asymétrie complète dans les échanges d'informations entre les deux côtés de l'Atlantique. Nos journaux ne sont pas avares en reportages, et à sa très modeste échelle, ce blog même traite de ce pays fréquemment. Ici, tout le monde connait bien sûr Barack Obama. Mais on entend aussi parler abondamment des résultats de élections de mi-mandat, du Super Bowl, des incendies en Californie... et ce n'est que l'aspect actualités. Car au niveau productions culturelles, l'Amérique écrase l'Europe que ce soit sur les films, les séries télé ou la musique. Le fait qu'on ait du mettre en place des quotas est bien un aveu de faiblesse.

Aux Etats-Unis, on entend très peu parler du reste du monde. Bien sûr, les grands événements comme le tremblement de terre à Haïti ou la révolution égyptienne sont couverts en profondeur. Mais pour ce qui est de l'actualité quotidienne, les principaux chefs d'Etat européens sont assez rarement abordés, généralement à l'occasion des rencontres avec le Président américain. L'actualité sportive européenne (comme la finale de la Ligue des Champions) n'est bien sûr jamais mentionnée, mais le reste ne l'est pas plus. Les films européens distribués à grande échelle aux Etats-Unis se comptent sur les doigts, la musique européenne qui traverse l'Atlantique n'est chantée qu'en anglais, et au niveau télé, rien ne passe.

L'Amérique domine donc l'Europe de la même façon que la France domine la Wallonie. Avec ses 500 millions d'habitants, l'Union Européenne a pourtant plus de population que les Etats-Unis. Mais les pays européens sont paradoxalement assez isolés des uns des autres. Cela se sent dans les informations qui traitent des pays limitrophes, mais aussi dans les productions culturelles. S'il y a bien des échanges à ce niveau-là, ils restent limités, alors que tous sont inondés de productions américaines. Certains le déplorent, mais on peut surtout voir cela comme un terrain d'opportunités. Cela veut dire qu'il y a encore beaucoup à faire dans les coproductions européennes, ou bien dans la distribution de productions audiovisuelles entre les pays du vieux continent. Si nous produisions des films vraiment spectaculaires par exemple, le marché américain s'ouvrirait forcément davantage. Cette domination culturelle n'existe que parce que nous ne la défions pas.

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