Réflexions en cours

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lundi 30 mars 2009

Un aigle à deux têtes blessé

Dans la crise économique mondiale, l'Allemagne est nettement affectée. L'économie allemande a souvent été plus forte que la française grâce à un système industriel largement tourné vers les exportations. Les échanges internationaux ont donc contribué largement à la croissance allemande, mais avec le ralentissement mondial, c'est cet important moteur qui tombe en panne. Le secteur automobile, particulièrement imposant, est gravement touché. Par le biais d'Opel, l'Allemagne pourrait même directement souffrir d'une éventuelle chute de General Motors. Quant au système financier allemand, il s'avère progressivement très touchés par les dépréciations et le manque de confiance entre agents.

Face à une telle situation, personne ne semble paniquer. En temps de crise, il est courant que les gouvernants soient impopulaires. Mais le gouvernement actuel ressemble les deux principaux partis qui d'habitude s'affrontent, les chrétiens démocrates et les sociaux démocrates. Forcés depuis plusieurs années à une union nationale forcée, la droite et la gauche sont bien obligés de se montrer responsable pour que leur pays s'en sorte au mieux. L'opposition est réduite à des petits partis qui ne pourraient se coaliser pour proposer une alternance complète, et sont donc marginalement audibles. En septembre prochain, la chancelière Angela Merkel affrontera son ministre des affaires étrangères, Franz-Walter Steinmeier. Une victoire de l'un ou de l'autre pourrait être l'occasion d'effectuer des choix plus tranchés à l'avenir, mais l'heure n'est pas encore aux plans audacieux susceptibles de diviser le peuple allemand.

Angela Merkel partage donc les mêmes positions que son ministre des finances, Peer Steinbrück, bien qu'il soit d'un bord opposé. L'accord se fait sur de grandes constantes de la politique économique de l'Allemagne : une forte maîtrise des dépenses publiques reste d'actualité du fait d'une peur ancestrale de l'inflation. Les différences entre les niveaux de déficits fait naître des craintes pour la crédibilité de l'euro, bien que le dollar, le yen et la livre britannique traversent également des périodes troublées.

L'année dernière, Angela Merkel avait déjà été réticente à faire un plan de relance européen. Face à la virulence de la crise, y compris dans son propre pays, elle a du se résoudre à agir, et à approuver au moins une certaine coordination et la mise en place d'une "boite à outils" communs. Il ne s'agit néanmoins pas de laisser libre cours aux déficits en dépensant n'importe comment, dans l'espoir que cela permette une relance de l'économie. La position diffère donc grandement de celle de Barack Obama, prêt à lancer un plan de dépenses titanesque, et encourageant ses homologues à faire de même. Au G20 qui s'ouvre, l'Allemagne fera position commune avec la France, en considérant qu'éviter les crises peut être plus efficace que de devoir sauver l'économie après coup. Cela nécessite donc une régulation du système financier à laquelle ne semblent pas prêts plusieurs pays profitant largement de cette dérégulation. Les paradis fiscaux sont particulièrement dans la ligne de mire du couple franco/allemand. Ainsi, Peer Steinbrück, après avoir fait un coup marquant contre les exilés fiscaux allemands au Liechtenstein, demande aujourd'hui de façon enflammée la fin de l'exception suisse, au risque de nuire aux relations diplomatiques entre les deux pays. La Suisse aurait bien voulu aller au G20 pour défendre ses propres intérêts, mais l'heure est peut être à voir un peu plus loin que de vouloir conserver les avantages d'une position de passager clandestin.

samedi 14 mars 2009

Le retour de la France dans l'OTAN

Le Président Nicolas Sarkozy a annoncé le retour de la France dans le commandement militaire intégré de l'OTAN, faisant d'elle un membre ordinaire de l'Alliance Atlantique Nord. Cette décision est marquée par une polémique politique, critiquant ce mouvement. Deux argument sont donnés contre : ce retour briserait le consensus français quant à la Défense nationale, et la France deviendrait un vassal aveugle des Etats-Unis. Mieux vaut savoir ce qu'il en est.

Déjà, la fin du consensus national est un argument bien faible : rien n'empêche le consensus de se refaire autour de la nouvelle position de la France. Les socialistes peuvent critiquer ce retour, mais François Mitterrand était le premier à critiquer le départ de la France de l'OTAN sous le Général de Gaulle. Ce départ n'était d'ailleurs pas complet, puisque la France restait membre du Conseil de l'Atlantique Nord. La position du Général de Gaulle était la conséquence de l'acquisition de l'arme atomique par la France dans le cadre de la guerre froide. Elle lui permettait de jouer un rôle plus indépendant au niveau mondial, considérant que les Etats-Unis ne se risqueraient pas à l'utiliser en cas d'intervention soviétique en Europe de l'Ouest. Cela ne signifiait nullement que la France coupait tous ses liens avec les Etats-Unis pour autant. Le Président François Mitterrand a été ensuite le premier à chercher à intensifier ces liens, avant que Jacques Chirac ne réinscrive encore davantage les troupes françaises dans le cadre des opérations de l'OTAN. Aujourd'hui, la France est d'ores et déjà un membre important de l'OTAN, que ce soit en ressources humaines, matérielles, ou financières. Seul son pouvoir de décision est inférieur par rapport à la normal : sa présence est limité au comité des plans de défense, et elle est absente du commandement militaire intégré. Voilà ce que changerait l'évolution annoncée par Nicolas Sarkozy.

La force de frappe nucléaire française restera, elle, totalement indépendante. Ce qu'il se passe est donc une simple continuation des évolutions passées, sans vrai changement dans la position de la France dans le monde. Il y a simplement sa reconnaissance. On est loin d'une France devenue l'esclave des Etats-Unis en matière de défense. Déjà, contrairement à de nombreux autres pays européens, la France peut compter sur une armée forte, aux ressources conséquentes : elle n'est donc pas forcément en demande de protection. Ensuite, il suffit de regarder l'exemple allemand pour comprendre ce qu'est un membre normal de l'OTAN. Sous Gerhard Schröder, l'Allemagne a refusé de faire la guerre en Irak alors qu'elle n'a jamais cessé d'appartenir pleinement à l'OTAN. Elle reste un pays autonome qui n'inspirerait à personne l'idée de l'accuser d'atlantisme systématique.

La nécessité du retour de la France dans l'OTAN se voit justement dans le besoin d'une défense européenne. Jusqu'à présent, les projets d'Europe de la Défense ont eut très peu de succès. La raison en est simple : la grande majorité des pays européens y voyait un projet doublon par rapport à l'OTAN, qui apportait satisfaction. Cela laissait planer l'idée que l'Europe de la Défense était concurrente de l'OTAN, hostile aux Etats-Unis. En fin de compte, le problème de l'OTAN, c'était de n'être pas assez européen, et la réintégration de la France va alors dans la bonne voie. Javier Solana ou Angela Merkel l'ont d'ailleurs remarqué, et ont encouragé et félicité la France pour ce retour. Les pays européens peuvent solliciter l'OTAN pour qu'elle serve de cadre à des opérations purement européennes, et cela en fait justement la meilleure base pour l'Europe de la Défense. Au delà des polémiques de circonstance, la France peut être fière d'y jouer un rôle.

jeudi 5 mars 2009

Afghanistan : visa longue durée pour les troupes occidentales

Barack Obama a promis un retrait des troupes américaines d'Irak pour août 2010, seuls des "conseillers" devant rester après cette date. Le retrait de l'Irak était bien l'une de ses promesses de campagne, et il pouvait d'autant plus appuyer ce point qu'il était dès le départ contre leur envoi. Si l'armée américaine a son bon de sortie pour l'Irak, elle est loin de l'avoir en ce qui concerne l'autre opération militaire importante, l'Afghanistan. Jusqu'à présent, son principal message auprès de ses alliés européens a même été de leur demander d'y envoyer plus de troupes, évoquant déjà ce point lors du discours qu'il tint en Allemagne pendant sa campagne. Le Président de la République française, Nicolas Sarkozy, a déjà augmenté les effectifs présents en Afghanistan l'année dernière. Cela n'est évidemment pas sans risque, et tout événement militaire tragique se transforme facilement en polémique politicienne. La mort de plusieurs soldats français en août dernier avait ainsi rappelé la douleur que peut provoquer l'engagement armé. Au delà des frénésies médiatiques, cette peine aura également rappelé le courage dont font preuve les forces françaises, un courage qui provoque l'admiration de l'ensemble de leurs compatriotes.

Pour la France comme pour Barack Obama, la pacification de l'Afghanistan est une mission justifiée. Là où l'Irak ne fut que le théâtre d'une guerre unilatérale basée sur un mensonge, l'intervention en Afghanistan est la conséquence directe de la tragédie du 11 septembre 2001. Ce pays, alors dirigé par les talibans, avait permis la préparation des attentats ayant constitué un acte de guerre de grande ampleur envers les Etats-Unis. Ce jour-là, l'Amérique compta plus de victimes que lors de l'attaque japonaise de Pearl Harbor en 1941. Il était tout à fait légitime que les Etats-Unis répondent à cette attaque, et soient accompagnés par leurs alliés militaires contre le pays qui en était à l'origine. C'est dans ce cadre que la France est intervenue pour se battre à ses côtés, et elle a eu raison de le faire.

Le régime taliban était une dictature obscurantiste, basant ses lois sur un fondamentalisme religieux dévastateur, opprimant l'ensemble de la population, et les femmes en particulier. En favorisant l'attaque des Etats-Unis, il s'est donné l'occasion d'être remplacé. Contrairement à l'Irak, il existait une solution de remplacement face au pouvoir taliban. A la fin des années 90, le commandant Massoud était devenu connu en occident pour son combat contre les talibans au sein de l'Alliance du Nord, et sa vision tolérante et apaisée de sa religion, l'Islam. Sa mort à la veille du 11 septembre fut un coup dur symbolique, mais ceux qui l'accompagnaient perduraient. Ils montraient au moins le rejet par une grande partie de la population du régime taliban. Par leur hâte d'en finir, ils ont même accéléré l'intervention alliée en Afghanistan. Il était entendu que ce serait à eux que le pouvoir reviendrait pour le redémarrage du pays, sur des bases plus démocratiques.

Mais malgré l'ampleur de l'intervention alliée, les talibans n'ont pas disparu. Ils continuent de chercher à regagner leur ancienne influence, contrôlant certaines zones du sud est du pays, et utilisant de guérilla pour affaiblir les forces démocratiques. Leur grand atout est de pouvoir bénéficier d'une vaste zone de repli au nord ouest du Pakistan, une région échappant totalement au pouvoir pakistanais et où les mots d'ordre des talibans continuent de régner. C'est d'ailleurs probablement là où Ossama Ben Laden se cache, les Américains ne pouvant intervenir eux-mêmes dans ce pays. Le gouvernement afghan reste encore faible, et l'Afghanistan est ravagé par la pauvreté. Pour pouvoir faire face à la menace talibane, il doit pouvoir former et maintenir une armée suffisamment importante. Les alliés doivent être là pour l'accompagner. Le but est bien de veiller à ce que les talibans ne reprennent pas le pouvoir dès qu'ils seront partis. Ou sinon, à quoi bon y être allé ? C'est forcément un processus de long terme.

Une démocratie ne s'installe pas en claquant des doigts, elle demande une dose minimale de moralité et de confiance mutuelle. Là où règne la corruption et les haines, la tâche est d'autant plus ardue. Quel horizon peut-on avoir quand il n'y a pas de sécurité, quand il n'y a pas de libertés ? De tels principes doivent être profondément ancrés dans la population pour que l'Afghanistan ne redevienne plus une grave menace internationale peu de temps après son évacuation. En Irak, l'envoi de renforts en grand nombre a en fin de compte permis de calmer l'activité terroriste. C'est, pour Barack Obama, une bonne raison de croire qu'il faut solidifier la présence des troupes alliées en Afghanistan au moment où les talibans redoublent d'activisme. Cela demande certes des efforts renouvelés de la part de tous les pays membres de la coalition. Mais ce sont des efforts nécessaires. Cette présence est légitime, et elle doit être couronnée de succès. Pour cette raison, il faut reconnaître que les alliés y sont pour y rester encore longtemps.

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