Réflexions en cours

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

mercredi 29 avril 2009

L'offensive pakistanaise

Le Pakistan vient de devenir une zone de combats militaires actifs, avec l'offensive menée par les troupes gouvernementales contre les talibans dans les régions situées à proximité de la frontière afghane. Ces régions sont connues depuis bien longtemps comme abritant des religieux particulièrement extrémistes, notamment car nombreux sont ceux qui agissaient auparavant en Afghanistan qui s'y sont réfugiés. Le fait est notable, car sous le précédent président pakistanais, Pervez Muscharraf, presque rien n'était fait, les Pakistanais se montrant peu motivés pour attaquer les talibans. Ils profitaient pourtant de l'alliance conclue avec les Américains, conclue au lendemain du 11 septembre 2001 : les Américains n'opéreraient pas militairement au Pakistan, et en contrepartie les Pakistanais s'occuperaient eux-mêmes des talibans. Des fonds américains leur ont été versés de façon inconditionnelle à cet effet, et ils ont obtenu une certaine tranquillité à l'époque où les Etats-Unis avaient tendance à envahir tout pays considéré comme trop menaçant.

Seulement, le Pakistan a préféré entretenir la perpétuelle hostilité avec l'Inde, une autre puissance frontalière. Cela est en continuité avec les différends conflits armés qui ont rythmé la vie de la région. Une guerre symétrique entre deux armées régulières a le mérite de la clarté, cela peut sembler plus séduisant que la guérilla, tout du moins pour les leaders militaires qui tenaient le pouvoir. Or les talibans deviennent de plus en plus ambitieux. Le pouvoir a longtemps eu tendance a s'accommoder de ces forces hostiles, quitte à ne plus contrôler du tout de vastes provinces. En février dernier, une trêve explicite a même été établie entre les deux camps : les talibans resteraient dans les régions qu'ils contrôlent, et laisseraient donc le reste du Pakistan tranquille, contre une permission d'établir des tribunaux islamiques dans ces zones-là.

Pour les Américains, il s'agit d'un camouflet discréditant toute leur politique concernant le Pakistan. Ce renoncement affiché est un non respect scandaleux des accords établis. Il n'est dès lors pas étonnant que Barack Obama et sa Secrétaire d'Etat Hillary Clinton mettent désormais la pression sur Asif Ali Zardari, le nouveau président du Pakistan, et l'ensemble des responsables pakistanais. Il est temps pour eux de vraiment de passer à l'action. L'administration américaine a donc forcé le Pakistan a prendre conscience de ses responsabilités. Car non seulement ces zones de non droit comme la région du Swat sont des lieux où le terrorisme prolifère, mais en plus si le Pakistan entier venait à tomber, c'est bien le contrôle de ses armes atomiques qui créeraient des difficultés insurmontables.

Trop souvent, l'opposition dans de tels pays se fait entre un pouvoir régulier modéré mais corrompu et un mouvement taliban jugé vertueux, car appliquant fidèlement une doctrine claire. Tel est le ressort qui a favorisé la popularité des talibans, hier en Afghanistan, aujourd'hui dans le Pakistan. Mais cela se traduit par une force qui est toujours utilisée pour s'en prendre à quiconque est jugé comme s'éloignant trop de leur doctrine. Ce totalitarisme doit être affaibli le plus possible, et en conséquence, il était vraiment devenu nécessaire pour le Pakistan d'utiliser ses options militaires pour reprendre le contrôle de son propre territoire.

dimanche 5 avril 2009

La Turquie, nouveau membre des États-Unis d'Amérique ?

Après le G20, l'OTAN et la République Tchèque, Barack Obama se rend en Turquie. Alors que la visite en République Tchèque se justifiait par la présidence actuelle de l'Union Européenne, celle en Turquie se fait en mettant en avant l'importance de ce pays comme pays musulman allié des États-Unis. La spécificité est donc telle qu'elle justifie un arrêt de la part du Président américain, qui jusque-là les distribue de façon méticuleuse. Celui-ci a pris le relais de ses prédécesseurs en souhaitant publiquement que la Turquie intègre l'Union Européenne. Le but serait de rechercher une plus grande coopération avec les pays musulmans, et l'entrée de la Turquie irait, selon lui, dans ce sens. Sur ce point, il est donc totalement sur la même ligne que George Bush. Ce qui est frappant, c'est que dans leur idée, l'Union Européenne semble ne consister qu'en un ensemble destiné à se courber dans tous les sens pour régler les questions stratégiques qu'affrontent les États-Unis. Ils ne semblent pas prendre beaucoup de précautions pour éviter l'ingérence dans les affaires européennes. Quel chef d'État européen irait se prononcer publiquement sur des enjeux institutionnels américains, comme par exemple, le fait que les habitants de la capitale Washington n'ont pas d'élus capable de voter au Congrès américain ?

L'offensive américaine en faveur de l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne intervient en outre juste après une séquence assez troublante qui s'est joué au sommet de l'OTAN à Strasbourg. Alors que tous les autres pays soutenaient la candidature du Premier ministre danois, Anders Fogh Rasmussen, au poste de secrétaire général de l'OTAN, la Turquie a bloqué ce choix, notamment car celui-ci ne s'était pas opposé à la publication de caricatures de Mahomet dans un journal de son pays. En ne soutenant pas la liberté d'expression, la Turquie s'est naturellement retrouvée isolée. Hier, elle a fini par donner son accord sur le nom de Rasmussen, en précisant que Barack Obama lui avait donné des "garanties". Et aujourd'hui, la presse turque triomphe, présentant la Turquie comme la grande gagnante du sommet. Des trophées sont présentées, sous la forme de concessions sur la question chypriote ainsi que la nomination à venir d'un secrétaire général adjoint turque à l'OTAN, une revendication lointaine. Le fait que cette alliance militaire serve de théâtre à des épreuves de force entre membres sur fond de questions doctrinales religieuses peut paraître inquiétant.

Mais il existe une solution pour que le lien avec la Turquie soit renforcé de la façon considérée par l'administration américaine sans qu'elle n'adhère à l'Union Européenne. Il faudrait en fait qu'elle devienne membre des Etats-Unis d'Amérique. L'idée peut paraître farfelue, et les objections ne manqueraient pas. Pourtant, ces objections sont en fait les mêmes que celles que la candidature à l'Union Européenne affronte. Et au moins, les dirigeants américains seraient plus enthousiastes que ne le sont les dirigeants européens : la coopération entre l'occident et le monde musulman serait très forte si la Turquie appartenait aux États-Unis.

Alors bien sûr, la Turquie n'est pas en Amérique. Mais elle n'est pas en Europe non plus, et pourtant, il faudrait qu'elle l'intègre quand même.
Evidemment, la très importante population turque déséquilibrerait le débat politique américain. Mais ce serait la même chose pour l'Europe.
La population américaine verrait certainement d'un mauvais oeil une telle candidature sortant de nulle part. Comme la population européenne en fait.
On pourrait se dire qu'il revient aux Américains de déterminer qui fait partie de leur union. Mais visiblement, les Américains ne se privent pas de se mêler des questions européennes.

Si les États-Unis prêchent l'adhésion de la Turquie à l'Union Européenne, ce doit donc être car les raisons qui excluent cette adhésion ne les gêneraient pas. Ils devraient donc en tirer les conclusions, en proposant eux-mêmes à la Turquie d'intégrer leur fédération. L'idée n'est, après tout, pas plus absurde qu'une candidature à un groupe européen.

free hit counter