Ce que l'on sait sur le Darfour, c'est que cette région est le théâtre d'une catastrophe humanitaire effroyable, où l'on trouve guerre, réfugiés, famine, viols, pauvreté et même génocide. Régulièrement, des associations ou des personnalités essaient de nous avertir sur le drame qui s'y joue, indiquant par là que cela n'a jamais cessé depuis son commencement, en 2003. Ce qui est moins clair, ce sont les raisons de cette tragédie. Sur ce sujet, les médias ont souvent tendance à décrire les conséquences et non les causes. Cela peut-être du au fait qu'il y a peu de journalistes sur place. C'est certainement du aussi au fait que le dossier soit assez compliqué. Et toute tentative brève d'explication sera incomplète, ou simplificatrice. Mais malgré cela, que s'y passe-t-il ?

Il y a déjà le cas global du Soudan. Depuis son indépendance vis-à-vis du Royaume Uni, le Soudan s'est enferré dans plusieurs guerres civiles atroces, dont celle au Darfour n'est que la dernière. Le pouvoir y est fondamentalement corrompu, et ce pays représente un cas incroyable d'Etat en échec complet. Le fait qu'Ossama Ben Laden y ait trouvé refuge pendant plusieurs années alors qu'il était déjà recherché par les Etats-Unis n'est qu'un indicateur parmi d'autres. Son dictateur, Omar el-Béchir, est une authentique crapule au service de ses propres intérêts sans autre considération. Au Soudan, il y a une division entre un nord arabisant (mais noir), musulman, plutôt sédentaire et agriculteur, et un sud noir, animiste ou chrétien, plutôt nomade et éleveur. Pour des raisons historiques, les premiers dominent les seconds. Le sud a voulu se rebeller contre cela, d'où les guerres meurtrières. Normalement, le conflit est censé être arrivé à sa fin, ce qui devra être entériné par un référendum sur l'indépendance du sud d'ici 2011.

Mais alors que le conflit avec le sud a pris fin, celui du Darfour a commencé à l'ouest du Soudan, pour des raisons à peu près similaires, noirs et arabisants étant mélangés dans cette province. Des rebelles se sont élevés contre le pouvoir en place, ce qui a engendré une répression terrible de la part de milices armées sous le contrôle du gouvernement d'Omar el-Béchir. Ces milices sont les coupables de la plupart des terribles exactions sur la population du Darfour. L'éventuelle présence de pétrole dans la région incite le gouvernement à ne rien transiger, et la voie empruntée est celle de l'élimination pure et simple de la population ethniquement différente pour régler la question, d'où le génocide. Le Soudan est soutenue par la Russie et surtout la Chine dans ce conflit, justement parce qu'ayant un accès à la mer, il peut leur vendre le pétrole qui y est puisé.

Mais ce n'est pas tout. Il y a une autre dimension à ce conflit, celle du Tchad. Les rebelles du Darfour hostiles au pouvoir soudanais pourraient être soutenus par le voisin de l'ouest, le Tchad donc. Le dirigeant de ce pays, Idriss Déby, a en fait à peu près le même profil que son collègue dictateur et ennemi, Omar el-Béchir, en étant des militaires ayant pris le pouvoir par coup d'Etat. Le Tchad est pauvre et totalement corrompu, comme le Soudan. Le Tchad a aussi du pétrole, qu'il revend à des compagnies pétrolières occidentales via un oléoduc passant par le Cameroun vers l'Atlantique. Le Soudan aimerait que ce pétrole passe par son territoire vers la mer rouge, au profit de ses alliés chinois. Enfin, le pouvoir tchadien a aussi du faire face à une rébellion, soutenue cette fois par le Soudan, mais qu'il a surmonté grâce à une intervention française.

Il semble donc que le Tchad et le Soudan s'affrontent par milices interposées, et que les occidentaux et les Chinois s'opposent à travers ces deux Etats. Le Président du Tchad, Idriss Déby, peut au moins se targuer de ne pas massacrer une partie de sa population. C'est une vraie différence entre les deux. Pour le reste, ces deux pays montrent ce qui s'est fait de pire en Afrique dans les 50 dernières années. Et à vrai dire, on ne peut que regretter que les grandes puissances, quelles qu'elles soient, trempent dans ces affaires.