Réflexions en cours

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vendredi 27 octobre 2006

Les républicains sentent l'odeur de la défaite

Les mid-terms elections approchent aux Etats-Unis, et le camp républicain est loin d'être à la fête. Malgré tout ce que peut leur dire George Bush, les Américains commencent à s'apercevoir que la guerre en Irak s'apparente bien à un bourbier dans lequel ils se sont engagés pour de mauvaises raisons : il n'y avait pas d'armes de destructions massives là-bas, contrairement à ce que l'on leur a fait croire. De ce fait, la côte de popularité de George Bush est calamiteuse, surtout que s'est aussi ajouté à ça la mauvaise gestion de l'ouragan Katrina. Les parlementaires républicains n'ont donc aucune envie d'être associés à celui qu'ils ont soutenu sans l'ombre d'un doute, et leurs adversaires démocrates se contentent de mettre en avant le bilan adverse pour mettre en évidence une nécessité de changement. En outre, le scandale Mark Foley, du nom d'un congressman républicain qui correspondait de façon inappropriée avec des stagiaires lycéens sans réprobation immédiate de ses pairs, peut potentiellement repousser les évangélistes qui soutenaient jusque là sans faille les conservateurs pour des raisons morales.

Ce scandale, les révélations sur la préparation de la guerre en Irak et la situation géopolitique sont donc défavorables aux républicains. Mais c'est oublier le fait que les élections de parlementaires américains se font sur des débats très locaux, et malgré les désavantages du moment, la campagne électorale fait rage aux Etats-Unis, et les républicains sont toujours devant au niveau des levées de fond, ce qui leur permet de financer de nombreuses campagnes publicitaires à la télévision, le plus souvent pour attaquer violemment leur adversaire. Ces publicités souvent à la limite de l'honnêteté intellectuelle peuvent toutefois leur permettre de gagner quelques points. D'une manière générale, les républicains essaient de faire passer l'idée que les démocrates sont faibles face au terrorisme, qu'ils sont obsédés par une volonté d'augmenter les impôts et qu'ils sont éloignés du peuple, une accusation que fait échos au débat français actuel. En tout état de cause, la Chambre des représentants semble déjà perdue pour les républicains, mais ceux-ci essaient de sauver le Sénat. En filigrane, se profilent déjà les élections présidentielles de 2008, et certaines personnalités politiques semblent déjà en campagne pour cette élection là au travers de celle actuelle. Ainsi, Hillary Clinton, John McCain et Barak Obama se font remarquer des médias en prenant note pour dans deux ans.

En fait, la question que se pose l'Amérique actuellement est celle de la sortie de l'Irak : doit-elle être immédiate, faut-il bâtir un plan de sortie ou faut-il s'en remettre aux décisions des généraux. Confrontée à la question, les démocrates esquivent et répondent avec raison que même en cas de victoire, seul le Président pourra prendre les décisions relatives au conflit irakien. Mais ils doivent au moins se rappeler qu'il leur faudra être fort sur cette question lorsque la présidentielle viendra, et les Etats-Unis ont besoin d'une nouvelle doctrine sur la gestion des pays hostiles, comme le sont l'Iran et la Corée, deux autres pays de l'"Axe du mal" évoqué par George Bush qui sont autant de dossiers épineux.

vendredi 13 octobre 2006

Retour sur la question turque

Alors que le débat actuel porte surtout sur le génocide arménien perpétré par la Turquie, en fond sonore la question de l'adhésion de la Turquie revient. Celle-ci voit dans ce débat non seulement une tentative de s'introduire dans son Histoire, mais aussi un nouvel obstacle tendu pour qu'elle n'intègre pas l'Union Européenne. Et si la loi en question a certainement été conçue avec les meilleures intentions, il n'en reste pas moins que la Turquie fait bien de se demander si elle arrivera en fin de compte à intégrer l'Union Européenne, car il est injurieux envers elle de la laisser s'installer dans de faux espoirs. Les seuls partisans de la construction européenne qui soutiennent cette adhésion le font avec l'argument "stratégique" : sans cette adhésion, la Turquie se transformerait selon cette théorie en un dangereux pays aux mains des islamistes, ce qui fait que l'Europe a le couteau sous la gorge et ne peut qu'accepter cette adhésion. Et cela quitte à sacrifier le projet politique européen... Plusieurs personnalités politiques l'ont bien compris, au premier rang desquels François Bayrou qui est au moins toujours juste lorsqu'il évoque la construction européenne. Sur ce point, il y a aussi Nicolas Sarkozy, qui dans un entretien accordé à la revue Le Meilleur des Mondes (numéro d'automne 2006) consacré à sa vision des questions internationales, a répondu en argumentant bien à la question de l'adhésion turque. Comme cette revue est assez peu diffusée, la citation sur le passage en question est intéressante, et ce d'autant plus qu'elle a été peu médiatisée. La voici :

"Michaël Prazan : Pour rester sur le sujet de l'Otan, ce que vous disiez tout à l'heure à propos du Royaume-Uni, éviter l'éloignement en l'intégrant, pourrait finalement s'appliquer à la Turquie en Europe..."

"N. Sarkozy : C'est une question extrêmement difficile. Je suis attaché à un projet, qui est celui des pères fondateurs de l'Europe, celui de l'Europe politique. De quoi s'agit-il ? De l'Europe intégrée. Or a la minute où vous faites entrer la Turquie, non pas parce qu'elle est la Turquie, j'y reviendrai, mais parce que c'est un pays de soixante-quinze millions d'habitants (de cent millions en 2025 ; c'est-à-dire le premier pays d'Europe par la démographie, puisque l'Allemagne compte quatre-vingt-deux millions d'habitants), il n'y aura plus la possibilité d'une Europe intégrée. Voulez-vous me dire ce que deviendra le projet d'Europe politique intégrée avec la Turquie dans l'Europe ?

J'aime la Turquie. Quand vous expliquez aux habitants de la Cappadoce que c'est une grande région d'Europe, ils seront à juste titre étonnés. Si cela se produit, c'en sera fait de l'Europe politique. Tony Blair, que j'apprécie, ne veut pas d'une Europe politique. Donc, il veut la Turquie ! Bush ne veut pas d'une Europe politique. Donc, il veut la Turquie ! Je ne dis pas que vous êtes illégitimes à vouloir la Turquie, je dis qu'il y a incohérence à vouloir la Turquie et l'Europe politique. La question est : est-ce que l'Europe politique n'est pas déjà morte à 25 et 27 ? C'est une vraie question. Mais je ne veux pas renoncer à ce projet qu'elles que soient les difficultés de l'Europe des 25. D'où ma conviction qu'il faut changer la règle de l'unanimité en Europe. On ne peut pas imposer à un pays ce qu'il ne veut pas. En revanche, je n'accepte pas que celui qui ne veut pas avancer empêche les autres de le faire. C'est une chose de dire : "Moi, tel ou tel pays, je ne veux pas avancer", c'en est une autre d'accepter que ce pays empêche les 24 autres d'avancer. Et par conséquent, la seule façon de sauver l'Europe politique, c'est de faire sauter ce verrou. Un pays pourra dire non, mais en son nom, pas au nom des autres.

Pour revenir à la Turquie, la liberté de circulation des personnes et des biens avec l'Anatolie centrale, c'est une grande difficulté. Parce que l'on a quand même un problème d'intégration des musulmans qui pose la question de l'islam en Europe. Dire que ce n'est pas un problème, c'est se masquer la réalité. Si vous faites rentrer cent millions de Turcs musulmans, qu'est-ce qu'il en sera ? Et enfin, dernier point : la Turquie, c'est l'Asie Mineure, et nous sommes en train de parler de l'Europe ! Je n'expliquerai pas aux petits écoliers français que les frontières de l'Europe, ce sont l'Irak et la Syrie. Et puis une fois que vous l'aurez fait, vous aurez fait du problème kurde un problème européen. Formidable ! Il vous restera à faire du Hamas et du Hezbollah des problèmes européens, parce que si vous considérez que la Turquie est européenne, il faut tout de suite penser au Liban, sans oublier Israël, parce que Israël est plus européen que la Turquie. A ce moment-là, il s'agira peut-être d'une autre organisation qui consistera à prendre la totalité des pays de l'arc méditerranéen : Maroc, Algérie, Tunisie compris. Eux étaient français il y a soixante ans. Et à ce moment-là, on peut être 43, 60, 70 en Europe ! Et l'Europe, qui deviendra une sous-région de l'Onu, n'existera donc plus. Si, pour stabiliser la Turquie, il faut déstabiliser l'Europe, je dis que c'est cher payé. Que direz-vous à la Russie quand elle voudra rentrer ? Et puis naturellement, n'oubliez pas l'Ukraine ! L'Ukraine, chère à André Glucksmann, je m'y suis rendu. J'étais d'ailleurs l'un des premiers à m'y trouver au moment de la révolution. Allez à Kiev, et vous verrez que c'est une capitale totalement européenne. Vous voyez la situation dans laquelle on se trouverait ?"

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