Réflexions en cours

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vendredi 29 octobre 2010

Nestor Kirchner, artisan de la renaissance de l'Argentine

Le décès de l'ancien Président argentin Nestor Kirchner est une surprise pour tous. Non seulement il n'était pas très âgé (60 ans), mais encore il restait entièrement impliqué dans la vie politique argentine. Sa femme est actuellement à la tête de l'Etat, et il s'apprêtait lui-même à revenir au pouvoir en préparant sa candidature pour l'élection présidentielle de l'année prochaine. Il y aurait retrouvé son propre prédécesseur, Eduardo Duhalde, dans un duel un peu surprenant. Ce fut en effet par leurs actions combinées que l'Argentine retrouva le chemin de la croissance économique, et pu se sortir d'une crise économique d'une gravité extrême.

Malmené par plusieurs dictatures, l'économie argentine était déjà mal en point dans les années 80. L'inflation était son mal principal. Héritant d'une telle situation, les gouvernements démocrates peinaient à assainir la situation. Leur solution fut la création d'une monnaie indexée directement sur le dollar en 1991, avec un peso = 1 dollar. Dès lors, les prêts n'étaient plus consentis qu'en fonction de la quantité de dollars possédée par l'Argentine. Cela introduisit un facteur liant la possibilité de prêter à l'arrivée de dollars, limitant sérieusement la création monétaire, et donc l'inflation. Pour une économie reposant largement sur les échanges dans la zone dollar telle que l'Argentine, le mécanisme pouvait avoir une certaine logique : son économie exportatrice pouvait profiter de l'afflux de devises, et l'indexation au dollar rassurait les investisseurs souhaitant y investir.

Mais malgré le programme de privatisations du Président Carlos Menem dans les années 90, l'Etat argentin continua d'être lourdement en déficits et d'emprunter de l'argent. Le FMI a notamment largement financé le pays à cette époque, qui vivait alors à crédit. Lorsqu'à la fin des années 90, les Etats-Unis connurent un boom économique, ils devinrent le réceptacle de beaucoup de placements financier. Le dollar s'apprécia largement, et notamment par rapport aux autres monnaies sud américaines. A ce moment-là, l'Argentine, voyant sa propre monnaie s'apprécier d'autant, se trouva en difficulté : ses exportations coûtaient de plus en plus cher, et il lui était possible d'importer à très faible prix. L'Argentine avait la monnaie américaine, mais pas sa croissance. Dépendante de son commerce extérieure, elle n'était plus en mesure d'y participer de façon compétitive. La crise économique commença alors.

En temps normal, l'issue aurait du être une dévaluation rapide. A l'époque des taux de changes fixes (sous le système monétaire international de Bretton Woods ou dans le système monétaire européen), une dévaluation aurait été menée. Mais l'épargne de tous les agents économiques (y compris les investisseurs étrangers) étant comptée directement en dollar, cela promettait d'être douloureux. Pire, privée de son apports de dollars de par la dégradation de ses comptes extérieurs, les banques argentines ne pouvaient plus prêter, renforçant la crise. L'Etat lui même, ayant de facto entraîné une création monétaire en empruntant à l'étranger, ne pouvait plus emprunter pour payer ses dépenses courantes, et encore moins rembourser. A la violence de la crise économique s'ajouta une crise financière et monétaire. Perdant confiance dans les institutions, tous les acteurs voulurent récupérer leurs avoirs en dollar, favorisant un cercle vicieux plombant le peso.

Cela se traduit évidemment par une crise politique très grave, provoquant la démission de deux Présidents successifs. Il revint donc à Eduardo Duhalde, devenu Président par intérim, d'acter la faillite de l'Etat argentin, et d'accomplir une dévaluation de fait, en mettant fin à l'indexation du peso avec le dollar. Ce fut, comme on pouvait s'y attendre, extrêmement violent pour les épargnants et les créanciers de l'Argentine. A partir de ce moment-là, l'Argentine est de fait repartie à zéro. Eduardo Duhalde organisa alors des élections présidentielles, où Nestor Kirchner fut élu. Celui-ci continua l'œuvre de son prédécesseur, et garda le même ministre des finances. L'Argentine revint à ses fondamentaux : l'exportation de matières premières, et en premier lieu de viandes animales. Les investissements nécessaires étaient réduits, peu affectés par la crise. Le peso, devenu bien meilleur marché, favorisa une reprise des exportations. L'Argentine se comporta au cours des années 2000 comme un pays en reconstruction, connaissant une croissance forte. En termes de politique économique, Nestor Kirchner fit notamment le choix de maintenir le peso à des niveaux bas, malgré le retour d'une économie en meilleure santé. Une inflation toujours importante en fut le prix à payer.

Il aurait donc été intéressant de voir Eduardo Duhalde et Nestor Kirchner, les deux artisans de la renaissance argentine, s'affronter. Aujourd'hui, l'Argentine est membre du G20, et aspire à davantage prendre part à la régulation économique internationale. Son expérience récente représente un cas d'école pour ces institutions, une leçon pour elle-même et pour le reste du monde.

mardi 12 octobre 2010

Intervenir lors de la succession nord coréenne

L'apparition de Kim Jong-un aux côtés de son père Kim Kong-il lors d'une parade militaire ce week-end semble marquer l'officialisation de sa désignation en tant qu'héritier du régime. Kim Jong-il se faisant vieux et malade, il souhaite désormais transmettre son pouvoir à sa descendance, comme son propre père Kim Il-sung l'avait fait en son temps. La Corée du Nord est tellement obsédée par le secret que bon nombre d'éléments sont inconnus à propos du futur héritier, à commencer par sa date de naissance ou les études qu'il a faites. Pour la Corée, ce peut néanmoins être une opportunité. Il est possible que Kim Jong-un soit un peu plus conciliant que son père. Il lui sera en tout cas difficile d'avoir moins d'égards pour son peuple.

On peut toutefois se demander quelles sont les bases du régime nord coréen. Bien sûr, le peuple a tellement été gavé de propagande depuis des décennies qu'il peine à imaginer ce qu'est une démocratie ou même le reste du monde. Mais si l'Etat nord coréen perdure, c'est qu'il y a une élite qui tient le peuple sous sa férule et organise cette propagande. Kim Jong-il, même aidé de son fils, ne peut tout faire seul. L'état major de l'armée et la grande administration ont donc une responsabilité dans la situation du pays, ne serait-ce parce qu'ils suivent les ordres du leader. Ils doivent quand même mener la belle vie, pour accepter que Kim Jong-un récupère les rênes du pouvoir. Mais ils doivent avoir pleinement conscience de ce qu'il se passe du fait de leurs décisions. Sont-ils vraiment prêts à défendre le régime jusqu'à la mort, ou bien leur loyauté peut-elle varier s'ils y trouvent un intérêt ?

Pour les puissances étrangères, la transition peut être une occasion de favoriser un changement de régime et une éventuelle réunification. Kim Jong-il a montré qu'il était instable et paranoïaque, ses rapprochements avec la Corée du sud sont aussi fréquents que brefs. Au rythme où les discussions vont, on aboutira à rien. Or malgré l'opiniâtreté de l'armée nord coréenne, le pays ne tient que par l'apport des quelques contacts avec l'étranger qui lui restent. Le plus important est son lien avec la Chine : si celle-ci est souvent navrée du comportement erratique de la dictature voisine, elle considère qu'il est dans son intérêt national de ne pas avoir une puissance alliée avec l'Occident à sa frontière. Elle ne veut pas se trouver dans la situation de la Russie voyant l'Allemagne de l'est devenir un pays allié aux Etats-Unis. D'autre part, la Corée du nord bénéficie d'une aide humanitaire de la Corée du sud. Celle-ci reste malgré tout solidaire de la population nord coréenne, leurs frères subissant l'oppression. Cette aide permet d'éviter des famines, mais retarde peut-être une éventuelle révolte du peuple.

Le moment où plus personne n'aura à redevoir quelque chose au leader nord coréen pourrait donc être une bonne opportunité pour tenter de changer les choses. Il faudrait évidemment éviter une invasion par le sud qui entraînerait une riposte immédiate chinoise. Un coup d'état pacifique favorisant une ouverture du régime est envisageable, qu'il soit d'origine interne ou externe. Il faudrait en tout cas entreprendre ce changement en se basant sur la diplomatie, sur le dialogue avec la Chine. Une proposition pourrait être d'effectuer la réunification, mais sans que la Corée unifiée s'engage dans une quelconque alliance : elle resterait alors totalement indépendante à la fois de la Chine et de l'Occident. C'est la solution qui avait été adoptée pour l'Autriche après la Seconde Guerre Mondiale, et avait évité une partition du pays. Le pays aurait de toute façon déjà beaucoup à faire pour remettre à niveau sa partie nord, beaucoup plus handicapée que ne l'était l'Allemagne de l'est. La neutralité de la Corée pourrait donc être une issue où tout le monde serait gagnant.

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