Réflexions en cours

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dimanche 30 décembre 2007

Du côté d'Alavaro Uribe

Depuis près de six années que Ingrid Betancourt est détenue par les FARC, la mobilisation médiatique n'a pas faiblie. Femme politique colombienne, elle est aussi citoyenne française, ce qui pousse la France à s'investir dans sa libération. Les ministres des affaires étrangères successifs se sont heurtés à l'obstacle que sont les FARC, mouvement de guérilla communiste, tout du moins à l'origine. Ils réclament en échange de la libération d'Ingrid Betancourt la libération de centaine de leurs combattants qui sont emprisonnés par l'Etat colombien, mais le président de la Colombie, Alvaro Uribe, n'est pas enclin à leur donner raison. Et pour cause, il s'est fait élire sur la base d'un programme pronant la fermeté vis-à-vis de gens comme les FARC. Pourtant, nombreux sont ceux parmi les proches d'Ingrid Betancourt à réclamer à Alvaro Uribe plus de souplesse, de ne pas forcer la libération par les armes et ils tiennent un discours qui laisse entendre qu'il a l'avenir d'Ingrid Betancourt dans les mains. Ainsi, Alvaro Uribe semble parfois vu comme un problème en France. C'est assez paradoxal, dans la mesure où ce n'est certainement pas lui qui a fait enlever Ingrid Betancourt, et le plaidoyer en faveur des demandes des FARC résonne comme une étrange application du syndrôme de Stockholm, où les proches de la victime de l'enlèvement se mettent à défendre les kidnappeurs.

Au fil du temps, ils semblent oublier les données fondamentales de la question, à savoir que les FARC sont une organisation terroriste qui a depuis longtemps oublié ses revendications politiques fondamentales pour se consacrer aux lucratives activités que sont le trafic de la drogue et l'enlèvement de personnes pour obtenir des rançons, tout cela en étant bien à l'abris dans l'épaisse forêt colombienne. Le kidnapping est d'ailleur devenue une industrie pour les FARC : ils enlèvent quelqu'un, réclament une rançon, l'obtiennent généralement, relâchent la personne concernée (pour être crédible pour les prochaines demandes de rançon) et enlèvent à nouveau d'autres personnes. Ce cycle infernal ne s'arrêtera pas tant que les proches des victimes paieront, mais comment leur reprocher leur volonté de sauver l'être cher ?

Seules les personnalités emblématiques comme Ingrid Betancourt ont un traitement différencié : vu le symbole qu'elles représentent, il n'est plus question d'argent, mais de services à obtenir de la part de l'Etat colombien, tels que la libération de membres des FARC emprisonnés, ou la démilitarisation de zones entières (pour en avoir un contrôle total). Alvaro Uribe a bien raison de s'opposer à de telles revendications. Ce n'est pas en acceptant les revendications terroristes qu'on les combat au mieux. S'il faut libérer Ingrid Betancourt au prix de renoncements énormes, et se retrouver un mois plus tard avec une nouvelle personnalité enlevée et de nouvelles revendications exorbitantes, la Colombie n'aura fait que creuser un peu plus sa tombe. Et du reste, au vu de l'importance que l'on donne à Ingrid Betancourt, les FARC n'ont vraiment pas de raison de vouloir son départ, et continueront de demander toujours plus pour sa libération. Il est contre-productif de vouloir accorder aux preneurs d'otages ce qu'ils demandent. Cela ne fait qu'inciter à de nouvelles prises d'otages, et à se renier soi-même. Alvaro Uribe l'a bien compris. Il fait ce qui est le mieux pour la Colombie, et cela, la France doit le comprendre.

vendredi 14 décembre 2007

Les atouts de Mitt Romney

La candidature de Mitt Romney au poste de Président des Etats-Unis est accueillie avec circonspection par un bon nombre de républicains, qui se demandent si un mormon peut attirer les suffrages de ses concitoyens. Si avec Hillary Clinton ou Barack Obama la question posée était "une femme / un noir peut-il être élu Président", pour Mitt Romney les médias se sont donc posés la question "un mormon peut-il être élu Président ?". En fait, la question ne se pose que pour les plus religieux des républicains, qui ont tendance à voir les mormons comme des gens sur le mauvais chemin. Pour les autres, il apparaît que "l'Eglise de Jésus Christ des Saints des derniers jours" n'est qu'une religion chrétienne comme les autres, comme peut l'être le catholicisme. Le message de cette Eglise n'est pas fondamentalement plus extrémiste que celui des autres, et ses membres apportent la même contribution à la société que n'importe qui. D'ailleurs, le père de Mitt Romney avait déjà été candidat à la présidentielle en son temps. Certes, il avait échoué. Mais il serait absurde de s'attarder davantage sur des histoires de religion que le principal intéressé ne met pas en avant et n'essaie pas de cacher non plus.

Surtout que Mitt Romney a quelques arguments à faire valoir. Sa forte expérience et sa compétence ne peuvent être mises en doute, au vu de sa carrière courronnée de succès dans le secteur privé. Il n'a pas de mal à se construire une image d'homme brillant et amical, et son appartenance à un camp politique ne semble pas être un obstacle pour conquérir les voix tant du côté des démocrates que des républicains, comme le montre le fait qu'il a réussi à se faire élire gouverneur dans un des Etats les plus démocrates de l'Amérique, le Massachussetts. Evidemment, cela peut être un obstacle du côté des républicains les plus marqués pendant les primaires. Mais ils ne devraient pas trop faire la fine bouche alors que le passage de George Bush à la Maison Blanche les a rendus considérablement impopulaires.

Un autre aspect important des présidentielles que peu de monde semble prendre en compte est que les électeurs américains rechignent à élire des candidats issus directement du Congrès, alors qu'ils sont nombreux à s'être présentés. Le dernier Président à appartenir soit au Sénat, soit à la Chambre des représentants avant d'être élu était John F. Kennedy, en 1960. Depuis, les Présidents élus ont été soit des gouverneurs (Jimmy Carter, Ronald Reagan, Bill Clinton ou George Bush Jr), soit des anciens Vice-Présidents (Lyndon Johnson, Richard Nixon ou George Bush Sr). A ce titre, les républicains comptent deux candidats qui ont encore des chances d'être nominés et qui sont d'anciens gouverneurs (Mike Huckabee de l'Arkansas, et Mitt Romney, donc), alors que les principaux candidats démocrates (Hillary Clinton, Barack Obama ou John Edwards) viennent tous du Sénat. Parmi les démocrates, il y aurait bien Bill Richardson comme candidat gouverneur (du Nouveau Mexique), mais il est loin d'être favori. Pour ces raisons, les démocrates auraient bien tort de considérer l'élection comme gagnée d'avance. La bonne question à se poser pourrait bien être : "un sénateur peut-il encore être élu Président des Etats-Unis ?"

Photo : Reuters

dimanche 2 décembre 2007

Vacance du pouvoir au Liban

Au Liban, le mandat du Président de la République Emile Lahoud s'achevait le 23 novembre dernier. Il a quitté le pouvoir à minuit, mais personne n'était là pour le reprendre. En effet, aucun nouveau Président n'a été élu pour le remplacer. C'est le parlement libanais qui élit le Président au Liban, et celui-ci doit obligatoirement être un chrétien maronite (le Premier ministre devant être sunnite et le Président de l'Assemblée chiite selon des règles institutionnelles visant à ce que chaque communauté soit représentée). Mais le scrutin prévu pour cette élection a été reporté à plusieurs reprises, dans la mesure où aucun nom ne faisant suffisamment consensus pour que l'élection soit possible. Et c'est de cette façon que le Liban n'a plus de chef de l'Etat depuis près d'une dizaine de jours.

Il faut dire que la situation politique libanaise n'a rien de simple. Le gouvernement fait déjà face à une crise de confiance, n'étant plus reconnu par l'opposition. La majorité est composée des sunnites, des druzes et d'une partie des chrétiens. L'opposition est constituée des chiites et du reste des chrétiens. Le critère de différenciation politique entre ces deux bords est l'attitude envers la Syrie, qui ne s'est retirée du Liban que depuis deux ans, après les protestations faisant suite à l'assassinat de Rafic Hariri. La majorité est hostile à la Syrie, quand l'opposition y est plutôt favorable, considérant la majorité comme étant une marionnette des pays occidentaux. En plus de cela, les chiites de l'opposition sont surtout représentés par le Hezbollah, un parti religieux fondamentaliste largement soutenu par l'Iran. Le Hezbollah s'est également trouvé un allié inattendu en la personne de Michel Aoun, un chrétien maronite autrefois anti-syrien reconnu, mais ne repondant plus à ce critère actuellement. Il est candidat à la présidence, mais la majorité ne veut pas en entre parler. Pour compliquer le tout, Emile Lahoud, le Président sortant, était pro-syrien et voulait confier le pouvoir à l'armée avant son départ, mais cela a été refusé par Fouad Siniora, le Premier ministre qui de fait assure l'intérim.

Le commandant en chef de l'armée, Michel Sleiman, pourrait pourtant quand même voir le pouvoir lui revenir. Il apparait justement comme un candidat pouvant convenir à tous : plutôt neutre vis-à-vis de la Syrie, il peut travailler avec ce pays sans y faire preuve d'enthousiasme. La crise se prolonge car la Constitution libanaise interdit aux haut fonctionnaires comme les généraux de devenir directement Président. Emile Lahoud était lui aussi commandant en chef de l'armée libanaise, mais n'était plus en poste lorsqu'il fut élu Président. D'une manière ou d'une autre, il apparait probable que la solution passera par l'armée.

Lorsque la vacance du pouvoir fut établie, nombreux sont ceux qui ont craint la possibilité d'une guerre civile. Il faudrait pour cela que des pouvoirs de légitimités différentes s'affrontent, ou bien que le Hezbollah prenne les armes contre le gouvernement actuellement en place. Il n'est pas certain que qui que ce soit ait à y gagner, mais ce genre d'événements n'est pas toujours rationnel. Au final, ce sont les morcellements ethniques et religieux du Liban, ainsi que l'ombre écrasante de la Syrie qui sont les sources de ces tensions, à vraie dire continues dans l'Histoire du Liban. Les pays occidentaux peuvent essayer de contribuer à la paix dans la région de diverses façons, mais au bout du compte, c'est dans peuple libanais qu'il faut mettre ses espoirs, afin qu'il prenne les bonnes décisions. L'indépendance et la modération seraient deux caractéristiques de politique qui feraient du bien au Liban.

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