Depuis près de six années que Ingrid Betancourt est détenue par les FARC, la mobilisation médiatique n'a pas faiblie. Femme politique colombienne, elle est aussi citoyenne française, ce qui pousse la France à s'investir dans sa libération. Les ministres des affaires étrangères successifs se sont heurtés à l'obstacle que sont les FARC, mouvement de guérilla communiste, tout du moins à l'origine. Ils réclament en échange de la libération d'Ingrid Betancourt la libération de centaine de leurs combattants qui sont emprisonnés par l'Etat colombien, mais le président de la Colombie, Alvaro Uribe, n'est pas enclin à leur donner raison. Et pour cause, il s'est fait élire sur la base d'un programme pronant la fermeté vis-à-vis de gens comme les FARC. Pourtant, nombreux sont ceux parmi les proches d'Ingrid Betancourt à réclamer à Alvaro Uribe plus de souplesse, de ne pas forcer la libération par les armes et ils tiennent un discours qui laisse entendre qu'il a l'avenir d'Ingrid Betancourt dans les mains. Ainsi, Alvaro Uribe semble parfois vu comme un problème en France. C'est assez paradoxal, dans la mesure où ce n'est certainement pas lui qui a fait enlever Ingrid Betancourt, et le plaidoyer en faveur des demandes des FARC résonne comme une étrange application du syndrôme de Stockholm, où les proches de la victime de l'enlèvement se mettent à défendre les kidnappeurs.

Au fil du temps, ils semblent oublier les données fondamentales de la question, à savoir que les FARC sont une organisation terroriste qui a depuis longtemps oublié ses revendications politiques fondamentales pour se consacrer aux lucratives activités que sont le trafic de la drogue et l'enlèvement de personnes pour obtenir des rançons, tout cela en étant bien à l'abris dans l'épaisse forêt colombienne. Le kidnapping est d'ailleur devenue une industrie pour les FARC : ils enlèvent quelqu'un, réclament une rançon, l'obtiennent généralement, relâchent la personne concernée (pour être crédible pour les prochaines demandes de rançon) et enlèvent à nouveau d'autres personnes. Ce cycle infernal ne s'arrêtera pas tant que les proches des victimes paieront, mais comment leur reprocher leur volonté de sauver l'être cher ?

Seules les personnalités emblématiques comme Ingrid Betancourt ont un traitement différencié : vu le symbole qu'elles représentent, il n'est plus question d'argent, mais de services à obtenir de la part de l'Etat colombien, tels que la libération de membres des FARC emprisonnés, ou la démilitarisation de zones entières (pour en avoir un contrôle total). Alvaro Uribe a bien raison de s'opposer à de telles revendications. Ce n'est pas en acceptant les revendications terroristes qu'on les combat au mieux. S'il faut libérer Ingrid Betancourt au prix de renoncements énormes, et se retrouver un mois plus tard avec une nouvelle personnalité enlevée et de nouvelles revendications exorbitantes, la Colombie n'aura fait que creuser un peu plus sa tombe. Et du reste, au vu de l'importance que l'on donne à Ingrid Betancourt, les FARC n'ont vraiment pas de raison de vouloir son départ, et continueront de demander toujours plus pour sa libération. Il est contre-productif de vouloir accorder aux preneurs d'otages ce qu'ils demandent. Cela ne fait qu'inciter à de nouvelles prises d'otages, et à se renier soi-même. Alvaro Uribe l'a bien compris. Il fait ce qui est le mieux pour la Colombie, et cela, la France doit le comprendre.