La candidature de Mitt Romney au poste de Président des Etats-Unis est accueillie avec circonspection par un bon nombre de républicains, qui se demandent si un mormon peut attirer les suffrages de ses concitoyens. Si avec Hillary Clinton ou Barack Obama la question posée était "une femme / un noir peut-il être élu Président", pour Mitt Romney les médias se sont donc posés la question "un mormon peut-il être élu Président ?". En fait, la question ne se pose que pour les plus religieux des républicains, qui ont tendance à voir les mormons comme des gens sur le mauvais chemin. Pour les autres, il apparaît que "l'Eglise de Jésus Christ des Saints des derniers jours" n'est qu'une religion chrétienne comme les autres, comme peut l'être le catholicisme. Le message de cette Eglise n'est pas fondamentalement plus extrémiste que celui des autres, et ses membres apportent la même contribution à la société que n'importe qui. D'ailleurs, le père de Mitt Romney avait déjà été candidat à la présidentielle en son temps. Certes, il avait échoué. Mais il serait absurde de s'attarder davantage sur des histoires de religion que le principal intéressé ne met pas en avant et n'essaie pas de cacher non plus.

Surtout que Mitt Romney a quelques arguments à faire valoir. Sa forte expérience et sa compétence ne peuvent être mises en doute, au vu de sa carrière courronnée de succès dans le secteur privé. Il n'a pas de mal à se construire une image d'homme brillant et amical, et son appartenance à un camp politique ne semble pas être un obstacle pour conquérir les voix tant du côté des démocrates que des républicains, comme le montre le fait qu'il a réussi à se faire élire gouverneur dans un des Etats les plus démocrates de l'Amérique, le Massachussetts. Evidemment, cela peut être un obstacle du côté des républicains les plus marqués pendant les primaires. Mais ils ne devraient pas trop faire la fine bouche alors que le passage de George Bush à la Maison Blanche les a rendus considérablement impopulaires.

Un autre aspect important des présidentielles que peu de monde semble prendre en compte est que les électeurs américains rechignent à élire des candidats issus directement du Congrès, alors qu'ils sont nombreux à s'être présentés. Le dernier Président à appartenir soit au Sénat, soit à la Chambre des représentants avant d'être élu était John F. Kennedy, en 1960. Depuis, les Présidents élus ont été soit des gouverneurs (Jimmy Carter, Ronald Reagan, Bill Clinton ou George Bush Jr), soit des anciens Vice-Présidents (Lyndon Johnson, Richard Nixon ou George Bush Sr). A ce titre, les républicains comptent deux candidats qui ont encore des chances d'être nominés et qui sont d'anciens gouverneurs (Mike Huckabee de l'Arkansas, et Mitt Romney, donc), alors que les principaux candidats démocrates (Hillary Clinton, Barack Obama ou John Edwards) viennent tous du Sénat. Parmi les démocrates, il y aurait bien Bill Richardson comme candidat gouverneur (du Nouveau Mexique), mais il est loin d'être favori. Pour ces raisons, les démocrates auraient bien tort de considérer l'élection comme gagnée d'avance. La bonne question à se poser pourrait bien être : "un sénateur peut-il encore être élu Président des Etats-Unis ?"

Photo : Reuters