Réflexions en cours

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lundi 31 octobre 2011

L'Irak, un pari perdu

L'annonce récente par Barack Obama du retrait des troupes américaines d'Irak lui a valu les critiques des républicains. Pourtant, il n'a fait que confirmer un accord conclu par son prédécesseur, George Bush, avec le gouvernement Irakien il y trois ans de cela, peu avant la fin de son mandat. Tous les soldats américains actuellement stationnés en Irak devraient donc pouvoir passer noël chez eux, en famille. Les économies réalisées par ce retrait ont d'ailleurs d'ores et déjà été comptabilisées dans les mesures prises pour la réduction du déficit américain. Depuis le départ des Britanniques en mai dernier, les Américains étaient les derniers présents de la coalition internationale qui avait été mise en place en 2003. Tous les participants sont partis un par un, et comme les autres, les Américains partiront par la petite porte.

C'est que le bilan de l'intervention américaine est pour le moins mitigé. Son motif initial, les armes de destruction massive, s'est révélé un pari perdu. L'administration Bush croyait qu'il y en avait, il n'y en avait pas. Le temps de s'en rendre compte et un pays avais déjà été envahi. Désormais, George Bush met en avant le fait que cela a permis d'instaurer la démocratie en Irak. Mais les choses restent compliquées. La coalition croyait l'Etat irakien solide, mais ils s'est effondré avec la chute de Saddam Hussein, plus personne ne se sentait obligé d'occuper sa place. La dissolution arbitrale des forces de sécurité fut une catastrophe monumentale, toujours payée par les Irakiens. Surtout, les Américains n'avaient pas vraiment prévu de solution à long terme, ils ne savaient pas par quoi remplacer Saddam Hussein. Ce vide béant a favorisé l'éruption de violences quasi-généralisées, contre les troupes américaines, mais surtout entres Irakiens.

Plus d'américains sont morts en Irak que lors du 11 septembre 2001. Ce ne peut donc pas être considéré comme une bonne affaire pour la sécurité des Américains. Certes, l'Irak est désormais une démocratie. Les cyniques diraient que vu les violences qui font toujours rage entre factions irakiennes, il n'est pas sûr que ça apporte de meilleures conditions de vie à ce peuple. Certains géopolitologues américains pensent que la démocratie irakienne a inspiré les manifestants du Printemps arabe de cette année. On pourrait aussi se dire que la transition de l'Irak vers la démocratie se serait mieux déroulée si elle avait dès le départ opérée par la population irakienne, éventuellement dans la foulée de ce Printemps arabe. Difficile à dire. Actuellement, la démocratie irakienne est loin d'être optimale. Que ce soit dans les violences armées ou au Parlement, oppositions entre sunnites, chiites et kurdes restent vivent et handicapantes.

Au bout du compte, ce qui s'est passé en Irak ne pourrait être considéré comme un modèle à reproduire, c'est même certainement l'inverse. Une guerre pour de mauvaises raisons avec de mauvaises conséquences... Le peuple irakien ne regrettera pas le départ des troupes américaines.

dimanche 23 octobre 2011

Trois autocrates, trois choix

La mort brutale de Mouammar Kadhafi a de quoi laissé songeur. Il y a encore moins d'un an, il était solidement accroché au pouvoir, comme d'ailleurs ses voisins de Tunisie et d'Egypte, Zine el-Abidine Ben Ali et Hosni Moubarak. Certes, des trois, il était celui qui était considéré comme le plus dangereux, tant pour sa propre population que pour les pays étrangers. Son soutien passé à des actes terroristes lui ont d'ailleurs valu d'être autrefois sur la sellette. Après le 11 septembre 2001, les Etats-Unis ont lancé un avertissement au monde : les pays au comportement douteux doivent coopérer, ou bien ils seront frappés militairement. Alors que l'Irak fut vue comme une menace trop sensible, des pays comme le Pakistan et la Libye préférèrent courber l'échine et montrer patte blanche pour éviter tout risque d'attaque. C'est grâce à la bonne volonté affichée par la Libye que Kadhafi put être traité comme un chef d'Etat comme un autre, reçu par tous les dirigeants occidentaux. Il affichait même son envie de paraître à nouveau pour le monde, troquant les infirmières bulgares contre une réception à l'Elysée, ou tentant de créer une union politique africaine.

Pourtant, la révolution du peuple libyen a changé cette perspective. Quand les Libyens ont rejeté Kadhafi suite à l'impulsion donnée par la Tunisie, conformément à la théorie des dominos, les pays occidentaux ne pouvaient plus ignorer le despotisme de ce régime. Ils en étaient bien conscients auparavant, mais ce n'est pas eux de changer les dirigeants politiques des autres pays. Par contre, ils peuvent aider un mouvement démocratique si celui-ci existe, et sous l'impulsion de David Cameron, Nicolas Sarkozy et Barack Obama, c'est ce qui a été fait. C'est donc bien par la volonté du peuple libyen que ceux qui recevaient Kadhafi autrefois ont décidé de hâter son éviction.

En Tunisie, en Egypte et en Libye, il y eut des moments similaires. Les protestations étaient à chaque fois si fortes que les dirigeants occidentaux ont appelé les autocrates respectifs de ces pays à quitter le pouvoir pacifiquement. Ils ont chacun eux une réponse différente. D'abord, il y a eu Ben Ali, qui choisit de quitter le pouvoir et son pays, la Tunisie. Il fut jugé par contumace, mais reste à l'étranger. Ensuite, il y a eu Moubarak, qui choisit lui aussi de quitter le pouvoir, mais préféra rester en Egypte, devenant en quelque sorte un Egyptien parmi les autres. En conséquence, il assiste à son procès. Et puis il y a Kadhafi, dont la morgue ou la bravade lui ont laissé croire qu'il finirait toujours par s'en sortir. Il refusa à la fois de quitter le pouvoir et de quitter le pays. Son obstination eut tôt fait de tranformer la situation en une authentique guerre civile, qui décupla la rage de ses opposants. Dans un tel contexte, il n'y eut même pas de procès : il fut semble-t-il exécuté peu après sa capture, alors qu'il était déjà blessé.

En partants de situations semblables, on arrive donc à des situations différentes, suivant les choix des dictateurs déchus. Ce genre d'événements est marquant pour un pays, et a tendance à se transformer en légendes fondatrices pour les régimes qui en sont issus. Peut-on alors déjà imaginer que les mentalités seront différentes entre les Tunisiens, qui se montrèrent peu violents dans leur révolution, et les Libyens, qui durent faire la guerre pour la faire aboutir ?

jeudi 13 octobre 2011

Que la Turquie reconnaisse le génocide arménien

En visite dans le Caucase la semaine dernière, Nicolas Sarkozy s'est fait applaudir par des dizaines de milliers de Géorgiens en critiquant le maintien de forces armées russes en Ossétie du Sud. Mais il a également marqué un autre coup diplomatique en déclarant en Arménie que la Turquie devait reconnaître le génocide arménien qu'elle a commis en 1915. En l'absence d'une telle reconnaissance, le chef de l'Etat a annoncé que la loi punissant le négationnisme du génocide arménien serait adoptée. Cela a bien évidemment provoqué la fureur d'Ankara, qui y a vu une mesure politicienne, et en a profité pour critiquer la France sur sa crise économique. La presse turque diagnostique chez le Président français "une aversion culturelle et historique solidement ancrée en lui" envers la Turquie et les Turcs, et se targue que la Turquie ait fait capoter le projet d'Union Pour la Méditerranée. D'une manière générale, la France serait jalouse de l'influence croissante turque et de son dynamisme économique, et souhaiterait ainsi la gêner par tous les moyens.

Le propos manque pour le moins de nuance. Il révèle néanmoins toutes les différences que l'on peut sentir entre les positions turques et françaises. Contrairement à la France qui n'en finit pas de douter d'elle même, la Turquie déborde de confiance en elle, c'est vrai. Mais cette auto-glorification turque constante n'est pas loin du nationalisme. La Turquie veut entrer dans l'Union Européenne, et ne comprend pas que cela ne se passe pas aussi vite qu'elle le souhaite. Selon elle, l'Union Européenne a besoin d'elle, et elle considère que son rang est naturellement au sein des pays les plus développés. Pourquoi alors, se dit-elle, toutes ces contraintes ?

De part et d'autres, on semble en fait avoir oublié la raison de la candidature turque à l'Union Européenne. Le processus d'adhésion n'avance plus du tout. Ce n'est pas étonnant. Plusieurs pays comme la France, l'Allemagne ou l'Autrice sont résolument contre cette adhésion. La Turquie ne reconnaît même pas l'un des pays membres de l'Union, Chypre. Et culturellement, on ne l'a jamais sentie aussi éloignée de l'Europe occidentale. Son nationalisme l'empêche d'être traversée par les mêmes courants d'idées que l'Europe, et la liberté d'expression y est limitée sur des bases très subjectives. Insulter la Turquie y est ainsi un crime puni de deux ans d'emprisonnement, et affirmer que la Turquie a commis un génocide constitue une telle insulte. Pour la Turquie, elle ne peut tout simplement avoir commis de tels massacres, vu qu'elle est bien au-dessus de cela.

Il y a des situations où avoir un peu d'humilité n'est pas forcément dévalorisant. Le génocide des Arméniens n'est pas contesté par les historiens, et la Turquie s'honorerait plus que s'humilierait à reconnaître ce pan de son passé. Certes, ces années là étaient aussi celles de la refondation de la Turquie, une période révérée pour les Turcs. Mais personne n'est parfait, et la Turquie devrait reconnaître qu'elle est une nation parmi d'autres, avec ses qualités et ses défauts, plutôt qu'un pays à qui l'on ne peut rien reprocher. Et cela passera tôt ou tard par la reconnaissance du génocide arménien.

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