lundi 31 janvier 2011
L'inconnue de l'Afrique du Nord
Par xerbias, lundi 31 janvier 2011 à 16:52 :: Monde
C'est le moins que l'on puisse dire, la France a été lente à appeler à un changement du pouvoir en Tunisie. Toujours soupçonnée d'ingérence, l'ancienne puissance coloniale est restée très discrète lors des manifestations du peuple tunisien, se limitant à un appel à ce que chaque côté n'use pas de violence. La presse anglo-saxonne l'avait remarqué, et mettait en avant en comparaison l'appui bien plus appuyé de Washington à une démocratisation de la Tunisie. Cela avait permis à Barack Obama une belle phrase dans son discours sur l'état de l'Union : "La volonté du peuple s'est révélée plus puissante que l'étreinte d'un dictateur". Quelques semaines plus tard, c'est au tour de l'Egypte de connaître une agitation similaire. Mais cette fois-ci, Washington et Paris (ainsi que le reste de l'Union Européenne) sont sur la même longueur d'onde : la prudence. De la part des autorités américaines, les commentaires sont rares, et mûrement réfléchis. On appelle au calme, et on murmure du bout des lèvres un appel à ce que Hosni Mubarak, le Président égyptien, démocratise son régime.
Mohamed El Baradei, ancien directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique et à ce titre prix Nobel de la paix, s'avère soudainement être un leader de facto de l'opposition égyptienne. Il s'est permis ce week-end de critiquer un autre prix Nobel de la Paix, le Président américain Barack Obama. Il a en effet regretté que les Etats-Unis n'appellent pas au changement de dirigeant en Egypte, et souhaité qu'ils arrêtent la "mise sous perfusion" du régime. Les Etats-Unis ont en effet traité sans problème avec Hosni Mubarak depuis des décennies, se servant de lui comme un intermédiaire dans le monde arabe, et en retour, ils l'ont beaucoup aidé par des aides directes ou militaires.
L'Egypte est un morceau bien plus gros que la Tunisie, et le monde occidental est très nerveux sur la tournure que prendra finalement les évènements en Afrique du Nord. Déjà , Israël s'inquiète à haute voix d'un départ de Hosni Mubarak, l'homme qui a appliqué une politique de paix au Proche Orient à la suite de son prédécesseur, Anouar el-Sadate, qui avait assassiné pour cette raison. L'Egypte est un élément stabilisateur dans la région, et l'Occident craint que ces révolutions ne servent qu'à remplacer une dictature par une autre, beaucoup plus dure et déstabilisatrice. Deux souvenirs hantent l'esprit des diplomates. Le premier est celui, lointain, de la révolution russe en 1917. Le deuxième, plus semblable aux situations actuelles, est celle de la révolution iranienne de 1979. Ce qui avait également commencé comme un mouvement d'origine populaire s'est rapidement transformée en théocratie particulièrement belliqueuse envers à peu près tout le monde.
Et bien sûr, plus récemment, les Etats-Unis ont appris qu'essayer d'imposer la démocratie sur des terres habituées à la dictature n'était pas une simple affaire. Le discours "tout le monde souhaite la liberté, il suffit de virer les dictateurs pour que les peuples deviennent enfin heureux" est plus difficile à tenir après l'expérience irakienne. Il ne s'agit pas de dire que les manifestations tunisiennes ou égyptiennes ne peuvent avoir de répercussions positives. C'est juste qu'en fin de compte, personne n'est capable de dire comment ça va tourner. Telle est la grande inconnue de l'Afrique du Nord : que deviendront ces pays une fois débarrassés des dirigeants qui en limitent les libertés ? Des démocraties à l'occidentale, avec un débat politique centré sur la politique économique à tenir ? Des démocraties à la turque, où le choix se fait à peu près entre militaires laïques et démocrates musulmans ? Toujours des régimes répressifs, corrompus et pragmatiques à la fois ? Ou bien des théocraties féroces, voulant instaurer la charia ? Il y a déjà des graines plantées pour que ce puisse être chacune de ces alternatives. Et d'ailleurs, l'issue ne sera pas forcément la même partout. Cette grande incertitude explique donc la grande prudence des puissances occidentales, qui estiment que la realpolitik est encore la carte la moins dangereuse à jouer pour l'instant.
Mohamed El Baradei, ancien directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique et à ce titre prix Nobel de la paix, s'avère soudainement être un leader de facto de l'opposition égyptienne. Il s'est permis ce week-end de critiquer un autre prix Nobel de la Paix, le Président américain Barack Obama. Il a en effet regretté que les Etats-Unis n'appellent pas au changement de dirigeant en Egypte, et souhaité qu'ils arrêtent la "mise sous perfusion" du régime. Les Etats-Unis ont en effet traité sans problème avec Hosni Mubarak depuis des décennies, se servant de lui comme un intermédiaire dans le monde arabe, et en retour, ils l'ont beaucoup aidé par des aides directes ou militaires.
L'Egypte est un morceau bien plus gros que la Tunisie, et le monde occidental est très nerveux sur la tournure que prendra finalement les évènements en Afrique du Nord. Déjà , Israël s'inquiète à haute voix d'un départ de Hosni Mubarak, l'homme qui a appliqué une politique de paix au Proche Orient à la suite de son prédécesseur, Anouar el-Sadate, qui avait assassiné pour cette raison. L'Egypte est un élément stabilisateur dans la région, et l'Occident craint que ces révolutions ne servent qu'à remplacer une dictature par une autre, beaucoup plus dure et déstabilisatrice. Deux souvenirs hantent l'esprit des diplomates. Le premier est celui, lointain, de la révolution russe en 1917. Le deuxième, plus semblable aux situations actuelles, est celle de la révolution iranienne de 1979. Ce qui avait également commencé comme un mouvement d'origine populaire s'est rapidement transformée en théocratie particulièrement belliqueuse envers à peu près tout le monde.
Et bien sûr, plus récemment, les Etats-Unis ont appris qu'essayer d'imposer la démocratie sur des terres habituées à la dictature n'était pas une simple affaire. Le discours "tout le monde souhaite la liberté, il suffit de virer les dictateurs pour que les peuples deviennent enfin heureux" est plus difficile à tenir après l'expérience irakienne. Il ne s'agit pas de dire que les manifestations tunisiennes ou égyptiennes ne peuvent avoir de répercussions positives. C'est juste qu'en fin de compte, personne n'est capable de dire comment ça va tourner. Telle est la grande inconnue de l'Afrique du Nord : que deviendront ces pays une fois débarrassés des dirigeants qui en limitent les libertés ? Des démocraties à l'occidentale, avec un débat politique centré sur la politique économique à tenir ? Des démocraties à la turque, où le choix se fait à peu près entre militaires laïques et démocrates musulmans ? Toujours des régimes répressifs, corrompus et pragmatiques à la fois ? Ou bien des théocraties féroces, voulant instaurer la charia ? Il y a déjà des graines plantées pour que ce puisse être chacune de ces alternatives. Et d'ailleurs, l'issue ne sera pas forcément la même partout. Cette grande incertitude explique donc la grande prudence des puissances occidentales, qui estiment que la realpolitik est encore la carte la moins dangereuse à jouer pour l'instant.