Réflexions en cours

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jeudi 26 août 2010

L'Amérique nerveuse à propos de l'islam

La construction d'une mosquée à deux blocs de Ground Zero à New York est l'objet d'une énorme polémique outre Atlantique. Nombreuses sont les voix qui s'expriment contre. Les arguments sont divers. Les plus ardents opposants considèrent que c'est un moyen pour les terroristes de marquer leur territoire après l'attentat du 11 septembre 2001, et qu'il s'agira d'un point de rassemblement pour extrémistes. Mais la liberté de culte est un principe fondateur des Etats-Unis, bien davantage qu'en Europe. Du point de vu des principes, les musulmans doivent pouvoir créer des lieux de cultes où ils le souhaitent. C'est d'ailleurs ce qu'a d'abord dit Barack Obama. Il a ensuite dit qu'il ne commenterait la question de savoir si c'était une chose sage de le faire... laissant entendre que ce n'était peut-être pas le cas. Et c'est cet angle d'attaque qui a été repris par le plus grand nombre, dont le chef des démocrates au Sénat, Harry Reid : selon eux, les musulmans ont le droit de créer une mosquée où ils le veulent, mais devraient comprendre que d'en bâtir une aussi proche de Ground Zero est une mauvaise idée. Peu importe que le lieu soit aussi une opportunité d'échanges culturels, il ne faudrait pas rappeler la religion qui a servi de prétexte à l'attentat qui a traumatisé l'Amérique.

C'est oublier qu'il y a déjà une mosquée à proximité, et que ça ne pose de problème à personne. Et c'est oublier aussi que dans l'Amérique entière, la construction de mosquées est l'objet de manifestations s'y opposant, mettant en avant le contenu de la religion musulmane. Le problème est plus vaste que l'aménagement de New York. La question de l'islam y particulièrement inflammable. Pendant la campagne électorale de 2008, Barack Obama fut constamment "accusé" d'être un musulman secret, via des arguments ridicules. Et depuis deux ans, le nombre de personnes qui y croient réellement a en fait augmenté. Les faits de ce type se multiplient, favorisant une peur globale des terroristes musulmans, contre qui les Etats-Unis luttent en Irak et en Afghanistan. Et l'amalgame avec l'ensemble des musulmans est rapide à faire.

Les musulmans bénéficiaient pourtant d'une situation plus favorable aux Etats-Unis qu'en Europe, et qu'en France notamment. La liberté totale de culte n'est pas soumise à une forte laïcité. D'un point de vu économique, ils sont très bien intégrés, étant aussi riches que la moyenne de la population, et parfois même davantage formés. Leur nombre est plus réduit qu'en France, alors que la population globale est cinq fois plus importante, et avec l'immense territoire américain, ils sont assez bien répartis, évitant les ghettos. Il est donc troublant que les Etats-Unis se posent soudainement des questions vis-à-vis d'eux.

Barack Obama a fait de la réconciliation de l'Amérique avec le monde islamique une des priorités de politique internationale. Pour ce faire, il n'a pas hésité à taper sur la France, dans l'espoir d'apparaître comme un redresseur de torts face à un pays qui se comporterait mal. Il cherche ainsi à forcer l'intégration de la Turquie dans l'Union Européenne ou bien critique l'hexagone pour ses gênes envers le voile islamique ou la burqa. Ici, les éditoriaux pleins de hauteur du New York Times sont abondamment commentés. Mais plutôt que de s'en prendre au comportement d'un allié pour parfaire son image, le meilleur comportement à adopter pour l'Amérique ne serait-il pas de se demander d'abord ce qu'il ne va pas avec eux ?

vendredi 20 août 2010

Georgie : deux ans après

Il y a deux ans, la Georgie fut envahie par la Russie. Celle-ci voulait affirmer "l'indépendance" de l'Ossétie du sud et de l'Abkhazie, dont les mouvements séparatistes gênaient le Président géorgien, Mikheil Saakachvili. Dans les faits, il s'agissait d'une quasi-annexion, faite pour nuire à un pouvoir géorgien qui montrait trop de volontés d'indépendances. La guerre fut rapide dans les forces étaient disproportionnées. La communauté internationale n'a obtenu de cesser le fait qu'après que le mal fut fait. Le gouvernement géorgien est toujours en place, mais est toujours menacé par l'armée russe qui campe à proximité. En fait, en deux années, rien n'a changé.

A un moment controversé, Mikheil Saakachvili est aujourd'hui conforté à son poste suite aux résultats favorables des dernières élections locales. Il fulmine contre l'invasion russe, mais ne peut pas faire grande chose contre. Son seul pouvoir est d'alerter les chancelleries occidentales sur la situation de son pays. Et celles-ci peuvent à loisir méditer ce qui s'est passé. La Russie a ainsi montré qu'elle était prête à lancer des opérations militaires sur des terres étrangères si cela pouvait servir son intérêt national. Cela rappelle les anciennes interventions soviétiques de sinistre mémoire en Hongrie ou en Tchécoslovaquie. Les autres pays de l'ex bloc soviétique ont eux aussi retenu la leçon. Les états baltes, protégés par leur appartenance à l'OTAN, ne sont pas rassurés et aimeraient que les Etats-Unis prennent davantage au sérieux la menace russe. L'Ukraine, minée par une instabilité politique récurrente ces dernières années, a fini par mettre au pouvoir un Président pro-russe. Mais les pays de l'Union Européenne et la communauté internationale dans son ensemble ont vu clair dans ce qu'il s'était passé.

Les indépendances de l'Ossétie du sud et de l'Abkhazie n'ont ainsi été que peu reconnues. Même la Biélorussie, jusqu'à présent allié fidèle de la Russie, ne les a pas reconnues, provoquant la fureur de son ombrageux voisin. Même s'il fut considéré comme imprudent dans les événements d'il y a deux ans, Mikheil Saakachvili est vu favorablement aujourd'hui à l'ouest. De nombreux pays européens apprécient modérément le fait que la Russie fasse tout pour être incontournable dans la fourniture de gaz. La Géorgie, comme voie alternative de fourniture du gaz caucase et d'Asie centrale, est d'autant plus menacé. Les alliés n'accepteraient certainement pas que la souveraineté géorgienne soit davantage mise à mal. Et la Russie, dont les fondements économiques et démographiques ne sont pas grandioses, ne peut se permettre de conflit ouvert. Elle ne reculera pas dans les provinces qu'elle a conquises, mais ne devrait pas pouvoir aller plus loin. Le statu quo est donc bien parti pour perdurer encore de très longues années.

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