Réflexions en cours

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mardi 27 janvier 2009

Les régimes de la haine

La guerre à Gaza aura été le dernier avatar de l'interminable conflit israélo-palestinien. La cohabitation de deux peuples sur un petit territoire est difficile, surtout lorsque dans chacun d'entre eux une partie n'est pas prête à faire de concessions. Cette récente guerre a beaucoup émue, notamment par la disproportion des actions engagées par Israël vis-à-vis du Hamas, les "dommages collatéraux" faisant beaucoup de dégâts sur les équipements civils, et bien entendu sur l'ensemble de la population, alors que les enfants y sont très nombreux en proportion. La situation globale peut sembler désespérée. Il y avait pourtant eu une concession unilatérale qui avait été faite pour améliorer les choses. Les Israéliens avaient démantelé les colonies juives de Gaza, une décision politiquement compliquée, mais nécessaire car ces colonies n'auraient jamais du être fondées. Malheureusement, cette main en avant n'a pas été suivie d'effets, bien au contraire. Les élections législatives palestiniennes ont porté le Hamas en tête, aboutissant in fine au contrôle de la bande de Gaza par ce parti. Le problème est que le Hamas est bien moins enclin à la paix que son adversaire le Fatah. A vrai dire, il ne l'est même pas du tout. Le Hamas est tout simplement une organisation terroriste visant à mettre fin à l'existence d'Israël, et est reconnu comme tel par l'Union Européenne.

Au cours des dernières décennies, de nombreux pays ont vu leurs enjeux politiques changer sensiblement. Dans les régimes issus de la décolonisation notamment, la principale doctrine du pouvoir était une forme de nationalisme, demandant la reconnaissance de l'identité nationale et défendant des intérêts d'Etat. Il pouvait tout à fait y avoir des conflits avec d'autres pays, mais essentiellement sur des bases territoriales ou de ressources. L'armée y était puissante, formant un corps influent sur les questions politiques. Mais progressivement, cela a changé avec l'apparition d'une mouvance religieuse extrémiste cherchant à contrôler l'ensemble de la société. Alors que le caractère musulman de la population n'était jusqu'ici qu'une caractéristique parmi d'autres, le fondamentalisme islamiste a commencé à prendre de plus en plus d'importance, promouvant une société purement religieuse, à l'exclusion de tout autres critères. Avec l'instauration de régimes totalitaires, la sharia devient une loi indépassable, avec une interprétation du Coran particulièrement brutale et rigoriste. Le pouvoir ne considère alors plus les questions politiques que sous l'angle religieux. La population peut bien sûr ne pas s'accorder avec une telle vision des choses, mais la répression de tout questionnement, le lavage de cerveaux et l'endoctrinement des enfants finissent par blesser la capacité de réflexion. En matière de politique étrangère, la possibilité de compromis avec de tels régimes devient très difficile.

L'Iran fut la première à basculer dans un régime religieux autant basé sur l'adoration de Dieu et la haine des non-musulmans. L'Afghanistan des talibans suivit un chemin comparable. Avec le FIS, l'Algérie faillit subir le même sort. Aujourd'hui, le Hamas cherche à étendre son influence et établir la loi islamique sur tout le Proche Orient. Au nord d'Israël, le Hezbollah fait de même. En Irak, la menace représentée par Saddam Hussein a été remplacée par celle d'Al Quaida. Le Pakistan vit constamment avec le danger d'insurrections islamistes. La possibilité que dans chacun des pays où ils agissent, les fondamentalistes religieux l'emportent et s'associent entre eux laisse planer une menace non négligeable pour la paix mondiale. L'extrémisme religieux a une nature semblable à l'extrémisme nationaliste, notamment dans l'aveuglement, la volonté de soumettre tout à sa coupe, la haine d'autrui qui créent des régimes incontrôlables. Cela ne justifie pas forcément des actions militaires systématiques, mais cet état de fait nécessite au moins une vigilance constante.

lundi 19 janvier 2009

Worst President Ever

Demain le nouveau Président des Etats-Unis prononcera son discours d'investiture. La vague marée médiatique constituée par l'événement a déjà commencé. Mais l'on oublie plus facilement que l'arrivée du nouveau Président signifie aussi le départ de l'ancien. Après huit années passées à la Maison Blanche, il est temps pour George Bush de faire le bilan de ses mandats. Il a déjà fait part de sa propre vision des choses lors de plusieurs interviews le mois passé. Il est content de lui. Il le sera probablement jusqu'à sa mort. Mais qu'en est-il vraiment ?

La première fois que les Français ont entendu parler de George W. Bush, il était alors gouverneur du Texas, et les Américains commençaient à parler de lui comme d'un éventuel candidat pour la présidentielle de 2000. La curiosité médiatique se faisait des deux côtés de l'Atlantique sur le fait qu'il dirigeait un grand Etat, et surtout qu'il était le fils de l'avant dernier président, George H.W. Bush. Les histoires de dynastie, si elles laissent songeur sur l'égalité des chances au sein des pays où elles voient le jour, attirent néanmoins journalistes et public dans la mesure où elles sont faciles à raconter et à comprendre, donnant un côté feuilletonnant. Pourtant, George Bush Jr. n'était pas présenté comme la copie exacte de son père. Si celui-ci s'était montré comme un homme d'Etat expérimenté lors de son passage à la vice-présidence et à la présidence, le fils était dès le départ décrit comme quelqu'un de très simple, proche du peuple, facile d'accès, très à droite chez les républicains, et parfois même comme quelqu'un de peu réfléchi voire stupide. Son principal fait d'arme était de signer avec une grande application les nombreuses condamnations prononcées au Texas, refusant toute idée de grâce ou de transformation de peine pourtant utilisées dans d'autres Etats. Lors de sa campagne électorale, il se montra particulièrement peu intéressé par les questions de politique étrangère, préférant proposer des baisses d'impôts et faire valoir ses conceptions évangéliques. Ayant reçu moins de suffrages que son adversaire, Al Gore, il fut élu grâce à la présence d'une majorité de républicains au sein de la cour suprême.

Sa présidence commença avec bien peu d'enthousiasme. Elle se termine avec encore moins d'égards. Jusqu'ici, lorsque l'on évoquait la question de savoir quel était le pire Président des Etats-Unis, on pouvait citer James Buchanan, qui échoua à empêcher la guerre de sécession avant l'arrivée de Lincoln au pouvoir. Il était aussi question de Herbert Hoover, qui ne fit rien contre la crise économique de 1929, la laissant empirer au fil des années. Ou bien également de Richard Nixon, qui fut impliqué dans le scandale du Watergate, et se distingua en faisant démissionner plusieurs figures du système judiciaire pour que les investigations à son encontre prennent fin. Au bout du compte, George W. Bush s'est montré désastreux sur chacun de ces aspects. Il a :

- décidé une guerre sans aucune justification valable. Les preuves de la CIA sur l'existence d'armes de destruction massives en Irak n'existaient pas. Des milliers d'Américains sont morts dans cette volonté, l'Irak a sombré dans le chaos, et la haine contre les Etats-Unis a fortement augmenté au Moyen Orient. Du reste, dans le monde entier le pays est assez mal considéré désormais.

- laissé l'économie de son pays dans un Etat désastreux. La politique de dérégulation systématique montre ses inconvénients. En outre, alors que budget fédéral était excédentaire de sommes colossales à son arrivée, celui-ci est déficitaire dans les mêmes proportions aujourd'hui.

- vu son administration impliquée dans plusieurs scandales judiciaires, tels que l'affaire Valerie Plame, ou bien la mise à l'écart de juges fédéraux sur des bases partisanes. Ce dossier a d'ailleurs entrainé la démission de l'Attorney General, Alberto Gonzales, après une enquête parlementaire où toute l'administration a déclaré ne se rappeler de rien.

George Bush s'est donc montré incompétent dans les domaines militaires, économiques et judiciaires, alors qu'une seule de ces incompétences suffisait jusqu'à présent à discréditer les Présidents précédents les plus mal considérés. Mais la liste des points qui fâche n'est pas terminée pour autant. Il faut également citer la prison d'Abu Ghraib, l'usage de la torture, le camp de Guantanamo, le refus acharné du protocole de Kyoto, la gestion désastreuse de l'ouragan Katrina, ou même le climat excessivement partisan régnant aux Etats-Unis, alors qu'il s'était initialement présenté comme un unificateur.

Au final, parmi les 42 Présidents précédents, on en voit aucun qui ait fait pire que lui. A sa décharge, on peut considérer qu'il a probablement agit avec sincérité tout au long de ces huit années, au contraire de Dick Cheney, son vice-Président à l'influence jusqu'ici jamais vue. Mais être la marionnette de quelqu'un n'excuse rien. L'Histoire juge, plusieurs décennies après. Les chances de George Bush d'apparaître comme un bon Président sont néanmoins très faibles. Evidemment, il doit toujours être possible de faire pire. Cela ne sera pourtant pas évident. Et Barack Obama, sur le point de lui succéder, a toutes les chances de faire mieux. C'est déjà ça.

lundi 5 janvier 2009

Le drame du Zimbabwe a un nom : Mugabe

En juillet dernier, la Banque du Zimbabwe émettait un nouveau billet, à la valeur de 100 milliards de dollars zimbabwéens. Le chiffre de 100 milliards est un montant exceptionnel pour une coupure, qui n'a probablement pas été vu depuis la terrible hyperinflation allemande de 1923. Mais même avec 100 milliards, le pouvoir d'achat demeurait faible : quelques oeufs au moment de l'émission du billet. Et dans les jours qui ont suivi, sa valeur réelle a encore diminué, l'hyperinflation continuant de plus belle. Ces derniers temps, elle a été estimé à 10 millions de pourcents en rythme annuel. La Banque du Zimbabwe a alors décidé de retiré 9 zéros à la monnaie, mais même avec cette nouvelle échelle, le cours du dollar zimbabwéen était de 6 euros pour un milliard à l'automne. Depuis, la monnaie n'existe plus vraiment tellement elle n'a plus de valeur. Les monnaies étrangères l'ont remplacé au Zimbabwe. L'économie s'écroule à la même vitesse que la monnaie. Les salaires des agents publics n'étaient déjà pas toujours payés, mais dans la mesure où ce salaire n'a plus de valeur, cela ne fait plus vraiment de différences. En conséquences, les professeurs ou les policiers ne travaillent plus, tout simplement. Comme le reste de la population, leur premier soucis est de trouver de quoi survivre. Les déficiences en alimentation et en hygiène s'aggravent encore plus qu'auparavant. Le choléra a fait son apparition, et a déjà fait plus d'un milliers de mort.

Le choléra ? Le Président du Zimbabwe, Robert Mugabe, a déclaré que la crise était finie, que son gouvernement l'avait stoppée, qu'il n'y avait plus de choléra très peu de temps après son apparition. Ceux qui continuent d'en mourir seront heureux de l'apprendre. Mais à vrai dire, Robert Mugabe ne se donne même plus la peine d'être convaincant. Le monde entier sait comme lui que la situation catastrophique de son pays est de sa faute. Seulement lui ne s'en préoccupe pas. Du moment qu'il reste à la tête de son pays où il a la possibilité de se servir directement tout ce qu'il veut, le reste l'importe peu. Le Zimbabwe a des institutions d'inspirations démocratiques, malheureusement bien peu suivies dans les faits. Président depuis 21 ans, il doit ses réélections à des fraudes électorales massives, des violences, et parfois, cela ne suffit même pas pour remporter les élections. Ainsi, en mars dernier, lors des élections présidentielles et législatives, les résultats n'ont pas été publiés par le pouvoir. Ils sont pourtant connus par la communauté internationale, et indiquaient une défaite de Robert Mugabe et de ses soutiens tant à la présidentielle que dans les assemblées. Il laissa planer la menace de répressions violentes des opposants, et déclara que seul Dieu pouvait lui retirer le pouvoir.

Pour dire les choses clairement, le Zimbabwe est une dictature, Robert Mugabe un tyran motivé par le pouvoir et l'appat du gain, un homme dépourvu de toute considération éthique. Son régime pratique la torture et la violence, et n'a plus montré depuis longtemps de capacité de politiques visant à améliorer le sort de la population. Bien au contraire, il est la cause directe des maux du pays. Le seul soucis montré par le régime, outre le maintien des dirigeants en place, fut de mener une politique hostile aux agriculteurs blancs, pour des motivations purement raciales. L'idéologie nationaliste déployée par le régime n'a comme conséquence que de détourner les forces économiques du pays, et de prolonger la dégradation de l'économie et les pénuries alimentaires.

Si subitement Robert Mugabe retrouvait la raison, il devrait quitter le pouvoir, accompagnant avec lui ses affidés. Une solution pourrait venir des pays africains, pour qu'ils fassent pression sur le régime et le pousser à organiser de nouvelles élections, régulières cette fois, et respectées par tous. Mais même si les voisins du Zimbabwe venaient à montrer suffisamment de volonté pour faire face à Mugabe, il est peu probable que celui-ci écoute qui que ce soit. Avec une économie en ruine et une catastrophe alimentaire et sanitaire, il est difficile de voir comment la situation pourrait s'aggraver. La base de l'armée zimbabwéenne commence actuellement à ne plus répondre aux ordres, n'étant elle-même plus payer. Il reste à voir si cela peut permettre de mettre fin à ce régime, ou si cela ne va qu'amplifier le chaos. Une guerre doit être évitée, mais si l'on trouve des démocrates arrivant à manoeuvrer pour organiser un putsch pacifique (comme cela est prétendu actuellement en Guinée), ce pourrait être éventuellement une bonne chose.

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