En l'espace de quelques jours, la Corée du Nord a procédé à un essai nucléaire, au tir de missiles balistiques et a déclaré se considérer en état de guerre avec la Corée du Sud. Il n'est pas encore question d'offensives armées à court terme, mais la Corée du Nord se montre particulièrement belliciste, se croyant, dans un délire nationaliste, capable d'affronter seule le monde entier. Son meilleur allié, la Chine, verrait ces mouvements d'un mauvais oeil. Elle ne fait pourtant pas grand chose pour les en empêcher. Les discussions à six entre les deux Corée, la Chine, la Russie, le Japon et les Etats-Unis sont très erratiques. Il y est surtout question d'aides à la population en échange d'apaisement de la part de la Corée du Nord en matière d'armement nucléaire. Il est pourtant difficile de croire que celle-ci abandonnera volontairement l'idée d'avoir sa propre bombe atomique.

Ces derniers soubresauts seraient la conséquence de l'affaiblissement physique du leader de la Corée du Nord, Kim Jong Il. Encore dépourvu d'héritiers, il chercherait à traverser cette passe politique délicate en montrant ses muscles au reste du monde, dans le but de faire diversion. La Corée du Nord ne peut attaquer la Corée du Sud ou le Japon avec des armes conventionnelles. Ce serait signer sa ruine immédiate : les Etats-Unis sont toujours présent au sud de la frontière, et sont prêts à agir en cas d'agressions dans ce genre. Si Kim Jong Il en prenait l'initiative, il verrait son pays envahi sans grande difficulté, et son règne prendrait fin rapidement. Avec la bombe atomique, la Corée du Nord s'exposerait tout autant, mais pourrait faire plus de dégât de son côté. Le rapport de force lui resterait encore défavorable, ce qui, rationnellement, devrait limiter la menace nord-coréenne en la matière. Mais en apparaissant comme un dictateur à moitié fou, que ce soit vrai ou non, Kim Jong Il montre qu'il est au dessus du sens commun, qu'il sera prêt à la destruction de son pays si cela peut l'arranger personnellement.

Comme dans toute négociation, il essaie de profiter au maximum de sa marge d'incertitude, soit le champ de décisions qu'il peut prendre et qui importe à ses interlocuteurs. La Corée du Nord est tellement faible que seule la bombe atomique peut lui servir de carte à jouer. Et en la montrant par intermittence, il essaie d'en tirer le maximum.

Lors de son dernier voyage en Europe, Barack Obama s'était exprimé en faveur de l'élimination de toutes les armes nucléaires dans le monde. C'est en effet souhaitable. Mais bien peu réaliste. La puissance de la bombe atomique est telle qu'elle déséquilibre les rapports de force. Si un seul pays dans le monde en a la maîtrise, il est potentiellement le maître de la terre entière. C'est ce qui c'est vu lorsque les Etats-Unis ont fait plier le Japon en quelques jours sans envahir ses îles principales. Jusqu'à présent, c'est l'équilibre de la terreur qui a permis d'éviter que des armes nucléaires soient à nouveau utilisées. Leur possession est d'autant plus intéressante qu'elles sont rares, car cela voudra dire que les possibilités de ripostes seront moindres. En conséquence, que ce soient pour les grands pays, les petits pays ou les groupes terroristes, la possession d'armes atomiques restera à jamais une tentation séduisante pour servir ses propres intérêts. Et c'est exactement ce que fait la Corée du Nord.