Réflexions en cours

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mercredi 24 octobre 2007

Deux pour le prix d'un

Lorsqu'en 1992, Bill Clinton était candidat à la présidentielle américaine, beaucoup remarquèrent le profil atypique de sa femme. Atypique pour une épouse de politicien, car elle était une brillante avocate d'affaire, une femme indépendante avec ses propres idées politiques. La force de caractère de Hillary Clinton et son envie de changer les choses l'avaient transformé en élément propre de la candidature de Bill, tant et si bien que celui-ci décida d'assumer le fait, en déclarant que voter pour lui serait "en avoir deux pour le prix d'un". Deux leaders unis à la Maison Blanche en fait. Une fois Bill élu, Hillary s'impliqua dans l'administration avec un plan de réforme du système de sécurité sociale aussi ambitieux que voué à l'échec, du fait de l'opposition acharnée des républicains. Hillary resta aux côtés de son mari lorsque celui dut faire face à Monica Lewinski et aux procureurs républicains, et quand le pouvoir de Bill diminuait du fait de son prochain départ de la Maison Blanche, elle commençait à faire campagne pour un poste de sénatrice dans l'Etat de New York, ce qui en fin de compte, ne fut pas une grande surprise. Et dès ce moment là on commença à spéculer sur le fait qu'elle pourrait vouloir revenir à la Maison Blanche en se faisant élire sur son propre prénom. Et sept ans plus tard, nous y voilà.

Hillary Clinton est si connue et tellement considérée comme une candidate inévitable qu'elle domine outrageusement les sondages sur les prochaines primaires démocrates. Bon nombre de médias considèrent même que la course est déjà jouée, mais c'est là une erreur fondamentale. Les primaires peuvent tout à fait réserver une surprise, les exemples de 2004 en étant les derniers et les meilleurs exemples. Il reste que si la campagne pour les primaires a débuté en janvier dernier, Hillary Clinton s'emploie depuis des années à incarner la candidature démocrate pour 2008. Déjà en 2004, son nom avait été évoqué, mais elle savait que c'était trop tôt, après seulement quatre années de présence au Sénat. Barack Obama ferait bien de penser à cela par ailleurs. Sa domination dans les sondages fait que le débat est d'ores et déjà cristalisé autour d'elle, une bonne partie des autres prétendants démocrates faisant l'erreur de l'attaquer plus ou moins frontalement. Mais elle peut compter sur une logistique bien huilée en matière de campagnes électorales, s'appuyant pour cela sur les réseaux qu'a son mari au sein du parti démocrate.

Car la présence de Bill dans le cercle de ceux qui la conseillent n'est pas anodine. Hillary est évidemment la candidate de la continuïté avec la politique de l'administration Clinton entre 1992 et 2000, une période marquée par une forte croissance économique aux Etats-Unis et une paix relative. Bill Clinton avait permis le retour des démocrates au pouvoir en pronant une politique très centriste, dans le sens où les démocrates essayaient de ne pas gêners les conservateurs, qu'ils le soient sur les thèmes sociétaux ou économiques. En faisant partie elle aussi de l'aile droite des démocrates, Hillary Clinton s'attire bien sûr l'hostilité des plus militants. Mais dans le cadre d'une confrontation avec un candidat républicain, cette position sera un avantage indéniable. De plus, la présence de son mari à ses côtés ne pourra que rassurer, car une fois au pouvoir, la surprise sera faible. Si aujourd'hui Hillary Clinton ne répete pas les mêmes mots que son mari en 1992, il ne fait guère de doute que sa candidature joue à nouveau sur la possibilité d'envoyer deux leaders à la Maison Blanche pour le prix d'un.

mardi 2 octobre 2007

Une dictature en Birmanie...

Des moines bouddhistes ont commencé à défiler le mois dernier en Birmanie en signe de protestation contre le régime qui dirige le pays, une junte militaire obsédée par la conservation du pouvoir et la fermeture du pays au reste du pays, en faisant l'un des moins développés de la planète. Comme lors des précédentes protestations, la junte n'a pas tardé à riposter de façon violente, se soldant par la mort de nombreux manifestants, probablement des centaines voire plus, qui étaient pourtant totalement pacifistes. Le régime dictatorial qui opère en Birmanie règne depuis plus d'une quarantaine d'années. Les précédentes révoltes avaient fait suffisamment vaciller le pouvoir pour que des élections libres soient organisées, mais celles-ci, après une victoire massive de l'opposition menée par Aung San Suu Kyi, furent annulées, et depuis la dictature continue. Les liaisons avec la Birmanie sont actuellement pour la plupart coupées, laissant envisager un bain de sang que la junte ne souhaite pas voir trop exposée, au monde entier peut être, à son peuple plus sûrement. Le reste du monde, bien que connaissant ce drame se déroulant en temps réel, est réduit à une certaine impuissance.

Comment pourrait-on intervenir ? Depuis la guerre en Irak, le fait d'intervenir militairement au nom du devoir d'ingérence pour protéger un peuple contre son dictateur apparaît comme une mauvaise idée. De plus, la contestation de la junte suit essentiellement la voie de la non-violence, même si elle doit affronter un régime qui est loin de suivre de tels standards. Pour l'heure, chaque démocrate peut soutenir, au moins par les pensées, le peuple birman, dans son combat et ses souffrances. Des pétitions peuvent être signées, des manifestations devant les ambassades de la Birmanie peuvent être organisées et les prises de paroles contre la répression violente peuvent se succéder, mais la probabilité que tout cela influe sur les agissements de la junte est nulle. Bien sûr, le regard réprobateur de la communauté internationale peut la gêner dans une certaine mesure. Mais d'une façon très mesurée quand même, vu que la situation ne serait pas aussi grave si un simple coup de projecteur aurait suffit par le passé à limiter les dégâts. Le régime en place tente à peine de dissimuler sa nature, c'est surtout vers son propre peuple que se dirige sa volonté de faire régner la terreur et l'obscurantisme. Il est aussi possible d'organiser des pressions diplomatiques sur le gouvernement birman, de limiter le commerce et l'exploitation des ressources du pays par les groupes occidentaux qui ne font que conforter à leur place les soutiens de la dictature ou bien d'organiser des sanctions économiques envers la Birmanie. Mais d'une part, cela a peu de chances de faire changer d'orientation une junte qui préfère avant tout garder un contrôle absolu envers son peuple, dut-il être l'un des plus miséreux au monde. D'autre part, et cela commence à devenir une habitude, la Chine représente à nouveau un obstacle aux tentatives de concertation multilatérale contre de tels drames.

Il reste quand même une douloureuse question qui réapparaît à la lumière de ces événements : comment une telle dictature est-elle possible ? Après tout, ceux qui sont à sa tête ne sont que des hommes, aux capacités physiques semblables à celles des oppressés. Pour pouvoir conserver des tels pouvoirs, ils doivent s'appuyer sur un nombre minimal de personnes qui acceptent de les servir et de leur demeurer loyal. En l'occurrence, il s'agit de l'armée. Les soldats semblent suivre aveuglement les ordres qui leur sont donnés, et pourtant, ils sont issus du reste de la population, dont ils connaissent en conséquence la condition. Il n'y a pas de systèmes de castes dans les sociétés bouddhiques, le régime militaire n'affiche pas vraiment de doctrine idéologique forte qui légitimerait sa présence à la tête du pays, les généraux au pouvoir ne sont pas vraiment des chefs charismatiques capables de manipuler la population, il ne semble même pas y avoir de menace extérieure à la Birmanie, même fantasmée, qui pourrait former une justification au pouvoir militaire. Qu'est-ce qui fait, alors, que les soldats acceptent de maintenir une telle situation, se laisse entraîner par ses généraux quand il faut accomplir un coup d'Etat contre un régime démocratique et commettre des atrocités envers leurs semblables ? Les dictatures sont malheureusement nombreuses à travers le monde, et de telles situations ne sont pas rares. En fait, l'une des conditions même de la démocratie est d'avoir une armée qui accepte de recevoir des ordres de la part des civils qui ont reçu légitimement le pouvoir de la part du peuple. L'un des voisins de la Birmanie, la Thaïlande, connaît également des coups d'Etat réguliers opérés par l'armée quand celle-ci n'apprécie plus les dirigeants en place. Une telle habitude est troublante, mais n'en est pas encore à un tel degré de despotisme que celui qu'a atteint la Birmanie. Le fait que le chef d'Etat birman actuel, Than Shwe, soit devenu dictateur après avoir grimpé dans la hiérarchie militaire rang par rang sous le règne des dictateurs précédents, laisse songeur. Ce schéma, somme toute classique, montre que dans une dictature, aussi dures les souffrances du peuple soient-elle, une partie de celui-ci a intérêt à ce que cette dictature perdure, malgré les liens qui devraient l'attacher à ceux qui souffrent.

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