Réflexions en cours

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jeudi 24 mars 2011

Le retour de Kashima

Suite au derniers événements, le Japon est dévasté. Des villes entières ont été rayées de la carte. La puissance atomique en a profité pour montrer le visage terrifiant qu'elle peut avoir. Le pays doute de son modèle de société. Nous sommes en 1945.

Comme après l'armistice de 1945, le Japon est aujourd'hui face à des défis immenses... et certains d'entre eux sont d'ailleurs les mêmes. Mais c'est justement cette Histoire qui peut lui permettre de redémarrer au plus vite. Pendant l'après guerre, le Japon a connu un baby boom, une très forte croissance économique et l'émergence d'un nouveau modèle de développement. La réussite japonaise était telle que les Etats-Unis se sentaient menacés à la fin des années 80. Pourtant, lors des 20 dernières années, le Japon a semblé prendre un chemin inverse : la croissance économique a laissé place à l'éclatement d'une bulle immobilière, suivie d'une crise déflationniste increvable. La forte baisse de la natalité pousse au vieillissement de la société. Des grands groupes comme Sony font face à de nouveaux concurrents. Le système politique sclérosé a entraîné une instabilité gouvernementale inefficace. Le Japon doutait déjà fortement de lui-même. La catastrophe récente fut en quelque sorte le couronnement de ces difficultés.

Mais cela peut également être le signal du redémarrage. Bien sûr, il faudra d'abord mettre fin aux problèmes de la centrale nucléaire de Fukushima. Le plus dur est quand même passé : si elle avait du explosé à la manière de Tchernobyl, cela aurait eu lieu pendant la première semaine. Avec le temps qui passe, l'enjeu est de calmer doucement les réacteurs. Cela reste un sujet d'inquiétude, mais les principaux enjeux sont ailleurs. Combien de morts pendant le tremblement de terre ? Combien de morts suite au tsunami ? Et en comparaison, combien de morts précisément suite aux troubles de la centrale de Fukushima ?

Aujourd'hui, il faut donc reconstruire. Toutes ces destructions auront des conséquences terribles sur l'économie, et la reconstruction, si elle est entamée rapidement, pourra contrebalancer cela. L'Etat japonais a des atouts dans cette optique. Il est très lourdement endettée, mais comme les Japonais sont de grands épargnants, cette dette est principalement détenue par les ménages. L'inflation n'y existe pas. Il y a donc une solution pour financer de grands projets et relancer l'activité : profiter de cette crise pour que la banque centrale japonaise rachète massivement les titres de dettes de l'Etat, comme l'ont fait les Etats-Unis il y a quelques mois. C'est un facteur d'inflation, mais cela importe peu vu son niveau actuel. C'est surtout un facteur de relance de l'économie via l'afflux de liquidités. Et peut-être que le choc sera un instrument de remobilisation pour la société japonaise, avec à la clé un mini-baby boom.

Dans la mythologie shinto japonaise, les tremblements de terre sont créés par un poisson chat géant, Namazu, qui vit sous le Japon. D'habitude, il est contrôlé par le dieu Kashima. Mais lorsque ce dernier relâche son attention, Namazu en profite pour remuer brusquement sa queue sous la terre, provoquant de terribles destructions, jusqu'à ce que Kashima vienne le remettre au pas. Le Japon a connu de terribles secousses, celles sismiques n'étant que les dernières. Mais c'est justement l'opportunité pour Kashima de revenir, et permettre au Japon de connaître un nouveau départ.

lundi 21 mars 2011

En Libye comme au Kosovo

On a beaucoup parlé de "printemps arabe" à propos des révolutions en Afrique du Nord et dans d'autres pays du Moyen Orient. C'était pourtant l'hiver. C'est désormais le printemps, et les choses se sont maintenant un peu calmées dans le registre des révolutions spontanées voulues par le peuple. Il faut dire que si celles de Tunisie et d'Egypte sont restées à peu près mesurées en terme de violence, celle de Libye s'est transformée en une authentique guerre civile. Une guerre civile qui était sur le point d'être gagnée par le colonel Kadhafi. Paradoxalement, c'est justement la violence de cette répression qui a poussé la communauté internationale à taper du poing sur la table plus fort que pour les cas précédents.

Il est de bon ton ces temps-ci de rappeler que Mouammar Kadhafi fut accueilli en grande pompe à Paris par Nicolas Sarkozy il y a quelques années. L'objectif est de rappeler la compromission de notre Président. Mais c'est aller un peu vite en besogne, et oublier les circonstances de cette réception. Plus personne n'en parle aujourd'hui, mais Nicolas Sarkozy fut partie prenante dans la libération des infirmières bulgares détenues injustement en Libye. L'une des conditions à cette libération fut justement que la France participe, à l'instar d'autre pays, à la réintroduction de la Libye dans le jeu international. Considéré comme pays terroriste dans les années 80, la Libye aurait très bien pu se retrouver dans l'"axe du mal" honni par les Etats-Unis au lendemain du 11 septembre 2001. Mais Mouammar Kadhafi préféra faire profil bas et multiplier les gestes de bonne volonté en direction de la communauté internationale. Il fit preuve d'un certain niveau de transparence quant à son armement et mis de côté toute intention belliqueuse en échange du rétablissement de relations cordiales. Pour tous ceux qui voulaient la paix, cela reste quand même une bonne issue. Et plutôt que de s'en prendre à l'Occident, il préféra jouer un rôle important dans la politique continentale africaine.

Mais tout cela ne tient plus à partir du moment où il utilise la violence pour réprimer sa population. Autant on ne pouvait pas faire la révolution à la place des Libyens (l'expérience irakienne l'a précisément montré), autant on peut se montrer enclin à aider la population libyenne si celle-ci fait face à une répression terrible lorsqu'elle s'engage pour sa liberté. A ce titre là, la situation rappelle un peu ce l'intervention au Kosovo. Bien sûr, les deux cas diffèrent sur de très nombreux points. Mais il reste que pour les Européens, la perspective de voir un peuple massacré si près de chez eux par un pouvoir autoritaire entraîne une réaction. L'intervention aérienne, forme d'engagement militaire qui reste plus légère qu'un débarquement de troupes au sol, est alors un outil pour empêcher un bain de sang. Ce sera bien aux Libyens de reconquérir le pouvoir ensuite. Et dans ce conflit, c'est bien sur leurs épaules qu'est la charge la plus lourde.

dimanche 6 mars 2011

Assassinats au Pakistan

Salmaan Taseer, le gouverneur du Penjab au Pakistan, a été assassiné il y a deux mois par son propre garde du corps. Shahbaz Bhatti, ministre pakistanais des minorités religieuses, a été assassiné il y a quelques jours. Tous les deux étaient des opposants à la loi sur la blasphème ayant cours au Pakistan. Mise en place en 1986, cette loi sanctionne quiconque insulte la religion musulmane, les peines allant de l'amende à la peine de mort, pour ceux insultant Mahomet. Insulter le Coran vaut la prison à vie. Elle permet également de rejeter en dehors de la société une communauté qui se dit musulmane mais considère que Mahomet n'est pas le dernier prophète. Entrave révoltante à la liberté d'expression et de religion, cette loi est pourtant populaire au Pakistan. Là-bas, la religion musulmane n'est pas une mince affaire. Le pays s'est scindé de l'Inde du fait de la différence de religion, et les tensions entre les deux nations persistent. Les violences religieuses y sont fréquentes, il faut dire que ses autres voisins sont l'Iran et l'Afghanistan. Le Pakistan est une base arrière des talibans, et leur influence s'y fait sentir. Le précédent chef de l'Etat, Pervez Musharraff, admettait que l'argent envoyé par les Américains pour combattre les talibans allait dans l'équipement militaire afin de faire face à l'Inde.

Au vu de tout cela, les perspectives sont sombres. En France, on reste limité à condamner ces crimes, et à inciter diplomatiquement le Pakistan à punir les coupables et changer ses lois. Le Pakistan (comme la Libye d'ailleurs) aurait pu être ciblé par la guerre contre le terrorisme de George Bush, mais le pays a préféré coopérer, au moins de façade, avec les Etats-Unis (là encore comme la Libye). Les occidentaux restent donc saisis par l'horreur de ces crimes et de ces mentalités. Certains se demandent comment les Pakistanais ont pu en arriver là. Leur idéologie est mise en cause.

"Il faut arrêter de faire peur aux Français avec l'Islam" a dit récemment Rachida Dati. Elle a raison, faire peur n'amène rien. En France, les musulmans sont très majoritairement pacifistes, respectueux de la religion des autres et vivent de la même manière que les autres Français. C'est justement le cas de Rachida Dati, parmi bien d'autres. Mais il n'est pas certain qu'il y ait une volonté consciente de faire peur sur l'Islam. Il y a les anecdotes vécues quelques fois dans la vie quotidienne, lorsqu'on croise par exemple dans la rue une femme en burqa, ou que l'on croise quelqu'un qui a une vision peu tolérante de la religion. Il y a les polémiques, dont en entend parler dans les médias nationaux ou régionaux. Le barbu qui ne veut pas que sa femme soit examiné par un homme, les femmes qui obtiennent des piscines non mixtes, etc.

Mais ces épiphénomènes ne seraient que peu de choses s'il n'y avait pas tous ces témoignages de pays musulmans où le fondamentalisme semble prévaloir, où la violence commise au nom de l'Islam perdure. Voilà la vraie source des peurs de bien des Français : la crainte d'être touché un jour par les conflits qui sévissent dans d'autres pays du monde. Là encore, il est difficile de faire quelque chose de l'extérieur. Le sujet concerne surtout les musulmans modérés.

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