Salmaan Taseer, le gouverneur du Penjab au Pakistan, a été assassiné il y a deux mois par son propre garde du corps. Shahbaz Bhatti, ministre pakistanais des minorités religieuses, a été assassiné il y a quelques jours. Tous les deux étaient des opposants à la loi sur la blasphème ayant cours au Pakistan. Mise en place en 1986, cette loi sanctionne quiconque insulte la religion musulmane, les peines allant de l'amende à la peine de mort, pour ceux insultant Mahomet. Insulter le Coran vaut la prison à vie. Elle permet également de rejeter en dehors de la société une communauté qui se dit musulmane mais considère que Mahomet n'est pas le dernier prophète. Entrave révoltante à la liberté d'expression et de religion, cette loi est pourtant populaire au Pakistan. Là-bas, la religion musulmane n'est pas une mince affaire. Le pays s'est scindé de l'Inde du fait de la différence de religion, et les tensions entre les deux nations persistent. Les violences religieuses y sont fréquentes, il faut dire que ses autres voisins sont l'Iran et l'Afghanistan. Le Pakistan est une base arrière des talibans, et leur influence s'y fait sentir. Le précédent chef de l'Etat, Pervez Musharraff, admettait que l'argent envoyé par les Américains pour combattre les talibans allait dans l'équipement militaire afin de faire face à l'Inde.

Au vu de tout cela, les perspectives sont sombres. En France, on reste limité à condamner ces crimes, et à inciter diplomatiquement le Pakistan à punir les coupables et changer ses lois. Le Pakistan (comme la Libye d'ailleurs) aurait pu être ciblé par la guerre contre le terrorisme de George Bush, mais le pays a préféré coopérer, au moins de façade, avec les Etats-Unis (là encore comme la Libye). Les occidentaux restent donc saisis par l'horreur de ces crimes et de ces mentalités. Certains se demandent comment les Pakistanais ont pu en arriver là. Leur idéologie est mise en cause.

"Il faut arrêter de faire peur aux Français avec l'Islam" a dit récemment Rachida Dati. Elle a raison, faire peur n'amène rien. En France, les musulmans sont très majoritairement pacifistes, respectueux de la religion des autres et vivent de la même manière que les autres Français. C'est justement le cas de Rachida Dati, parmi bien d'autres. Mais il n'est pas certain qu'il y ait une volonté consciente de faire peur sur l'Islam. Il y a les anecdotes vécues quelques fois dans la vie quotidienne, lorsqu'on croise par exemple dans la rue une femme en burqa, ou que l'on croise quelqu'un qui a une vision peu tolérante de la religion. Il y a les polémiques, dont en entend parler dans les médias nationaux ou régionaux. Le barbu qui ne veut pas que sa femme soit examiné par un homme, les femmes qui obtiennent des piscines non mixtes, etc.

Mais ces épiphénomènes ne seraient que peu de choses s'il n'y avait pas tous ces témoignages de pays musulmans où le fondamentalisme semble prévaloir, où la violence commise au nom de l'Islam perdure. Voilà la vraie source des peurs de bien des Français : la crainte d'être touché un jour par les conflits qui sévissent dans d'autres pays du monde. Là encore, il est difficile de faire quelque chose de l'extérieur. Le sujet concerne surtout les musulmans modérés.