On a beaucoup parlé de "printemps arabe" à propos des révolutions en Afrique du Nord et dans d'autres pays du Moyen Orient. C'était pourtant l'hiver. C'est désormais le printemps, et les choses se sont maintenant un peu calmées dans le registre des révolutions spontanées voulues par le peuple. Il faut dire que si celles de Tunisie et d'Egypte sont restées à peu près mesurées en terme de violence, celle de Libye s'est transformée en une authentique guerre civile. Une guerre civile qui était sur le point d'être gagnée par le colonel Kadhafi. Paradoxalement, c'est justement la violence de cette répression qui a poussé la communauté internationale à taper du poing sur la table plus fort que pour les cas précédents.

Il est de bon ton ces temps-ci de rappeler que Mouammar Kadhafi fut accueilli en grande pompe à Paris par Nicolas Sarkozy il y a quelques années. L'objectif est de rappeler la compromission de notre Président. Mais c'est aller un peu vite en besogne, et oublier les circonstances de cette réception. Plus personne n'en parle aujourd'hui, mais Nicolas Sarkozy fut partie prenante dans la libération des infirmières bulgares détenues injustement en Libye. L'une des conditions à cette libération fut justement que la France participe, à l'instar d'autre pays, à la réintroduction de la Libye dans le jeu international. Considéré comme pays terroriste dans les années 80, la Libye aurait très bien pu se retrouver dans l'"axe du mal" honni par les Etats-Unis au lendemain du 11 septembre 2001. Mais Mouammar Kadhafi préféra faire profil bas et multiplier les gestes de bonne volonté en direction de la communauté internationale. Il fit preuve d'un certain niveau de transparence quant à son armement et mis de côté toute intention belliqueuse en échange du rétablissement de relations cordiales. Pour tous ceux qui voulaient la paix, cela reste quand même une bonne issue. Et plutôt que de s'en prendre à l'Occident, il préféra jouer un rôle important dans la politique continentale africaine.

Mais tout cela ne tient plus à partir du moment où il utilise la violence pour réprimer sa population. Autant on ne pouvait pas faire la révolution à la place des Libyens (l'expérience irakienne l'a précisément montré), autant on peut se montrer enclin à aider la population libyenne si celle-ci fait face à une répression terrible lorsqu'elle s'engage pour sa liberté. A ce titre là, la situation rappelle un peu ce l'intervention au Kosovo. Bien sûr, les deux cas diffèrent sur de très nombreux points. Mais il reste que pour les Européens, la perspective de voir un peuple massacré si près de chez eux par un pouvoir autoritaire entraîne une réaction. L'intervention aérienne, forme d'engagement militaire qui reste plus légère qu'un débarquement de troupes au sol, est alors un outil pour empêcher un bain de sang. Ce sera bien aux Libyens de reconquérir le pouvoir ensuite. Et dans ce conflit, c'est bien sur leurs épaules qu'est la charge la plus lourde.