Réflexions en cours

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mercredi 27 juin 2007

Les présidentielles américaines de 2008

A peine les mid-terms elections étaient elles passées lors de l'automne dernier que le principal sujet de politique intérieure américaine devint la présidentielle suivante, devant se dérouler en novembre 2008. A environ un an et demi de l'échéance, la course commence à être déjà bien entamée. Avant les mid-terms, la question était déjà un sujet de spéculation. Dès qu'elles se furent achevées, elle ne relevat plus du tabou trop précoce, au contraire, alors que les journalistes ne se préoccuppaient plus que de cela. Les candidats ont alors commencé à suivre les étapes consacrées de la course. D'abord en lançant des comités exploratoires, pour préparer la candidature. Puis, les déclarations de candidatures se sont rapidement enchaînées au début de l'année 2007. L'idée est de pouvoir se lancer dans les nécessaires levées de fond pour pouvoir se constituer un trésor de guerre à utiliser pendant les étapes coûteuses des primaires, où des écrans publicitaires sont achetées dans les Etats clés. Ainsi, la principale mesure des avancées de chacun réside dans les déclarations trimestrielles de fundraising. Après tout, c'était de cette façon que Bill Clinton avait gagné les primaires en 1992 : en se concentrant d'abord massivement sur le fundraising, qui lui permettrais de ne pas être à sec au moment crucial par la suite. Mais cela n'est pas tout : il s'agit aussi de se constituer une base militante, de créer des têtes de pont dans les importants Etats de l'Iowa et du New Hampshire et de s'imposer parmi les candidats les plus en vus pour que l'on soit très reconnu de l'électorat. Plusieurs débats entre candidats de chaque camp ont déjà commencé sur les chaînes d'information américaines. A ce niveau de la course, certains candidats comme Al Gore ou Newt Gingrich peuvent encore y entrer. Tom Vilsack l'a déjà quittée après s'être lancé, faute de perspectives favorables. A l'automne, les candidats pourront commencer la campagne intensive dans les Etats dont les primaires arrivent le plus tôt. Au début de 2008, les candidats viables se détacheront nettement, et il n'en restera qu'un par parti dès le printemps. A partir de l'été commence la campagne entre républicains et démocrates.

Du côté de ces derniers, cela se joue actuellement d'abord entre Hillary Clinton et Barack Obama. L'ex-Première Dame est la favorite, mais elle a de très nombreux ennemis, tant du côté des anti-guerres que des républicains qui ne lui ont pas pardonné son plan de sécurité sociale de 1993. De son côté, Barack Obama s'est lancé, fort d'une grande popularité. Alors qu'il a la faveur des médias, il apparait pourtant jeune et surtout peu expérimenté pour une telle fonction. Ils sont suivis de John Edwards, l'ancien candidat à la vice-présidence qui tente une candidature anti-système et assez libérale, puis de Bill Richardson, le gouverneur du Nouveau Mexique qui lui a de l'expérience à revendre dans tous les domaines. Viennent enfin de nombreux petits candidats très respectables pour la plupart, mais aux chances limités. Ce sont par exemple les sénateurs Joe Biden et Christopher Dodd.

Chez les républicains, les primaires semblent se jouer actuellement entre trois candidats : John McCain, l'une des plus importantes figures du sénat depuis sa candidature remarquée en 2000, Rudy Giuliani l'ancien maire de New York au moment du 11 septembre 2001, et Mitt Romney, le gouverneur du Massachussets aux multiples succès personnels, mais qui attire la curiosité du fait qu'il est mormon. Après tout, son père avait également été candidat en son temps, mais la candidature de Mitt Romney apparait comme bien plus sérieuse, dans la mesure où ses performances en matière de fundraising sont particulièrement notables pour un relatif inconnu. Il a même déjà commencé à diffuser des publicités en sa faveur sur les chaînes du câble. Pendant ce temps, Rudy Giuliani bénéficie d'excellents sondages... s'il obtient l'investiture, ce qui n'est pas gagné vu ses positions assez libérales en matières de moeurs. Quant à John McCain, son soutien répété de la guerre et son âge l'handicapent fortement alors qu'il était autrefois considéré comme le favori. Il y a aussi Mike Huckabee, un enthousiaste gouverneur de l'Arkansas, comme le fût Bill Clinton en son temps... et il y a même un acteur de série télévisée, en la personne de Fred Thompson

Actuellement, au vu des difficultés de George Bush et de son popularité abyssale, les démocrates apparaissent comme ceux qui ont le plus de chance d'accéder à la Maison Blanche. Un ticket Hillary Clinton/Barack Obama pourraît être séduisant pour beaucoup, même si trop novateur. Il n'y a de toutes façons, et c'est une évidence, aucun candidat sans point faible. A la lumière de l'élection de 2004, on peut s'attendre à une campagne très dure, et chacun de ces points faibles sera exploité sans pitié au profit du camp adverse. Les Etats-Unis ont de toutes façons d'ores et déjà trop souffert de huit années de présidence de George Bush, et ce sera difficile de faire pire à vrai dire.

mardi 19 juin 2007

La realpolitik de Kissinger

Dans son livre Diplomatie, Henry Kissinger retrace l'opposition qu'il perçoit à travers le temps entre une approche idéaliste de la diplomatie, et une approche réaliste. Sa thèse, en fin de compte, est plutôt simple : pour que la paix règne, il est illusoire de compter sur les grands principes moraux, ils poussent surtout à s'enferrer dans les situations les plus internables. Il est bien plus efficace en revanche de s'appouyer sur les intérêts de chaque nation, car ils permettent de trouver plus facilement des accords, ou plutôt des points d'équilibre. Le modèle de diplomate de Henry Kissinger s'appelle ainsi le prince de Metternich. Celui-ci représentait l'Autriche au Congrès de Vienne à la fin des guerres napoléoniennes, et il batit un équilibre des forces entre les puissances européennes tel que la paix fut sauvegardée pendant plusieurs décennies par la suite, ce qui relevait de l'exploit au vu des antagonismes qui séparaient chaque nation. Selon l'analyse de ce système faite par Henry Kissinger, l'équilibre des forces et la prédictabilité des intérêts nationaux étaient la clé de voute de raisonnements dissuadant chacun de se lancer dans la guerre, au vu des risques en terme de gains et de pertes. Ce n'est qu'avec Bismarck que cette logique fut vraiment brisée, laissant la porte ouverte aux nationalismes à travers l'Europe, et par leur biais, aux revendications absolues, idéalisées, éloignées du pragmatisme qui fait les succès diplomatiques.

Dans la politique étrangère américaine, Henry Kissinger loue Theodore Roosevelt pour ses visions internationales qui le classent justement du côté des réalistes, et met l'engagement des Etats-Unis dans la première guerre mondiale sur le compte de l'idéalisme de Woodrow Wilson. C'est ce même idéalisme qui serait à l'origine de la création de la Société des Nations, où est placé le concept de paix avant tout. Henry Kissinger semble méfiant envers de telles organisations, car cet idéalisme se révèle être un handicap lorsqu'il s'agit de négocier avec des puissances hostiles, comme l'a montré le déclenchement de la deuxième guerre mondiale. Il ne croit pas vraiment que l'on puisse s'appuyer sur un intérêt mondial, et préconise davantage de jouer sur les intérêts propres à chaque pays pour trouver un consensus. C'est à travers ce prisme que Henry Kissinger a conseillé Richard Nixon et Gerald Ford dans le domaine de la politique étrangère des Etats-Unis. Pour faire face au danger de la puissance soviétique, plutôt que de passer par la confrontation frontale, il a souhaité porter la lutte sur des théatres de combats d'importance relative, pour éviter l'expansion de l'influence russe. Il a surtout opéré le rapprochement avec la Chine communiste, et à ce titre le voyage de Richard Nixon à Pékin pour voir Mao Zedong est le modèle de coup diplomatique voulu par Henry Kissinger au nom de politiques réalistes. Le but des Etats-Unis était de limiter l'expansion russe, et pour cela, il fallait montrer à l'URSS qu'ils étaient prêts à faire face à toute menace provenant d'eux. C'est ainsi que l'équilibre des forces nucléaires est valorisée comme étant un élément qui a permis que la guerre ne se déclenche jamais. Il se trouvait aussi que la Chine et les Etats-Unis avaient des buts communs en voulant contrôler l'expansion soviétique. Le réalisme fût donc pour les Etats-Unis d'oublier que la Chine était communiste, que Mao était responsable de millions de morts, pour rétablir des relations diplomatiques entre les deux pays et laisser ainsi sous entendre qu'ils étaient des alliés implicites face à l'URSS. Dans le contexte de la guerre du Vietnam où les Viet-congs étaient soutenus par les soviétiques, cela comptait évidemment.

Seulement, pour que le modèle "réaliste" puisse fonctionner, il faut que chaque pays se montre raisonnable dans le calcul de ses espérances. De nos jours par exemple, il est quasiment impossible de négocier quoi que ce soit avec les islamistes, où même de trouver un modus vivendi implicite avec eux, lorsque ceux-ci sont obnubilés par des questions religieuses qui ne se posent qu'en des termes absolus. Il faut de toute façon être conscient que la realpolitik amène des relations diplomatiques où la tension est constante entre les pays, l'important étant de toujours rester dans des limites acceptables pour la survie même des entités. Et avec les technologies actuelles, les destructions vont vites. Enfin, la realpolitik peut facilement être qualifiée de cynique, dans le sens où les résultats comptent bien plus que les moyens, et que les résultats sont mesurés à l'aune de l'intérêt national plutôt qu'à une quelconque morale. Cela peut mener à tous les excès en terme de manipulations et de coups, si l'intérêt est présent et le risque calculé. Henry Kissinger est ainsi souvent accusé d'être à l'origine de nombreuses opérations moralement scandaleuses à travers le monde, qui n'eurent comme seul but de servir les intérêts américains. La plus célèbre d'entre elles étant bien sûr le coup d'Etat opéré par le Général Pinochet contre Salvador Allende, qui avait accedé au pouvoir au Chili de façon démocratique. Il reste néanmoins qu'une vision de l'ordre mondial fondée sur les intérêts nationaux de chacun et l'équilibre des forces entre chaque protagoniste demeure opérante dans les relations internationales.

dimanche 3 juin 2007

Le biais de Fox News

Aux Etats-Unis, la chaîne d'informations la plus regardée est Fox News. Conçue dès sa création, dans les années 90, pour être très spectaculaire dans son approche de l'information, elle a réussi à attirer un certain public qui était insatisfait avec l'offre d'informations présente. Des émissions comme The O'Reilly Factor (animée par Bill O'Reilly), Hannity & Colmes ou The Big Story (de John Gibson) attirent aujourd'hui un public nombreux à l'échelle du câble américain, et le traitement de sujets largement people ou très polémiques donne une couleur "infotainment" (le divertissement en même temps que l'information) à l'antenne qui se révèle être payante. Ce n'est clairement pas la chaîne de la rigueur journalistique, et loin d'être une référence, elle n'en reste pas moins visiblement appréciée. Seulement, l'accusation de vanité n'est pas la seule qui lui est reprochée : à cela s'ajoute celle de partialité. Il a même été fait un film documentaire sur le sujet : Outfoxed, qui montre le biais conservateur qui est le lot de la chaîne à longueur de journée. A vrai dire, ce film n'était pas forcément nécessaire, tant cette partialité est flagrante. Bill O'Reilly et John Gibson annoncent fréquemment leurs positions personnelles, qui sont presque toujours celles des républicains, à un tel point que parfois la limite de la malhonnêteté intellectuelle est franchie. Dans Hannity & Colmes, les deux présentateurs sont de bords différents pour donner en théorie un équilibre à l'émission, mais le conservateur Sean Hannity est éloquent et ressemble au gendre idéal, lorsque Alan Colmes apparaît comme beaucoup moins attirant et plus fade. Même dans l'émission matinale Fox & friends, les présentateurs évoquent avec légèreté les dernières informations, et souvent avec des commentaires ironiques à propos des positions démocrates. D'une manière générale, il est impossible d'ignorer le biais de la chaîne : Fox News est une chaîne républicaine, ce qui au fond est logique, dans la mesure où elle est la création du très conservateur magnat de la presse Rupert Murdoch.

Dès lors, cette partialité représente moins un problème que ce que veulent le faire croire ceux qui la dénoncent. Regarder cette chaîne est insupportable pour ceux qui particulièrement démocrates, et les indépendants savent bien quelle est la part de partialité dans le traitement de l'information de la chaîne. Dans tous ces cas de partialité des journaux ou des émissions, il ne faut pas prendre le lecteur ou le téléspectateur pour un idiot incapable de faire la part des choses. Il est absurde de vouloir infantiliser l'audience en considérant qu'elle est trop stupide pour se faire sa propre idée lorsqu'elle fait face à une information partiale. Car si on en arrive à un tel point que la source d'information est trop biaisée, le téléspectateur/lecteur/auditeur arrêtera de la regarder/lire/écouter, ou bien le fera quand même tout en gardant à l'esprit le biais qui colore l'information. La question se pose de la même façon, même si moins prononcée, pour les médias français. Le Figaro et le Point sont de droite, Libération et le Nouvel Observateur de gauche, il est vain de critiquer cela, ces prises de positions entrent même dans la liberté d'expression. Quant aux émissions de télévision, TF1 diffuse le Droit de Savoir qui est souvent de droite, lorsque Canal Plus diffuse les Guignols de l'Info qui sont particulièrement à gauche. Si l'un pose problème, alors c'est aussi le cas pour l'autre.

Dans le cas de Fox News, ce qui est le plus choquant, c'est que la chaîne se présente comme fair and balanced (juste et équilibrée) alors que ce n'est manifestement pas le cas. Elle a parfaitement le droit d'être conservatrice, mais le nier est une profonde hypocrisie, surtout que le slogan est répété plusieurs fois par jour. Il ne peut toutefois tromper personne tellement le biais est flagrant. En fait, le slogan est surtout conçu en réaction vis-à-vis de ce qui est perçu par une partie des Américains comme un biais libéral de la part des médias qui se disent neutres. Alors en effet, Fox News est certainement moins libéral. Et cela reflète le point de vue de toute une partie des Etats-Unis, qui est beaucoup plus rurale et conservatrice que les élites des côtes. Le succès de la chaîne vient en grande partie de cela : elle propose une ligne éditoriale qui plait à une Amérique conservatrice qui se sentaient délaissés par l'offre traditionnelle d'informations, perçue comme trop à gauche. Ainsi Fox News apparaît comme ce qu'elle est : une chaîne biaisée qui ne touche en fin de compte que des convaincus.

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