Réflexions en cours

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dimanche 19 novembre 2006

La doctrine Monroe

En 1823, le président américain James Monroe affirmait que le continent américain entier relevait uniquement de l'influence des Etats-Unis dans le sens où toute tentative d'intervention européenne en Amérique du Sud était exclue. En 1904, Theodore Roosevelt ajouta son propre corollaire à cette doctrine : les Etats-Unis auraient désormais le droit d'intervenir en Amérique latine pour défendre ses intérêts. Ainsi, si le premier mouvement était une marque d'hostilité au colonialisme des Européens, le second établit de fait un certain protectorat sur les pays latins. C'est ainsi une certaine forme de cynisme qui est mise en avant, dans la mesure où les grands idéaux de la liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes mis en avant pour justifier une politique est bafouée pour justifier son prolongement.

C'est par de tels procédés que les Etats-Unis ont été amenés à avoir les mains sales dans biens des pays d'Amérique latine et centrale. La paranoïa des administrations américaines à propos de l'extension du communisme les a amenés à financer les opposants les plus douteux à la cause du socialisme d'Etat. En pratique, cela s'est traduit par des guérillas entre pouvoir en place et rebelles, l'un étant soutenu par les Etats-Unis, l'autre par l'URSS, dans des conflits toujours particulièrement répugnants. Il faut dire que ce ne fut pas l'apanage de l'Amérique latine, de tels affrontements ayant eu lieu dans de très nombreux pays à travers le monde dans le cadre de la guerre froide. Dans le cas des ingérences des Etats-Unis dans son continent, les exemples sont édifiants. La manoeuvre la plus célèbre et la plus décriée fut le support de la CIA au coup d'Etat réalisé par le Général Pinochet contre Salvador Allende au Chili en 1973, établissant au passage une dictature militaire. Il y en d'autres, et le soutien de l'administration Reagan aux contre-révolutionnaires du Nicaragua en est un symbole. Mais c'est évidemment Cuba qui reste un point toujours épineux, vu comment les Présidents américains qui se sont succédés ont toujours été nerveux d'avoir un régime hostile proche de la Floride. Lors de l'arrivée de Fidel Castro, le tort des communistes étaient avant tout de remettre en cause les intérêts commerciaux américains dans le pays, et c'est ce qui a donné lieu à la pitoyable expédition de la Baie des Cochons. Puis lorsque le régime cubain s'est allié aux Soviétiques, la crise des missiles de Cuba a légitimé cette inquiétude. En fin de compte, il y a eu un certain consensus implicite : Cuba ne serait le théâtre de mouvements militaires pour aucun des deux super puissances.

Mais l'effondrement du bloc soviétique a beaucoup changé la donne. Il est désormais difficile de suspecter les pays socialistes d'Amérique latine de danger mortel pour les Etats-Unis. Mais curieusement, ces derniers les prennent toujours autant au sérieux. C'est en particulier le cas pour Hugo Chavez. Celui-ci, dirigeant du Venezuela, un pays riche en pétrole, énerve fortement l'administration Bush par ses rodomontades, la proximité affichée avec le régime de Fidel Castro, ses quelques tentatives de créer une coalition diplomatique anti-US en Amérique latine ou bien par sa volonté d'insulter George Bush en prenant tout le monde à témoin, comme lorsqu'il décide de fournir du fuel aux citoyens des Etats-Unis les plus modestes. Ce qui constitue une volonté d'humiliation, en tentant de montrer que le Venezuela, pays pauvre, est obligé de venir en aide à la population d'un pays riche.

Hugo Chavez est un vrai souci pour les Etats-Unis, alors qu'il est très loin de Mahmoud Ahmadinejad ou de Kim Jong-Il dans le danger effectif. En fait, les Etats-Unis ne souffrent pas la contestation, y compris lorsqu'elle vient d'un petit pays. Le fait que le Venezuela se trouve dans la zone concernée par la Doctrine Monroe et le corollaire Roosevelt est une circonstance aggravante. Mais vis-à-vis d'une menace nulle, plutôt que de reprocher à un pays ses remarques hostiles, pourquoi ne pas essayer de montrer qu'elles ne sont pas justifiées ?

jeudi 16 novembre 2006

Double nationalité

Les franco-algériens sont de plus en plus mal vus. Alors que la société française est décrite par certains comme raciste, cette phrase s'applique en fait à l'Algérie. En effet, les conditions de la double nationalité devraient être revues dans un pays qui voient dans ceux qui en disposent comme des émissaires des intérêts français. Ainsi, le Président algérien Abdelaziz Bouteflika souhaite que ceux qui ont à la fois la citoyenneté algérienne et celle d'un autre pays fasse un choix, et en particulier si l'autre nationalité est celle française. Car après avoir obtenu son indépendance, l'Algérie semble avoir un grand besoin de se constituer une identité nationale, et en l'occurrence celle-ci se fait contre la France, étant donné que c'est le plus facile. On voit ainsi que les Franco-Algériens se plaignent de discriminations en France, et ne sont pas les bienvenus en Algérie. Vouloir garder une attache française veut dire refuser son "algérianité" outre Méditerranée selon le mouvement actuel, et l'Algérienne Assia Djebar fut même raillée quand elle entra à l'Académie Française, pour sa supposée soumission. Zinedine Zidane lui-même fut aussi regardé de haut par le pouvoir en place, pour ne pas avoir mis ses talents pour l'Algérie (bien qu'il n'ait que la seule nationalité française, ses parents sont d'origines algériennes). Mais devant la ferveur populaire algérienne en faveur du joueur français, Abdelaziz Bouteflika a préféré faire croire que Zinedine Zidane était toujours algérien, en organisant un voyage à la gloire du footballeur, et par ricochet du Président algérien.

Si les relations semblent encore difficiles avec l'Algérie, la question de la double-nationalité est posée : ceux qui en bénéficient déclarent se sentir comme appartenant également à deux pays. Pourtant, ce double choix est vu comme un non-choix par les pays concernés, que ce soit par leurs gouvernements ou leurs populations.

jeudi 9 novembre 2006

La campagne électorale des mid-terms

Les élections de mi-mandats aux Etats-Unis ont vu les républicains défaits par les démocrates, qui ont repris le contrôle du Sénat comme de la Chambre des représentants, ce qui n'était pas arrivé depuis 1994. Les motifs de mécontentement des électeurs américains étaient nombreux : guerre en Irak évidemment, mais aussi scandales sexuels, corruption, débats moraux sur les cellules souches, usage de la torture, respect des libertés individuelles, économie et thématiques locales... tout cela a favorisé un vote démocrate fort, qui s'apparentait davantage à une sanction de pouvoir en place. La législature précédente avait failli à contrôler efficacement l'exécutif, alors que c'est précisément son travail. Les représentants s'étaient d'ailleurs faits remarquer par leur faible présence au Congrès ces deux dernières années.

Mais il n'y avait pas que des représentants et des sénateurs à élire, chaque électeur pouvait voter pour un bon nombre de décisions à prendre, comme les éventuelles élections de gouverneurs, de maires, de députés ou sénateurs d'état, ainsi que de nombreux postes plus ou moins locaux, sans oublier les nombreux référendums sur lesquels les citoyens avaient à se prononcer. A ce titre, il faut remarquer la façon dont s'est déroulée la campagne électorale. Aux Etats-Unis, elle est longue, précédée plusieurs mois en avance par la campagne des primaires entre les différents candidats aux investitures démocrates ou républicaines pour un même poste. Mais elle est surtout complètement dominée par des questions d'argent, vu les sommes folles nécessaires pour financer chaque campagne si jamais elle est disputée. La compétition se transforme souvent en une épreuve de levée de fonds, ce qui l'éloigne des électeurs.

En effet, si elle a une influence énorme sur le monde entier, les Américains se désintéressent beaucoup de la politique de leur pays. Les taux d'abstentions sont bien pires qu'en France, surtout pour les élections de mi-mandats, où il n'y a pas l'enjeu de la présidentielle pour attirer les électeurs. En conséquence, la politique n'attire pas forcément les téléspectateurs, et dans leurs tranches d'informations, elle est traitée de façon assez distante par les grands réseaux de chaînes télévisés. Certes, la politique est bien plus présente sur les chaînes continues d'informations, mais on est plus dans le cadre de l'information généraliste. De ce fait, pour apparaître à la télévision devant le plus grand nombre, les candidats doivent dépenser des sommes immenses en publicités télévisées, pratique autorisée outre Atlantique au nom de la liberté d'expression. Avant même les primaires, la viabilité d'un candidat est donc mesurée aux sommes qu'il arrive à lever par divers moyens : riches particuliers, petits dons d'anonymes, dîners avec des personnalités, ou bien financement par des lobbys. Cette dernière possibilité est la plus navrante, mais c'est pourtant la plus efficace : de nombreux groupes de pressions font le maximum pour faire passer leurs vues et les intérêts de leurs clients dans la législation américaine. La frontière avec la corruption n'est vraiment pas loin, mais c'est comme cela que ça marche là bas.

Dans ces publicités, les candidats font d'abord la promotion de leur personne, pour se faire connaître et apprendre aux électeurs les qualités qui les caractérisent. Des sondages serrés ou franchement mauvais incitent ensuite à adopter un autre angle, celui de l'attaque personnelle envers le concurrent. A ce titre, à peut prêt toutes les accusations sont permises : soumission aux lobbys justement, incompétence, irrésolution, absence de service dans l'armée, mensonges, le fait d'être proche d'une personnalité impopulaire (en l'occurrence cette année, les républicains essayaient de se distancer de George Bush), petite vertu, infidélité au sein du mariage, racisme... la liste est vraiment sans fin. Et ce sont ces attaques que les candidats s'échangent par publicités interposées, à une fréquence qui devient infernale plus les élections approchent, rendant rares les publicités pour les produits de grande consommation. Cette année, les dépenses engagées dans les publicités télévisées pour les campagnes électorales ont battu les records précédents.

Le procédé est d'ailleurs tout aussi vicieux pour les référendums au niveau des états. En Californie, les manufacturiers de tabac ont dépensé des millions en publicités vraiment vicieuses pour convaincre avec succès les électeurs de rejeter une mesure qui les taxerait pour financer des programmes de santé, dont la lutte anti-tabac. De même, les compagnies pétrolières ont réussi à faire rejeter par ce moyen une mesure analogue finançant la recherche en énergies renouvelables. Les publicités laissaient entendre que cette mesure engendrerait un moindre financement des écoles, avec l'argument tordu et non énoncé que les taxes permettraient feraient baisser le bénéfice de ces sociétés, l'impôt sur les bénéfices serait donc moins élevé et les rentrées d'argent de l'état seraient donc moins importantes, d'où des difficultés à financer les écoles, la police ou les pompiers. Bref, ce fût presque une campagne uniquement constituée de coups bas et de malhonnêteté intellectuelle, et même s'il restait des sources d'informations rigoureuses qui parlaient de politique, elles semblaient bien loin du grand public.

lundi 6 novembre 2006

Les évangéliques américains

L'élection puis la réélection de George Bush en 2000 et 2004 ont été souvent attribués à l'activisme des évangéliques, les chrétiens protestants profondément conservateurs ayant une lecture littérale de la Bible qui rejettent l'avortement et le mariage gay pour promouvoir les valeurs familiales et une vision chrétienne du monde. George Bush en est d'ailleurs un, en étant un born again christian comme le sont de nombreux évangéliques, soit des personnes qui ont découvert la religion à un stade avancé de la vie pour lui donner un sens. Avant de découvrir Jésus, George Bush était un alcoolique qui ne savait pas quoi faire de sa vie, alors que son père évoluait au plus haut niveau. C'est sa conversion qui l'a poussé à défendre les valeurs qu'il venait d'adopter en politique, et qui l'a mené en politique. Comme lui, de plus en plus d'américains sont revenus au christianisme, parfois aidés par les mega churches dirigées par des pasteurs charismatiques, ce qui a fait émerger un mouvement de grande ampleur outre Atlantique.

Ces religieux ont tellement d'influence et de fidèles qu'ils en deviennent des célébrités souvent présentes dans les médias, et des acteurs à part entière de la vie politique américaine. Ainsi, Ted Haggard était l'un des porte étendards des évangéliques, et ses églises étaient remplies chaque semaine de milliers de personnes. Il soutenait sans ambiguïté George Bush, plaisantant même sur le fait que leur seul désaccord était sur quel modèle est le meilleur 4x4. Pourtant, alors que les républicains souhaitaient orienter à nouveau la campagne des mid-terms sur les valeurs morales, les conservateurs ont été ébranlés par une série de scandales à ce niveau là. Ainsi, il a été découvert un mois avant le vote que le représentant républicain Mark Foley essayait de débaucher des lycéens travaillant au congrès. Et quelques jours avant l'élection c'est précisément Ted Haggard qui a été accusé par un prostitué d'entretenir des relations sexuelles homosexuelles et de se droguer. Après n'avoir reconnu que des "massages", Ted Haggard a fini par reconnaître prendre des méthamphétamines et d'avoir un côté sombre dans sa vie, laissant bel et bien entendre qu'il bafouait les règles qu'il prônait. Au vu de la force de sa réprobation des comportements qu'il considère comme immoraux, on peut imaginer qu'il s'accorde plus facilement le pardon chrétien qu'aux autres.

Aux États-Unis, la religion permet à des milliers de personnes de retrouver un sens à leur vie, et de sortir des chemins sans issus. Mais faut-il vraiment que cette renaissance religieuse se fasse nécessairement au profit de ce qui s'apparente parfois à un extrémisme ? Il est possible de trouver du réconfort ou une moralité dans la religion tout en gardant des vues modérées, et parfois les fidèles semblent mal guidés par des pasteurs qui font passer leurs intérêts avant ceux des croyants en promouvant des idées exagérées. Et si la révolution conservatrice s'est faite en s'appuyant sur certaines des valeurs évangéliques, l'ensemble des évangéliques américains ne suit pas forcément le parti républicain dans ses méandres. Car après tout, le réchauffement climatique ou le sous développement dans le monde sont aussi des problèmes où les chrétiens peuvent vouloir intervenir fortement. Quant à la politique étrangère menée par les Etats-Unis, son appréciation par la Bible est variable, et à ce niveau là, il n'y avait aucune certitude sur la guerre en Irak. Pour la présidentielle de 2008, le vote évangélique peut donc être considéré comme ouvert pour les démocrates qui en auront besoin pour l'emporter.

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