Réflexions en cours

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vendredi 31 août 2007

Fin de parcours en vue pour John McCain

En 2000, George Bush avait réussi à se fabriquer une image de grand favori lors des primaires républicaines devant désigner le candidat à la présidence. En étant fils d'un président précédent et au poste en vue du gouverneur du Texas, il avait pu se constituer facilement une certaine notoriété. Même en Europe, il était devenu célèbre par son refus de gracier les condamnés à mort du Texas, laissant craindre qu'il puisse être un président américain particulièrement conservateur. Pourtant, lors des primaires, un autre candidat arriva à se faire suffisamment remarquer pour devenir l'outsider le plus important dans cette course. A 63 ans, John McCain était arrivé à se définir comme un homme d'Etat, un sénateur expérimenté, un ancien de la guerre du Vietnam, défendant des positions plus pragmatiques et iconoclastes au sein du parti républicain. Même si John McCain gagna la primaire du New Hampshire, cela ne suffit pas, et le reste des primaires permit à George Bush de devenir l'adversaire d'Al Gore. Défait, John McCain s'installa alors comme le futur favori des républicains pour l'élection présidentielle de 2008.

Il a aujourd'hui 71 ans, ce qui le fait plus âgé que Ronald Reagan lorsque celui arriva à la Maison Blanche en 1980. Comme il l'avait prévu depuis longtemps, il s'est lancé à nouveau dans la course des primaires en janvier dernier. Mais très rapidement, le statut de favori sur lequel il comptait tant lui a échappé, en étant dépassé dans les sondages par Rudolph Giuliani. Et désormais, il semble malmené par Mitt Romney et Fred Thompson, ce dernier n'étant même pas un candidat déclaré. Enfin et surtout, les résultats des levées de fonds sont désastreux, montrant une absence de soutien populaire envers le sénateur de l'Arizona. En conséquence, le comité de campagne de John McCain dépensait davantage que ceux qu'il récoltait, alors que la campagne était encore dans une période préliminaire. Et s'il reste encore quatre mois avant que les électeurs républicains ne s'expriment lors des primaires, John McCain apparaît dès aujourd'hui comme un candidat sur la fin, ne bénéficiant d'aucune dynamique, peu à même d'incarner l'avenir.

Car, outre le reproche qui lui est adressé sur son âge, John McCain souffre justement de cette image de candidat institutionnel qu'il s'est forgé ces huit dernières années, et qui avait fait la force de George Bush en son temps. En soutenant avec force la guerre en Irak, il apparaît entaché par la dégradation toujours plus prononcée de la situation militaire dans ce pays. Les Américains n'en peuvent plus de ce conflit dont ils ne comprennent plus les raisons, et John McCain ne semble pas être celui qui sortira les Etats-Unis de ce bourbier, alors qu'il a tellement soutenu l'envoi de renforts. Bien sûr, il a condamné l'usage de la torture et les mauvaises décisions de Donald Rumsfeld. Mais cela ne suffit pas pour incarner une nouvelle direction, surtout lorsque les électeurs demandent à ce que cette nouvelle direction soit le retrait. De plus, en voulant être le favori, John McCain a voulu donner des gages à la frange conservatrice des républicains, ce qui a fâché ceux qui appréciaient son côté iconoclaste. Et en défendant avec vigueur une loi sur l'immigration basée sur une grande amnistie, en duo avec le sénateur démocrate Ted Kennedy, il s'est aliéné bon nombre de conservateurs également. Au final, lorsque le camp républicain est en plein désarroi, John McCain semble être l'une des cibles des mécontents. En même temps, Barack Obama bâtit son succès sur sa fraîcheur, son originalité et son refus de la guerre en Irak, qu'il avait pu exprimer à l'époque d'autant plus facilement qu'il n'était qu'un élu du sénat de l'Illinois... Alors que les échéances se rapprochent, la défaite se rapproche inexorablement pour John McCain, malgré ses efforts pour maintenir une stature de présidentiable pendant tant d'années.

mercredi 15 août 2007

La puissance et la faiblesse selon Robert Kagan

Alors que les Etats-Unis se lançaient dans la guerre contre Saddam Hussein en 2003, le géopolitologue néo-conservateur Robert Kagan publiait un livre intitulé La puissance et la faiblesse où il exposait sa conception des différences d'approches en matière internationale de la part des Etats-Unis et de l'Europe, et les relations compliquées entre ces deux poids qui en résultaient. A l'heure où le pouvoir américain s'était converti à la doctrine néo-conservatrice, les positions plus pacifistes de pays européens importants comme la France ou l'Allemagne leur apparaissaient pour le moins naïves. Cette situation est, selon Robert Kagan, le résultat de deux visions différentes sur le monde. Les Européens, heureux du succès de la construction européenne dans le sens où elle a permis d'empêcher les guerres depuis une soixantaine d'années, souhaitent appliquer ce modèle de discussions inter-étatiques dans la diplomatie pour régler les difficultés. Il en résulte un fort attachement aux décisions de l'ONU, à la diplomatie et aux négociations en général, pour que l'issue soit trouvée par le biais de la raison et du dialogue. Les Américains par contre, se croient plus "réalistes" en ne se faisant pas d'illusion sur les résultats que la méthode purement diplomatique permet d'obtenir. Pour traiter avec les démocraties, elle peut suffire, mais elle n'est pas pertinente pour faire face à des dictatures qui ne croient qu'au rapport de force.

Cette différence de vues a plusieurs origines. La première est évidemment historique : les Etats-Unis étaient à l'origine "idéalistes" en matière de politique internationale, un idéalisme appliqué par le président Woodrow Wilson lorsqu'il souhaita la création de la Société des Nations en 1919, quand les Européens ne juraient que par le rapport de force entre eux, au cours de leurs nombreuses guerres. Mais après la deuxième guerre mondiale, les positions s'échangèrent : lassés par les guerres, les Européens décidèrent de se lancer sérieusement dans le multilatéralisme pour les empêcher. De leur côté, les Etats-Unis tiraient les conséquences de leur implication décisive dans la guerre en décidant de garder une armée forte pour pouvoir intervenir en cas de problème éventuel, alors que la guerre froide commençait.

Mais Robert Kagan propose également une autre explication, inversée par rapport à la précédente, expliquant le maintien de ces politiques internationales de part et d'autres : aujourd'hui, si les Etats-Unis gardent une optique unilatéraliste et violemment jalouse de ses intérêts vitaux, c'est parce qu'ils en ont les moyens. L'ampleur de leur force militaire était au début de la décennie une grande source de satisfaction pour eux. Cette puissance militaire était le fondement même de leur influence diplomatique, assurant à l'Amérique, respect, voire crainte. Ainsi, le renversement de Saddam Hussein devait, selon les néo-conservateurs, pousser les autres pays du Moyen Orient à se montrer plus calme dans l'anti-américanisme, et plus favorable aux intérêts américains. C'est pour cela que cet effort était censé participer à la guerre contre la terreur : l'instauration de la démocratie en Irak devait faire un effet domino sur les pays semblables, et des pays où régneraient la démocratie et les libertés seraient moins sensibles à l'islamisme. Les Européens, eux, ayant négligé leur budget militaire depuis des décennies, ne pourraient compter sur une dissuasion musclée. C'est justement ce manque qui les pousserait vers la diplomatie multilatérale, considérée par Robert Kagan comme l'arme des faibles.

Dans son livre, qui reste tout de même assez court, Robert Kagan développe donc cette différence sur la scène internationale entre une Amérique forte et une Europe faible, différence qui est à l'origine des incompréhensions. Il n'hésite pas à reprendre la métaphore psychologique de John Gray, où l'Amérique vient de Mars, lorsque l'Europe vient de Vénus, avec ce que cela implique de différence entre le dieu de la guerre et la déesse de l'amour. Mais si en 2003 l'Amérique était confiante sur sa capacité à mener deux guerres en même temps, elle ne s'attendait sûrement pas à ce qu'elles durent aussi longtemps. L'analyse de Robert Kagan reste pertinente dans les descriptions des façons de penser d'un côté et de l'autre de l'Atlantique, mais elle montre aussi tout ce qui est négligé dans l'analyse détaillée de chaque situation particulière. En l'occurrence, la solution de remplacement à Saddam Hussein n'était pas prête en 2003, et les éventuels conflits inter-ethniques étaient sous-estimés, tout comme le mauvais accueil fait à l'occupant américain en Irak d'ailleurs. Ce n'est pas faute que les géopolitologues de Washington ignoraient ces données, c'est juste qu'en privilégiant une façon de faire simpliste, ils ont décidé de les ignorer. Evidemment, aujourd'hui, les néo-conservateurs apparaissent comme disqualifiés par le cours des événements. Et c'est plutôt l'équilibre entre implication militaire et négociations diplomatiques qui est perçu comme la voie à appliquer désormais.

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