Les temps changent. Si dans les pays occidentaux, on trouve le moyen d'entretenir des polémiques permettant de ramener ces grands événements à de la politique politicienne, de l'autre côté de la Méditerranée, les peuples tentent à tour de rôle de se débarrasser de leurs dictateurs. Les chancelleries n'avaient pas vu venir de tels bouleversements. Les experts en géopolitique de la région ne les avaient pas vu venir non plus : Antoine Sfeir a ainsi récemment reconnu qu'il s'était "lourdement trompé" sur la Tunisie. Les autorités de ces pays ne l'avaient pas vu venir, elles sont d'ailleurs totalement aux abois. Et même les populations concernées ne l'avaient pas vu venir, tout étant parfaitement spontané. Le refus par des policiers d'un stand de légumes au marché de Sidi Bouzid a des répercussions en chaîne, certains parlant même d'une application de la théorie des dominos.

Après la Tunisie et l'Egypte, c'est donc au tour de la Libye de s'insurger contre le dictateur local, Mouammar Kadhafi. Dans d'autres pays arabes, il y a déjà des tensions au sein de la population. Là encore, on ne sait absolument pas comment tout cela va tourner. Mais si on choisit d'être optimiste, on peut espérer que l'événement global ait un impact similaire à la chute des totalitarismes communistes dans les pays de l'Europe de l'est de 1989. C'est certes mal parti pour le côté pacifiste, les dernières journées en Lybie étant par exemple plus meurtrières que toute la révolution roumaine. Mais si le résultat est le même, on aurait tout d'un coup un grand nombre de démocraties en Afrique du Nord et au Proche Orient.

Quelques commentateurs craignent que la démocratie permette aux idées supposées violentes des populations de s'exprimer et de se concrétiser. Israël est ainsi particulièrement nerveux quant à la chute de Moubarak, car ce dernier garantissait la paix et contrôlait un peuple peu pro-israélien. Mais la vraie question est surtout de savoir si de vraies démocraties naîtront de ces changements de régimes. Si tel est le cas, rien ne permet de penser que la situation s'aggrave terriblement. Les peuples n'ont rien à perdre à l'établissement de la liberté d'expression, la corruption serait moins forte, et surtout, la situation géopolitique serait probablement plus apaisée. En effet, les démocraties ne se font pas la guerre.

Si la plupart des pays arabes deviennent des démocraties, Israël aura ainsi probablement plus de possibilités de dialogues avec ses voisins. L'un des arguments d'Israël dans ses initiatives de défense musclée est justement le fait qu'il est la seule démocratie dans la région. S'il y a un tas de démocraties au Proche Orient, tout le monde y repensera certainement à deux fois avant de se lancer des missiles à la figure. Le dialogue entre les pays, la raison d'être de l'ONU, est plus facile entre gouvernements certains de leur légitimité.