Hier, Barack Obama prêtait serment pour son second mandat. Son discours d'investiture fut une présentation de son programme pour les quatre prochaines années, qu'il aurait peut-être du faire plus souvent pendant sa campagne. Quoi qu'il en soit, il semble que l'ère du centrisme soit finie, il veut une politique qui régulera davantage la vente d'armes automatiques, qui ne touchera pas à la redistribution et qui s'oriente vers le mariage gay. Autant de points qui annoncent des batailles homériques avec la Chambre des représentants, encore solidement républicaine.

Le Président des Etats-Unis a toute légitimité de vouloir appliquer son programme. Mais le point majeur de sa candidature en 2008, plutôt que ces objectifs, c'était bien de prôner une politique apaisée et bipartisane, où républicains et démocrates se parleraient de nouveau. Quatre ans plus tard, la guérilla politicienne continue de plus belle, et cela semble bien parti pour continuer. Les accords pour trouver des budgets dans le cadre de cette cohabitation deviennent de plus en plus difficiles. Une date limite avait été fixée au 31 décembre 2012 pour régler des questions budgétaires majeures, elles ont eu du mal à démarrer et on eu lieu jusque dans la nuit du réveillon et même le lendemain, alors qu'un échec représentait un risque énorme pour l'économie mondiale. Une des solutions trouvée fut de... reporter à deux mois plus tard une partie des enjeux.

Voilà le genre de négociations auxquelles les Européens sont généralement habituées. Combien de sommet européen devant régler les difficultés de l'euro qui se sont achevés en pleine nuit, voire même sans compromis ? A vrai dire, on commence à croire que les décisions se sont toujours prises comme ça dans la construction européenne, en tout cas lors des dernières décennies. C'est que l'Union Européenne est traversée par des contrastes culturels forts, dépassant souvent celui pan-européen entre la gauche et la droite. Le nord a tendance a voir des finances publiques plus rigoureuses, quand le sud vit souvent au dessus de ses moyens. Les pays de l'est sont très atlantistes, alors que plusieurs pays de l'ouest, la France en tête, cherche à créer une voie en dehors des Etats-Unis. Les petits pays veulent une Union Européenne qui leur permettrait de jouer au plus haut niveau tout en gardant un rôle important, quand les grands pays cherchent à ce que les petits se contentent de se ranger derrière eux. Et à cela, il faut rajouter amitiés et contentieux du passé, le résultat de deux millénaires d'Histoire... Pas étonnant qu'il soit souvent si difficile de s'accorder.

Mais il s'avère qu'aux Etats-Unis, plus ça va, et plus le fossé se creuse au sein de la population. Chaque année, démocrates et républicains s'éloignent les uns des autres, et les possibilités de compromis deviennent presque inexistantes, alors le système de gouvernement américain repose sur ça. Pire, le compromis est vécu comme une compromission, une trahison qui sera sanctionnée par les électeurs. Les blocages se multiplient. Or lorsqu'on analyse la vie politique américaine, on se rend compte que ces clivages politiques sont également des clivages géographiques. Au sein des Etats eux-mêmes, les districts et circonscriptions sont découpés de telle manière à ce qu'ils soient assurés d'être remportés par l'un ou l'autre camp. Et de toute façon, les Etats sont de plus en plus ancrés dans un camp ou l'autre. La Californie ou New York sont solidement démocrates, quand le Texas ou le Missouri sont fermement républicains. A tel point qu'une élection présidentielle ne se décide plus que dans quelques Etats clés, les autres étant systématiquement attribués aux différents camps avant l'élection, de façon quasi-certaine.

Le Congrès américain est donc le théâtre d'affrontement entre différentes cultures qui traversent la société américaine. Il s'y manifeste le ressentiment de vastes zones géographiques du pays les unes envers les autres, et par exemple, pour les républicains de la campagne américaine, être de San Francisco ou du Nord Est américain veut dire être déconnecté des vraies valeurs américaines. Et c'est à cause de ces dissensions que les accords sont de plus en plus difficiles à trouver, au point de voir le système politique américain ressembler au fonctionnement des institutions européennes. Alors cela donnera peut-être du baume au cœur aux Européens ou désespérera les Américains, mais Etats-Unis et Union Européenne tendent bien à se ressembler davantage, ces derniers temps...