Il est grand, photogénique et a le sourire facile. Il est jeune, a une chevelure rousse abondante, c'est d'ailleurs cette figure de rouquin qui rappelle immédiatement ses origines irlandaises. A 31 ans, Joseph Patrick Kennedy III commence une carrière politique. Il vient d'annoncer sa décision d'être candidat pour devenir représentant du Massachusetts au Congrès, à la place de Barney Frank, l'illustre figure démocrate experte dans la législation financière. Et ce faisant, il signe le retour du nom Kennedy en politique américaine. Et tout bien considéré, c'était peut-être son tour.

Normalement, en démocratie, les fonctions ne se transmettent pas de père en fils. Mais aux Etats-Unis il existe de véritables dynasties familiales qui ne semblent pas déranger les promoteurs de la méritocratie. Dans la famille Kennedy, le goût de la politique est insufflé très tôt, il n'est donc pas étonnant qu'ils soient nombreux à se lancer dans la partie, quitte à former un véritable archétype. Le patriarche, Joseph Patrick Kennedy Sr., aurait voulu être candidat à la Présidence lui-même, mais sa position pacifiste pendant la seconde guerre mondiale le mit hors jeu. On sait comment il reporta ses espoirs sur ses fils, notamment sur John Fitzgerald, son cadet, après la mort tragique de son aîné, Joseph Patrick Jr. Et chez les Kennedy, on semble suivre une espèce de tradition qui ressemble un peu à la primogéniture mâle. Quand un Kennedy s'éclipse, le suivant vient prendre le relais. Quand John fut tué, son frère Robert devint sénateur, et fut tué à son tour en 1968 lors de sa propre campagne pour la présidence. Le benjamin, Ted, également sénateur, présenta sa candidature à la Présidence au mauvais moment, en 1980, alors que le démocrate Jimmy Carter se représentait. Il gaspilla sa chance.

Ce fut alors au tour de la génération suivante d'arriver au premier plan. Le plus vieux de leurs enfants, Joseph Patrick Kennedy II, le fils de Robert, fut ainsi élu représentant du Massachusetts en 1986. Ses perspectives étaient bonnes, mais il s'empêtra dans des scandales personnels. En conséquence, il dut se retirer des élections de 1998, alors qu'il envisageait de devenir gouverneur. Ted Kennedy, patriarche à son tour de la famille, mourut en 2009 alors qu'il était encore sénateur. Joseph Patrick II refusa de se présenter pour reprendre son siège. Et Patrick Kennedy, le fils de Ted qui siégeait à la chambre des représentants un peu par hasard depuis 1995, décida alors de ne pas se représenter.

Début 2011, il n'y avait donc plus aucun Kennedy engagé dans la politique nationale américaine. C'était une première depuis des temps presque immémoriaux. C'était certainement aussi le signal qu'il y avait de la place pour un nouveau Kennedy. Et c'est à ce moment là que Joseph Patrick Kennedy III, le fils de Joseph Patrick Kennedy II (il faut bien suivre) fit un discours éloquent pour une nouvelle vision de la politique. Dès lors la machine à spéculer se remit en marche. Il avait toujours laissé cette possibilité ouverte, et il était même surprenant qu'il ne se présente pas pour un siège au Congrès dès 2010. Non seulement il a la tête de l'emploi, mais il a également un CV impeccable : Stanford, Harvard, volontaire en République Dominicaine, assistant du procureur... C'est à croire que tout son parcours a été dicté par la perspective d'une future carrière politique.

L'annonce de sa candidature a très bien été accueillie. Il est très haut dans les sondages, les fonds pour sa campagne abondent, et tout le clan Kennedy le soutient. Fiancé, il a l'avantage de ne traîner (encore) aucun scandale, un gros point positif pour quelqu'un qui porte ce nom. Comme le Massachusetts reste globalement ancré du côté démocrate, il est donc le grand favori pour remporter cette élection. Et vu son jeune âge, on ne peut s'empêcher de spéculer sur la suite des événements. A terme, il pourrait lui aussi se lancer dans une campagne présidentielle, après être passé par un poste plus prestigieux comme sénateur ou gouverneur. En 2016 ou en 2020, le nouveau Joe Kennedy serait encore trop jeune pour un tel poste. Certains y voient déjà le gouverneur de New York, Mario Cuomo, lui-même ex-mari d'une des filles de Robert Kennedy. Mais en 2024 ou en 2028, il aurait le bon âge pour incarner un Président vigoureux et charismatique. C'est une longue échéance. Mais le nom Kennedy fait encore parler de lui.