Le rapport du député Nouveau Centre Nicolas Perruchot sur le financement des syndicats a été superbement enterré l'année dernière. Rejeté par vote par l'Assemblée (plus par refus de se mobiliser pour cette occasion que par une avalanche de votes hostiles), le document a été condamné à être consciencieusement archivé pour des décennies, et sa publication est même théoriquement interdite. Cela n'était pas arrivé depuis des temps antédiluviens. Alors pour qu'un document soit interdit de publication, on se dit qu'il s'agit d'un épouvantable brûlot, un nouveau Necronomicon, une parole qui, une fois prononcée, mettrait à bas la société française. Et malgré tout cela, l'hebdomadaire Le Point a pris la décision de le rendre public. Et c'est bel et bien une surprise qui attend le lecteur.

La surprise, c'est que ce rapport Perruchot n'a en fait rien d'un pamphlet anti-syndical auquel on nous avait fait penser. Le ton est parfaitement neutre, il s'agit surtout d'un compte rendu factuel des moyens utilisés par les syndicats pour se financer. Evidemment, les pratiques citées montrent que les syndicats usent et parfois abusent de sources de financements qui ne sont pas vraiment conforme avec l'esprit dans lequel ils devraient travailler. L'utilisation des comités d'entreprises, qu'ils contrôlent, pour se financer n'est pas normal. Mais cela n'a rien de nouveau en soi. Nicolas Perruchot a d'ailleurs réussi à faire voter récemment un rapport sur les seuls comités d'entreprise, reprenant les points qu'il mentionnait dans son rapport censuré. Et son travail concerne tant les syndicats d'employeurs que de salariés. D'une manière générale, on retrouve surtout des informations que l'on peut trouver ailleurs, que ce soit du côté de la Cour des Comptes, de livres ou de précédents travaux sur la question. Des auditions ont permis de rafraichir tout cela.

Au bout du constat sur le financement des syndicats, le rapport détaille 29 propositions pour améliorer les choses. Aucune d'entre elle n'est extrême, elles relèvent même d'un parfait bon sens, et pourraient très bien faire l'unanimité. Elles sont regroupées en trois objectifs : plus de transparence (ce qui passe notamment par davantage de rigueur comptable), plus de militants et une meilleure représentativité. Rien qui ne mette en danger les syndicats donc.

Dès lors, la vraie question, c'est pourquoi autant de panique autour d'un rapport tout à fait raisonnable ? Les syndicats contestent certains passages, mais le manque de soutien voire l'hostilité nette des députés envers ce rapport est plus marquant. C'est à croire qu'ils ne l'ont pas lu, ou ne serait-ce que survolé même. Gouvernement et parlement n'osent pas regarder la tambouille des organisations syndicales, ils s'y refusent délibérément, alors que tout le monde se lamente du faible nombre d'adhérents des syndicats et de leur représentativité douteuse. Pour avoir la paix sociale, le sujet des syndicats devient lui-même totalement tabou. Ce qui laisse penser que la priorité de ceux-ci n'est plus la défense de leurs adhérents, mais leur propre préservation dans les conditions d'existence actuelles. Comment s'étonner qu'il finisse par y avoir des zones de non droit, telles que celle créée par la CFDT à SeaFrance ? Au delà de ses bonnes mesures, le principal enseignement du rapport Perruchot se trouve donc dans son incroyable réception : les syndicats ne sauraient être un sujet de discussion en soi. Voilà qui n'a rien de rassurant.