Réflexions en cours

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dimanche 29 juillet 2007

L'idéologie conservatrice

La Révolution Française, en permettant le pluralisme des opinions, vit la naissance de nombreux courants politiques dont les racines pouvaient toutefois être très anciennes. Evidemment, la pensée dominante qui précédait ces événements devint l'un de ces courants politiques, découvrant de mauvaise grâce la cohabitation avec les autres. En effet, la monarchie absolue était assez peu habituée à devoir rendre des comptes et à être constamment menacée par d'autres idées. Mais le choix ne lui en a pas été laissé, jusqu'à ce que les armées du reste de l'Europe force la Restauration de l'ancienne monarchie en France en 1815. Si un régime parlementaire est alors instauré, les lois électorales favorisent le retour des ultra-royalistes à la Chambre des députés. Ceux-ci formèrent la "chambre introuvable", en référence à sa couleur politique improbable de par son extrémisme, où les députés se montrèrent bien plus royalistes que Louis XVIII : il s'agissait d'effacer les 25 années précédentes, et ceux qui avaient été des contre-révolutionnaires en exil décidèrent de prendre des mesures contre ceux qui avaient participé à la Révolution. Ils voulurent également renforcer les prérogatives du roi par rapport au peuple, restaurer le statut des nobles et favoriser les vues les plus strictement cléricales en matière de société. Ce catholicisme très prononcé restera ensuite comme l'un des signes distinctifs de ce mouvement, avec la méfiance envers la République. Avec l'arrivée au pouvoir de Charles X, les ultra-royalistes trouvent un monarque qui va dans le même sens qu'eux, mais c'est précisément leur manque de modération dans le royalisme qui pousse le peuple de Paris à changer le roi et à porter au trône Louis-Philippe, plus conciliant.

D'ultra-royalistes, ces traditionalistes devinrent des légitimistes. Des décennies passèrent, et ils gardèrent la volonté de réinstaurer en France une société conservatrice, catholique, avec un très fort attachement aux terroirs. Mais lorsque le prétendant légitime au trône, le comte de Chambord, décède en 1983, ils se retrouvent d'une certaine manière orphelin, le prétendant suivant devenant alors le même que ceux des orléanistes. Le mouvement contre-révolutionnaire change alors peu à peu, se teinte d'un nationalisme prononcé lors de l'affaire Dreyfus, et est influencé par les considérations de Charles Maurras et de son Action Française. Tout cela forme alors un courant qui se distingue par son conservatisme prononcé, et qui après avoir d'abord grandi un peu dans l'ombre dans l'entre deux guerres, accède au pouvoir lorsque les pleins pouvoirs sont accordés au Maréchal Pétain en 1940. La "Révolution Nationale", idéologie officielle de l'Etat français, en est une parfaite émanation.

Evidemment, après la seconde guerre mondiale, les conservateurs traditionalistes sont largement discrédités et chassés du pouvoir. Ceux qui prônent une société conservatrice se retrouvent alors marginalisés dans le Centre National des Indépendants et des Paysans, même s'ils adhèrent aussi aux autres partis de droite dans lesquels ils sont solubles (tels que le Parti Républicain ou le RPR). D'une manière générale, le mouvement d'idées conservateur est bien moins influent à partir de l'après-guerre, restant tout de même l'une des composantes traditionnelles de la droite. Les catholiques traditionalistes en sont une émanation, ils se retrouvent en grand nombre dans le Front National ou bien dans le Mouvement pour la France de Philippe de Villiers. Ce dernier est d'ailleurs un conservateur symbolique : après être passé par les libéraux du Parti Républicain, il prend son indépendance pour mener son combat contre la construction européenne. Outre son euroscepticisme, il prône la lutte contre ce qu'il perçoit comme une "islamisation de la France", et défend les valeurs catholiques traditionnelles, comme l'attachement à la structure familiale, et se veut en phase avec les territoires profonds de la France. Il est depuis une vingtaine d'années président du conseil général de Vendée, une terre qui s'est justement distinguée par le passé par son royalisme et la forte implantation du catholicisme.

Le mouvement conservateur au sens strict ne représente de toutes façons pas plus que quelques pourcents dans l'électorat français. De fait, son importance est souvent grandement surestimée, alors que l'idéologie dominante d'aujourd'hui est plutôt celle d'une société très libre. Ce conservatisme de ceux qui étaient autrefois des contre-révolutionnaires est souvent proche de l'extrémisme. Mais en 1968, les militants "gauchistes" y faisaient référence pour s'en prendre à ceux qui n'approuvaient pas leurs agissements, y voyant une nouvelle forme de contre-révolution, alors que la volonté de maintenir le respect de l'autorité dans les valeurs de la société française ne pouvait engendrer de retour en arrière dangereux. Ceux-ci furent appelés "réactionnaires", alors que la notion de progrès devenait soudainement très floue.

mercredi 11 juillet 2007

Le libéralisme politique en France

Lorsque René Rémond énumère les différentes droites, il découvre une certaine continuité entre les anciens monarchistes orléanistes et les libéraux actuels. Par la présentation qu'il fait de ce courant politique, celui-ci donne l'impression d'être le représentant de la bourgeoisie. Après tout, selon l'analyse marxiste, la Révolution Française de 1789 s'explique par la volonté de la bourgeoisie de prendre le pouvoir vis-à-vis d'une aristocratie toute puissante, mais bien peu productive. Cette époque connaissait en effet les débuts de l'industrialisation à travers les premières manufactures. Le XVIIIème siècle fût ainsi marqué par les débuts de la Révolution Industrielle en Europe occidentale. Cela ouvrait évidemment de nouvelles perspectives : alors qu'Adam Smith découvrait les mérites de la division du travail dans une manufacture d'épingles et théorisait les vertus de la main invisible, c'est une toute nouvelle économie qui voyait le jour en faisant définitivement sortir les sociétés du mercantilisme des monarchies absolues. Pour profiter des gains conférées par les économies d'échelles, il fallait pouvoir monter des structures de production d'une certaine taille. C'est ainsi que la richesse accumulée par certains artisans ou commerçants pu se transformer en capitaux pouvant être investits, en l'espoir de nouveaux gains futurs. C'était la création de l'entreprise privée, l'intensification du commerce avant de profiter du boom technologique qui suivra la mise au point de la machine à vapeur. Ainsi l'on pouvait devenir riche par le travail et l'investissement, et cette nouvelle élite venue du peuple sera aux premières loges lors de la Révolution. Il n'est alors pas étonnant de constater que c'est l'Assemblée constituante qui adopte les décrets d'Allarde et la loi Le Chapelier (instaurant la liberté d'entreprendre et interdisant les corporations). De la même façon, on retrouve ce courant politique quelques dizaines d'années plus tard pour soutenir l'accession au trône de Louis-Philippe Ier d'Orleans, celui-ci promettant justement un régime plus libéral que celui des ultras de Charles X.

La transition vers la République ne posa pas un problème insurmontable pour les libéraux, qui formaient une droite modérée, souvent issue des notables de provinces. Paul Reynaud et l'Alliance Démocratique en sont en quelque sorte des exemples dans la IIIème République, même si les libéraux préfèrent souvent garder une certaine indépendance : la liberté de vote dans l'hémicycle était alors bien plus courante, et la nécessité d'adhérer à un parti moins présente lorsque le député avait de fortes attaches territoriales. On les retrouve ainsi dans le Centre National des Indépendants après-guerre, avec comme porte étendard Antoine Pinay (qui se fit remarquer par sa politique monétaire et financière lorsqu'il était aux affaires), avant qu'ils ne fassent sécession avec Valéry Giscard d'Estaing en 1962, sous le nom des Républicains Indépendants, lorsqu'ils décidèrent de continuer de soutenir la politique du Général de Gaulle. Valéry Giscard d'Estaing, devenu Président de la République, apporte son Parti Républicain à la création de l'UDF qu'il décide en 1978. Le parti restera dans ce cadre jusqu'en 1997, avant de prendre son indépendance en se transformant en Démocratie Libérale sous l'égide d'Alain Madelin, assumant alors un tournant plus prononcé vers l'idéologie libérale. Ce parti est ensuite intégré à l'UMP lors de sa création en 2002, où les libéraux gardent une certaine influence.

Alors que dans les années 80, le libéralisme triomphait dans le monde (surtout au travers des politiques de Margaret Thatcher et de Ronald Reagan), les libéraux français se trouvaient alors à contre-temps, n'arrivant pas à vraiment conquérir le pouvoir. L'extrème gauche s'est alors reconvertie en une gauche "anti-libérale", en remettant au goût du jour la lutte des classes à travers la haine du capitalisme assumé. C'est ainsi qu'en France ceux qui haïssent la richesse continuent s'en prendre à "l'ultra-libéralisme", source d'une mondialisation vue comme profondément destructrice et source de misère. Ces dernières années encore, les tracts socialistes se limitaient à attaquer une droite considérée comme esclave du patronnat, et encore aujourd'hui, toutes les théories du complot libéral continuent de recontrer un grand succès. Pour ceux qui considèrent que la gauche c'est le bien et la droite le mal, Lionel Jospin aurait perdu en 2002 car il n'aurait pas été assez à gauche, et Ségolène Royal aurait la victime d'une conspiration des médias. Et malgré tout cela, Nicolas Sarkozy a réussi à se faire élire en se présentant comme n'étant pas hostile par principe au libéralisme, même s'il en rejette l'aspect dogmatique.

Il est vrai qu'il existe un certain aspect doctrinaire dans le libéralisme, surtout vu de la pensée économique, imposante en la matière. Milton Friedman et l'Ecole de Chicago l'ont considérablement renouvelée dans les années 70, et il existe aujourd'hui des personnes qui ne jurent que par le marché et la non intervention de l'Etat. Et lorsque la doctrine économique se prolonge dans les domaines sociétaux, cela donne une pensée libertaire assez troublante. En matière d'économie, le but est surtout de trouver la bonne réponse à chaque question, et pour cela il faut accepter de considérer que chaque question est différente. La crise des années 30 et la stagflation des années 70 étaient de natures très éloignées, il a donc fallu changer les politiques publiques pour y remédier. Dès lors, le libéralisme ne saurait être une fin en soi. Il reste qu'au regard de la situation de la France, l'économie est visiblement moins performante que celle de ses voisins. Dans ce cas précis, c'est plutôt l'importance de l'Etat providence français qui est en cause : cela se voit notamment dans les difficultés que connaissent les universités, ou bien dans les difficultés administratives que connaissent les entreprises. Le libéralisme s'oppose en effet à une politique socialiste qui présente elle aussi souvent des caractéristiques doctrinaires, mais sans ayant fait preuve d"efficacité économique en revanche. Et c'est bien ce seul soucis qui doit l'emporter.

mardi 3 juillet 2007

La démocratie chrétienne

Pendant toute la campagné présidentielle, François Bayrou aura fait l'éloge des vertus du centrisme. L'idée était de dépasser les clivages qui scindent la vie politique française pour faire une union nationale pouvant venir à bout des problèmes les plus difficiles. Ce faisant, il n'a fait que mener une campagne dans la droite lignée des partisans de la démocratie chrétienne, qui constitue un mouvement politique vieux de près d'un siècle. Il s'agit de la concrétisation sous forme politique du catholicisme social, qui est une vision humaniste de la religion et de la société. Dans les idées, cela se traduit par une préoccupation envers les conditions de vie des classes populaires, par une exigence de démocratie, une vision de l'Etat girondine et le dialogue entre les nations. Si le libéralisme n'est pas considéré comme une fin en soi, la doctrine économique s'en rapproche davantage que du socialisme, de par une volonté d'efficacité économique. Ces caractéristiques donnent aux chrétiens démocrates une hostilité aux conflits et aux extrémisme, les mettant ainsi naturellement sur la voie du centrisme. Ils souhaitent agir avec mesure, rationnellement et avec modération. Voyant les avantages et les inconvénients de chaque camp, ils aspirent au juste milieu, au compromis où la situation est optimale.

A travers la IIIème République, ils ont pesé dans la vie publique à travers des partis comme le Parti démocrate populaire de Georges Bidaults pendant l'entre deux guerres. Celui-ci, par son positionnement centriste, oscillait dans ses choix d'alliances de gouvernement, et participait ainsi à l'instabilité du régime. Mais le mouvement eut davantage son heure de gloire après la deuxième guerre mondiale. En étant à la manoeuvre dans la rédaction de la constitution de la IVème République et auréolée d'une image de résistants, les chrétiens démocrates ont eu des résultats électoraux déterminants à la fin des années 40. Ils s'organisèrent au sein du Mouvement Républicain Populaire, et si le parti se voulait du centre, voir du centre gauche, ils bénéficièrent de l'apport de voix venues largement de la droite, alors que la droite traditionnelle était largement déconsidérée de par son rôle pendant la guerre. Ce fût avant que le Général de Gaulle propose une alternative à droite à travers son propre mouvement politique, le RPF. Celui-ci parvint finalement à faire valoir ses vues en matière d'institutions, et dans la Vème République conçue pour faciliter l'efficacité de l'action politique, les alliances de circonstance et le morcellement du paysage politique n'était plus de cironstance. C'est ainsi que le MRP fût poussé à une alliance durable avec les autres forces de droite, et au premier lieu le Général de Gaulle, malgré de nombreuses réticences. Si en 1965, le chrétien démocrate Jean Lecanuet arrive troisième à l'élection présidentielle, Alain Poher parvient lui à arriver au deuxième tour face à Georges Pompidou.

Alors que les chrétiens démocrates sont alors les plus grands partisans de l'Union Européenne, les gaullistes goutent guère ce qu'ils perçoivent comme la volonté de créer un Etat supranational, ce qui explique une bonne partie des tensions entre les deux mouvements. L'extrémisme supposé du Général de Gaulle lorsqu'il était dans l'opposition se révèle être une absurdité à l'heure de l'action, le volontarisme n'excluant pas le pragmatisme. Le régime force tout de même un regroupement des forces politiques françaises, et les chrétiens démocrates s'allient en 1974 avec les libéraux et les radicaux pour soutenir la candidature de Valéry Giscard d'Estaing, un libéral tout aussi féru de construction européenne qu'eux. Cela se traduit par la création de l'Union pour la Démocratie Française, l'une des deux forces de la droite avec le RPR. Le travail entre les deux formations reste difficile pendant le septennat de Valéry Giscard d'Estaing, mais le passage à l'opposition et la conversation de Jacques Chirac à l'idéal européen facilite ensuite l'alliance lors des deux décennies suivantes. Et lorsque la droite veut sortir de ses divisions pour privilégier la force de l'action politique, la fusion entre chacun de ses courants devient possible.

Si François Bayrou a refusé d'entrer dans l'UMP en 2002, ce n'était pas tant pour des divergences de point de vue que par ambition personnelle. Ne pouvant espérer l'investiture au sein de l'UMP pour la campagne de 2007, il préférat garder en vie une structure composée de fidèles pour se lancer dans la course à la magistrature suprème. Néanmoins, de nombreux chrétiens démocrates voient que l'engagement politique est plus utile lorsqu'il se traduit en actions, et souhaitent travailler de concert avec ceux qui ont les idées les plus proches des leurs. C'est ainsi qu'ils furent nombreux à rejoindre l'UMP il y a cinq ans, et qu'encore dernièrement la création du Nouveau Centre permet à d'autres de faire peser les idées issues de la démocratie chrétienne dans la politique du gouvernement.

En décidant de faire face aux événements plutôt que de rester en retrait, ils ont l'occasion de montrer le pragmatisme, et de l'appliquer dans les décisions gouvernementales. Composante à part entière du centre droit, la démocratie chrétienne a surtout une force idéologique : sa foi en la construction européenne, dont elle a été le principal artisan en France. Parmi les choses qu'elle apporte à son camp, celle-ci est sans conteste la plus estimable, et celle qui doit être la plus valorisée.

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