Réflexions en cours

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vendredi 22 août 2008

La lutte entre les consommateurs et les entreprises

Karl Marx avait fait le fond de commerce de son idéologie d'une lutte entre le prolétariat (soit les salariés) et la bourgeoisie (l'employeur en dernier ressort) vis-à-vis de la valeur ajoutée. Si l'idéologie marxiste est historiquement disqualifiée, l'idée d'un conflit naturel entre les actionnaires et les employés perdure et refait surface dans les esprits de temps à autres. Elle est parfois pertinente dans certains cas mais elle ignore généralement que les deux parties ont un intérêt commun : assurer la survie et le développement de l'entreprise, ce qui permet déjà à cette plus value d'exister. Pour pouvoir se la disputer, encore faut-il qu'il y en ait une. Et dans une économie où les entreprises sont en concurrence les unes avec les autres, cela n'est pas forcément assuré. Par contre, il peut y avoir une autre grille d'analyse sur les questions de fond tels que le chômage, le pouvoir d'achat et la compétitivité des entreprises : celle d'un conflit naturel entre consommateurs et entreprises.

En effet, le consommateur cherche fort rationnellement à maximiser son pouvoir d'achat. Pour cela, il veille à acheter les produits meilleurs marché, faisant un arbitrage entre qualité et prix, sélectionnant ses produits et services suivant l'importance de leurs différents facteurs. Logiquement, il voit d'un mauvais oeil l'inflation, lorsqu'il voit le niveau général des prix augmenter, c'est systématiquement une perte de pouvoir d'achat si son salaire est constant pendant ce temps. C'est de cette manière que la question du pouvoir d'achat est devenue si majeure en France. Or du côté des entreprises, si le renchérissement du prix des matières premières peut être une vraie raison dans certains cas, l'augmentation des prix de ces derniers temps a surtout été une façon d'accroître la plus value réalisée sur les différents produits d'une manière plus ou moins honnête. Cela peut être une façon de maximiser les dividendes pour les actionnaires, mais en assurant la prospérité de l'entreprise, des emplois peuvent être créés ou sauvegardés, et les bons résultats peuvent tout à fait rejaillir sur les employés. Donc, les consommateurs veulent des prix toujours plus bas, quitte à ce que les produits soient fabriqués à bas coûts à l'étranger. Mais les salariés veulent des salaires toujours plus hauts, refusant évidemement de perdre leur emploi dans le cadre d'une délocalisation. Au bout du compte, les salariés sont des consommateurs, et il naît de ces situations une schizophrénie indubitable, la personne recevant de l'argent ayant des intérêts contraîres à cette même personne qui en dépense.

Toujours est-il qu'actuellement, il y a bien moins d'entreprises que de salariés. Sur chaque produit grand public, seules quelques entreprises doivent le plus souvent répondre à la demande de millions de consommateurs. Ces oligopoles créent une distortion de concurrence vis-à-vis des acheteurs, et ceux-ci sont obligés de subir les augmentations décidées par les entreprises. Celles-ci s'entendent plus facilement à faire monter les prix que les consommateurs n'arrivent à les faire baisser. Entre le consommateur et les entreprises, la relation est aujourd'hui déséquilibrée. Peut être que les consommateurs doivent à leur tour prendre conscience de leur intérêt commun pour limiter les excès, en attendant que de nouvelles entreprises favorisent la concurrence auprès des oligopoles.

mardi 19 août 2008

La foi dans le progrès politique

Au Panthéon, les tombeaux de Jean-Jacques Rousseau et de Voltaire se font face, à l'entrée de la crypte. Les révolutionnaires ont estimé que ces deux philosophes avaient tous deux inspirés le mouvement qui mit fin à la monarchie absolue pour mettre en place une république démocratique. Pourtant, Rousseau et Voltaire avaient des visions du monde très différentes, bien qu'ils soient considérés comme relevant de la philosophie des Lumières. Rousseau voyait le monde comme il voyait sa vie : une enfance pleine d'innocence, malheureusement attaquée par la corruption du monde moderne. Ainsi, le monde était autrefois universellement bon, avant que la civilisation ne le ruine. Dans son esprit, l'individualisme attaque gravement le bonheur des hommes : la différence entre les positions des différentes personnes créé l'oppression. L'établissement d'un contrat social entre les hommes permet un pouvoir politique admis par tout à chacun, et donc légitime. Celui qui obéit à la loi ne fait qu'obéir à sa propre volonté. Voltaire, lui, considère que la chance de l'homme face à un monde parfois absurde est sa raison : chaque être humain est rationnel et peut comprendre le besoin de défendre l'intérêt de tous, favorisant ainsi les libertés individuelles et la priorité accordée à l'homme. Voltaire se révèle être ainsi un humaniste ayant une foi profonde dans le progrès.

Les deux conceptions s'opposent donc sur un point : Rousseau voit dans la modernité une corruption des sentiments, quand Voltaire voit surtout les bienfaits apportés par le progrès. Et malgré leurs incompréhensions, ils sont sur certains aspects compatibles, à condition de ne reprendre que les conclusions de leurs raisonnements : un contrat social entre hommes rationnels peut être bénéfique à la vie commune des hommes. Et c'est bien ce qu'en a retenu l'Histoire. Mais cette idée de démocratie à la française a été influente à travers le monde, le choc de la Révolution étant profond bien au-delà des frontières françaises. Et avec elle, ont été exportées ces deux approches. Il n'est dès lors pas étonnant que dans les mouvements de gauche, l'on retrouve une inspiration plus profondément rousseauïste : le marxisme notamment s'appuie notamment sur l'idée que l'homme est fondamentalement bon mais oppressé, le mythe du bon sauvage, la prééminence du pouvoir collectif sur celui individuel. Il n'est dès lors pas étonnant qu'avec l'arrivée d'une société sans classe corresponde la fin de l'Histoire selon Marx, vu la réticence de Rousseau au progrès. On retrouve également cette même façon de pensée chez Robespierre, qui n'a pas hésité à faire régner la Terreur pour combattre les ennemis de la République : dans son optique, l'intérêt collectif justifiait tous les sacrifices. Et de cette façon, avec chaque teinte du socialisme, correspond un fond de cette idéologie qui rappelle la pensée de Jean-Jacques Rousseau.

Ceux qui se considèrent comme étant davantage les héritiers de Voltaire ont une approche bien différente. Celle-ci reconnaît l'intérêt et le mérite des libertés individuelles, tout en faisant de l'intérêt général un des objets de ces libertés individuelles. Historiquement, il y a bien un progrès tant politique que technique. Il permet de meilleures conditions de vie, et donc une humanité plus heureuse. Ce progrès est le résultat de la Raison utilisée à bon escient. Nul besoin de coercition, mais seulement de conviction. Et dans les faits, malgré les accidents de parcours, les hommes vivent de plus en plus longtemps, sont plus nombreux, tendent à bénéficier de facilités comme l'eau courante, l'électricité, le chauffage... Petit à petit, les démocraties sont plus nombreuses à travers le monde, diminuant ainsi le nombre de régimes basés sur l'oppression. Et face aux défis graves que doit relever l'humanité aujourd'hui, tels que les enjeux environnementaux, il y a un espoir que la mobilisation de tous et le progrès permettent de surmonter chaque difficulté avec le temps.

Rousseau aura été une étape utile dans la pensée politique, mais avec Voltaire, vient la foi de l'homme dans le progrès, et notamment le progrès politique. Chacun peut et doit apporter sa part à la communauté, et si le sentiments restent un moteur puissant de l'humanité, la Raison forme une base commune à tous, et permet la communication et ce travail pour le progrès. Voilà la méthode qui doit nous animer pour changer la société.

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