Réflexions en cours

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

mercredi 18 janvier 2012

Enrichissez-vous !

Les thèmes de la campagne présidentielle n'auront, a priori, rien d'inédit. Du côté de la gauche, on aura à nouveau le droit au couplet sur la relance de la consommation en donnant de l'argent aux plus défavorisés. C'est ce qui s'appellerait de la redistribution, car l'argent serait prélevé chez les riches, qui ne sont qu'une minorité. L'intérêt de la majorité primant, ils devront procéder à ces transferts. Ce grand classicisme appelle quelques observations. Pour commencer, être riche c'est forcément être dans une minorité. En effet, de nos jours, la richesse ou la pauvreté sont considérées en des termes relatifs. Etre pauvre, c'est gagner moins de 60 % du revenu médian de la population. Etre riche, c'est avoir les revenus ou le patrimoine les plus importants. Ce sont ces principes là qui sont utilisés quotidiennement, dans les médias et les statistiques. Si tout le monde venait à gagner deux fois plus d'argent du jour au lendemain, avec des prix stables, il y aurait alors toujours autant de pauvres que de riches. Voilà qui est décourageant.

Mais partons du principe que cette redistribution est effectivement positive pour l'économie. On constate alors qu'en France, on a déjà l'un des taux d'imposition les plus élevés au monde. Les riches sont tellement une minorité qu'ils ne sont pas assez pour tout payer. Les classes moyennes sont déjà lourdement sollicités. Notre incapacité à limiter nos dépenses est accompagnée par une incroyable créativité fiscale. Il y a de nouvelles taxes chaque années, sur tout et n'importe quoi. Problème : cela ne suffit pas, le déficit public reste colossal. On s'aperçoit alors qu'il s'agit d'une redistribution des revenus des générations futures vers celles actuelles. On est plus du tout dans la quête de justice sociale ni de recherche de l'égalité, on ne fait que nuire à l'avenir. Voilà qui est effrayant.

Le problème de la richesse est mal posé. Le problème, ce n'est pas qu'il y ait des riches alors qu'il y a des pauvres. Le problème, c'est qu'il n'y a pas assez de riches. Il faut alors raisonner en termes absolus, et considérer qu'un riche, c'est quelqu'un qui vit à l'abri du besoin, qui peut loger et nourrir sa famille et éduquer ses enfants sans difficulté. Dans les pays développés, c'est le cas d'une majorité. Plutôt que de redistribuer les richesses, il est certainement préférable de les créer.

"Enrichissez-vous par le travail et par l'épargne" aurait dit, parait-il, François Guizot au XIXème siècle. Le leader communiste chinois Deng Xiaoping aurait lui aussi encouragé sa population à s'enrichir. Ils ont tous deux raison. Le travail et l'épargne créent la richesse, et la richesse permet une vie confortable. Ils ne sert donc à rien de craindre ni le travail, ni l'épargne, ni la richesse. Notre vrai souci, c'est notre manque global de ces trois choses, pas leur répartition.

dimanche 15 janvier 2012

Guy Mollet, le fantôme de l'incompétence

Il y a 56 ans, Guy Mollet devenait président du conseil dans le cadre de la IVème République. Cela faisait déjà 10 ans qu'il était à la tête de la SFIO (qui s'appellera plus tard le Parti Socialiste). Suite à la victoire de la coalition hétéroclite du Front Républicain, il y a une incertitude : est-ce que ce sera lui, ou le populaire Pierre Mendès-France qui sera à la tête du gouvernement ? Ce sera finalement Guy Mollet. Le Front Républicain avait au moins quelque chose de clair dans son programme : arriver à la paix en Algérie en prenant soin de négocier avec les insurgés. Cela tournera mal dès les premiers jours du gouvernement. Venu voir la situation sur place, Guy Mollet subit l'opprobre de la population européenne, et suite à la quasi-émeute que suscite sa visite, il décide de changer sa trajectoire à 180°. Il donne raison aux protestataires européens en acceptant la démission du trop modéré général Catroux du poste de ministre résident en Algérie, et y nomme le plus bien plus vindicatif Robert Lacoste. A partir de là, la situation ne fera qu'empirer.

Plus question de paix négociée ou d'amnistie, il n'est plus question que de menaces envers les insurgés fanatiques. Pour rétablir l'ordre, le gouvernement socialiste n'hésite pas à donner de larges pouvoirs à l'armée. Un mois et demi après son arrivée au pouvoir, le ministre de la Justice François Mitterrand signe ainsi un texte de loi donnant la possibilité aux forces militaires de perquisitionner et de juger elles-mêmes tous les crimes commis en Algérie. La guerre d'Algérie est définitivement lancée. Quant aux négociations, il n'y en a plus pour une bonne raison : le 22 octobre 1956, les cinq principaux leaders du FLN dont Ahmed Ben Bella voient leur avion détourné et ils sont arrêtés. Ils resteront en prison jusqu'à la fin du conflit. Guy Mollet n'a pas pris lui-même la décision de cette arrestation. C'est pire que ça : il n'était pas au courant avant qu'elle ne se fasse, et mis devant le fait accompli, il décide de l'assumer, bien qu'il s'agisse là d'une preuve de la perte de contrôle du politique ou du judiciaire envers les autorités militaires.

C'est à cette époque que la torture se systématisa en Algérie. N'importe quel musulman pouvait être embarqué et torturé par l'armée si tel était le bon plaisir des soldats. De telles exactions ne pouvaient passer inaperçues. Plusieurs fois alerté, Guy Mollet choisit de passer ces faits sous silence et fait régner la censure pour garder le contrôle, plutôt que de mettre un terme aux abus. Robert Lacoste lui assure que tout se passe bien. Il le croit ou tout du moins s'en contente. Il ne souhaite pas le désavouer : c'est un camarade socialiste, et le remettre en cause serait nuisible au socialisme.

Guy Mollet cherche alors d'autres voies pour régler cette guerre. Persuadé que le conflit est attisé par le leader égyptien Nasser, il décide de lancer une opération visant à sa chute. Avec comme prétexte la nationalisation du canal de Suez, il incite le Premier ministre britannique Antony Eden à engager une action militaire. Il amadoue également le gouvernement israélien en le fournissant massivement en armes, et conçoit un plan navrant pour déstabiliser Nasser. La tragi-comédie est rapidement perçue par tout le monde, et l'intervention des Etats-Unis et de la Russie transforment l'opération en une humiliation pour la France et la Grande-Bretagne.

Début 1957 commence la violente bataille d'Alger, où l'armée française agit sans aucun contrôle politique. Au niveau économique, la situation n'est pas excellente. Les déficits publics sont élevés (l'envoi du contingent en Algérie est encore une charge supplémentaire), et l'inflation est très forte. Décision est prise de trafiquer les chiffres officiels de l'inflation pour ne pas que les prestations indexées augmentent à la même vitesse. D'une manière générale, le régime de la IVème République est plus discrédité que jamais.

La vraie expertise de Guy Mollet résidait en fait dans les mécaniques de parti. Militant socialiste très jeune, il a constamment navigué dans les questions de motions, de discipline interne du parti, de congrès et de tripatouillages électoraux. La IVème République était le terrain rêvé pour les obscures combinaisons de partis, et c'était ce que savait faire Guy Mollet. Il avait une grande capacité à renoncer à ses propres idées pour adopter envers et contre tout la position officielle du parti. Il était passionné par les théories marxistes, et l'idéal collectif du socialisme passait avant tout. La SFIO était pour lui l'alpha et l'omega de la politique. Il en restera le secrétaire général jusqu'en 1969. A ce moment là, le parti était devenu plus que moribond. Le candidat socialiste à l'élection présidentielle de cette année là n'était que quatrième, avec 5 % des voix. La grande longévité de Guy Mollet à la tête de son parti n'aura été en fin de compte bénéfique ni à la SFIO, ni à la France.

L'histoire de tant d'échecs fait frémir. On peut se rassurer en se disant que c'est le passé, et que l'énergie du général De Gaulle a permis de remettre la France sur de meilleurs rails. Mais il faut savoir en retenir les leçons. Aujourd'hui, il y a un homme au profil étonnamment similaire qui peut accéder au pouvoir. François Hollande a été premier secrétaire du Parti Socialiste depuis plus longtemps que quiconque depuis... Guy Mollet. Il doit lui aussi sa longévité à ce poste à sa capacité à plier l'échine devant les courants et les alliances très mouvantes qui font les congrès socialistes. Mais quand il a l'a quitté, personne ne le regrettait, le parti étant devenu bien informe. Son manque constant d'autorité l'handicapait pour fixer un but clair. Cette expérience à la tête du PS est en fait bien la seule dont il peut se prévaloir. Il pourrait devenir Président de la République... L'exemple que nous montre le fantôme de l'incompétence qu'est Guy Mollet peut-il nous éclairer pour les choix à faire d'ici quelques mois ?

jeudi 12 janvier 2012

Jeanne d'Arc, une héroïne française

Jeanne d'Arc a 600 ans ! Joyeux anniversaire ! Cela ne la rajeunit pas, mais comme elle n'a même pas atteint les vingt ans, elle n'eut pas à connaître les affres du vieillissement. La guerre de cent ans remonte à loin maintenant, ses détails ne sont plus très bien expliqués en cours d'histoire. Néanmoins, le souvenir de Jeanne d'Arc reste vivace. Son parcours exceptionnel, son ardeur pour défendre sa conviction et les conséquences immenses de ses actes lui assure une place de choix parmi les figures marquantes de l'Histoire européenne. Elle fut ainsi dépeinte et commentée régulièrement pendant chacun des siècles qui nous sépare d'elle. On peut même voir un hommage paradoxal dans la façon dont le célèbre dramaturge anglais William Shakespeare la décrit : dans la première de ses pièces Henri VI, elle devient une sorcière menteuse de petite vertu. En la voyant traitée plus bas que terre, on ressent toute l'amertume que ressent l'auteur envers celle qui a sonné le glas de ses compatriotes en France. 160 ans après sa mort, Jeanne d'Arc était déjà solidement ancrée dans les esprits comme étant une héroïne française.

L'histoire est bien connue : simple bergère, elle décide suite à une révélation de bouter les Anglais hors de France et de faire couronner le dauphin roi de France. Encore adolescente, elle remotive des troupes françaises jusque là apathique et participe même aux campagnes militaires. Les succès sont éclatants, mais elle est capturée suite à une trahison, et finit sur le bûcher. Plus qu'une personnalité symbolique, c'est un symbole, à l'instar d'autres héros qui forment le panthéon français. Il y a par exemple Vercingétorix, ou plus récemment Jean Moulin. Ce sont des personnes ordinaires qui décident de se battre de toutes leurs forces contre l'adversité. Ce sont des exemples qui nous parlent encore aujourd'hui.

Le Front National célèbre Jeanne d'Arc pour une raison simple : ils considèrent qu'ils veulent comme elle virer les étrangers. Comme ils ont évoqué sa mémoire tous les ans au cours d'une manifestation politique, elle est désormais bizarrement dépeinte comme "symbole fort du nationalisme", et non du courage. On ne peut pas interdire à l'extrême droite d'utiliser son image. On aurait pu croire qu'il était inutile d'organiser des contre-manifestations, certains que l'on pouvait être que Jeanne d'Arc était dans le cœur de tous. Chaque pays a ses héros qui lui sont chers, sans pour que cela tourne pour autant au nationalisme. Il n'y a rien d'anormal à ce qu'on leur rende ponctuellement hommage. Célébrer la naissance de Jeanne d'Arc rentre dans cette catégorie, et l'on peut d'ores et déjà se donner rendez-vous en 2031 pour les 600 ans de sa disparition.

free hit counter