Réflexions en cours

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lundi 18 septembre 2006

Passer à la social-démocratie

Le Parti Socialiste a profondément évolué depuis 1981, date de son retour au pouvoir après l'instauration de la Vème République. Au gouvernement, la gauche a une approche plutôt pragmatique des choses, quand elle devient dogmatique à l'opposition. Dans son ensemble, elle n'assume pas encore le passage à la social démocratie. Cela la dessert, et cela dessert la France. En fait, la gauche reste très profondément marquée par le marxisme. Du côté du Parti Communiste et de l'extrême gauche, ce sont très clairement ses applications marxistes-léninistes, trotskistes et maoïstes qui sont prônées. Chez les socialistes, c'est la version soft du marxisme qui prévaut souvent, où l'on croit que l'Etat peut et doit régler tous les problèmes. Le problème vient du fait que si Marx était un brillant analyste de la société dans laquelle il vivait, ses idées à appliquer en matière d'économie se sont révélées désastreuses. Afin d'éviter une justification économique marxiste à leur politique, les socialistes ont donc du trouver de nouveaux maîtres à penser. En l'occurrence, leur choix s'est porté sur Keynes, qui préconisait l'intervention de l'Etat en cas de crise, et sur à peu près toutes les théories économiques que l'on ne pouvait suspecter de libéralisme, combattue à tous prix.

C'est ainsi que dans les années 70 le Parti Socialiste a été fondé sur une orientation très à gauche. Malheureusement, peu de socialistes étaient érudits en matière d'économie. C'est donc une interprétation très interventionniste de Keynes qui fut faite, toujours très proche des préceptes de Marx, même si celui-ci était moins cité. C'est ainsi que François Mitterrand put trouver un accord avec le Parti Communiste sur le programme commun. C'est ainsi que Jean-Pierre Chevènement fonda le CERES, sur une ligne très au gauche vouant un culte à l'Etat Providence. C'est ainsi qu'en 1981, les socialistes parvinrent à faire rêver les Français en leur promettant de changer la vie, pour mieux s'encastrer dans le mur des réalités. Le tournant de la rigueur montra la fin des utopies pour la gauche qui croyait que tout était possible, et dès lors, les gouvernements se devaient d'être responsables en prenant des décisions économiques viables. Mais cette évolution dans les actes ne s'accompagna pas d'une évolution dans les mentalités, et encore de nos jours, le Parti Socialiste considère que pour gagner, il lui faut d'abord faire le plein de voix dans son camp, ce qui veut dire faire croire qu'il défend un programme vraiment de gauche, comme autrefois.

En faisant cela, certains socialistes comme Henri Emmanuelli sont sincères, considérant que l'Etat doit vraiment appliquer de telles politiques, en refusant de voir leur échec. D'autres sont plus cyniques, comme Laurent Fabius, qui a des positions différentes s'il se trouve dans la majorité ou dans l'opposition. Tous laissent croire à leurs électeurs qu'il est effectivement possible que l'Etat mène une politique où il s'occuperait de tout et donnerait la richesse à chacun. Il y a pourtant eux des voix à gauche pour appeler à la raison, en souhaitant un programme fondé tant sur la solidarité que sur le réalisme. C'est la "deuxième gauche", celle de Michel Rocard ou de Jacques Delors. Encore aujourd'hui, ils sont ostracisés par les voix les plus fortes de la gauche. Et certains considèrent que Lionel Jospin a perdu l'élection présidentielle de 2002 en disant que son programme n'était pas socialiste. Si désormais, une part du Parti Socialiste est un peu plus réaliste, et a soutenu le Traité Constitutionnel Européen, il semble que ce qu'on appelle "le peuple de gauche" vit toujours dans une sorte d'illusion en croyant plus une politique est à gauche, et mieux c'est, dans une sorte de simplisme planant au-dessus de toutes les réalités.

En fin de compte il y a un malentendu général sur la nature de la gauche. Un élan passéiste et utopique la veut socialiste, façon première gauche de François Mitterrand, celle qui a échoué et qui ne peut qu'échouer, de par ses illusions économiques. La raison la voudrait social-démocrate, en joignant convictions et responsabilité, comme c'est le cas dans la plupart des pays européens. C'est ce qu'a voulu incarner Michel Rocard, mais ses convictions et sa personne furent repoussées du Parti Socialiste par la haine de François Mitterrand. C'est ce qu'incarne aujourd'hui Dominique Strauss-Kahn, mais lui aussi est combattu en étant dépeint comme étant un "social libéral". Il est bien triste que de nos jours le dogmatisme gauchiste soit tellement répandu que tous ceux qui s'en éloignent pour proposer des idées applicables soient systématiquement conduits dans des procès en sorcellerie et en trahison. On peut reconnaître les véritables hommes d'Etat de gauche au fait qu'ils ne cachent pas la vérité à leurs concitoyens. Eux-seuls sont en mesure de faire comprendre à leurs électeurs que maintenant le rêve n'est plus permis, et que c'est bien à la social-démocratie, la version responsable et raisonnée de la gauche, qu'il faut passer.

mercredi 6 septembre 2006

L'héritage de mai 68

Lors des universités d'été de l'UMP le week-end dernier, Nicolas Sarkozy a prononcé un discours conservateur, prônant le respect des maîtres et de l'autorité et remettant en cause l'héritage de mai 68. Ce n'est pas le premier à s'attaquer à cet héritage : Luc Ferry l'a fait longuement avant lui, ainsi que de nombreux intellectuels qui en retour se virent affublés du sobriquet de "néo-réacs". 37 ans après mai 68, il faut bien avouer que le souvenir de ces événements prend une apparence différente. Pour ceux qui y ont participé, mai 68 reste associé à un mouvement spontané, libérateur de la jeunesse, où le foisonnement des idées laissait entrevoir un monde meilleur. Dans l'oeil de l'historien, ce ne sont que des témoignages partiels. A la même époque, une intense agitation sociale avait lieu en Europe et en Amérique. En l'occurrence, le mouvement soixante-huitard était traversé par des influences marxistes, se divisant entre le gauchisme, le stalinisme et le maoïsme. L'affrontement des étudiants contre les forces de l'ordre montrait même une tendance anarchiste. L'héritage de mai 68, c'est avant tout une doctrine permissive, ce qui n'a que peu de rapport avec la vraie liberté.

"Il est interdit d'interdire". Le mot humoristique lancé par Jean Yanne est devenu un slogan terrifiant dans les conséquences de l'idéologie qu'il représente. Une liberté absolue n'a pas de sens, un monde sans loi n'est qu'un monde où règne la loi du plus fort. Le véritable critère pour juger du degré de liberté nécessaire est "la liberté des uns commence là où celle des autres finit". En d'autres mots, à la base il est permis de faire tout ce qui ne gêne pas autrui. D'autres restrictions peuvent être amenées dans les cas où certaines actions nuisent à la personne qui les commet, comme l'usage de la drogue. Mai 68 était loin d'aller dans ce sens. Au contraire, ces jeunes révoltés ont grandi en devenant des adultes parfois irresponsables en développant une culture de la facilité, du refus des contraintes et de méfiance envers toutes formes d'autorités, y compris lorsque cela devait être à leur tour de l'exercer envers leurs enfants. Ceux-ci ont donc grandi avec l'idée que tout était permis, et que s'ils étaient confrontés à un problème, c'est qu'il venait de la société, avant même de se demander quel y était leur rôle. De même, le corps professoral, autrefois marqué par la doctrine radicale qui prônait l'éducation comme moyen de créer des citoyens, est désormais davantage marqué par la doctrine gauchiste, où l'Etat doit absolument tout apporter sur un plateau à chacun, et où d'un point de vue culturel tout se vaut. La tolérance, règle de vie permettant de vivre ensemble, est devenue pour les soixante-huitards un mot d'ordre absolu sans distinction. Une fois qu'ils ont disposé de responsabilités, l'application de cette pensée a permis le développement d'un manque de respect global envers la société, pourtant communauté de tous ceux qui y vivent.

Du reste, ce n'est pas le seul aspect négatif de mai 68. Il en reste également une certaine faiblesse face aux émeutes, une augmentation des salaires inutile, car effacée par l'inflation qu'elle a générée, une culture de la grève et de méfiance envers le secteur privé, et plus généralement envers le travail, ainsi qu'une réforme des universités qui a considérablement affaibli ces dernières. L'éclatement des universités les rend moins visibles à l'international, alors que la question de leur financement n'a toujours pas été réglée. La suppression d'exigences particulières à l'entrée de l'université mis à part l'obtention d'un bac déprécié rend presque inutile les deux premières années de fac, qui servent depuis comme nouveau moyen de sélection des étudiants pouvant accomplir des études longues.

En revanche, les apports positifs de mai 68 apparaissent extrêmement maigres, s'ils existent. Le jugement de l'Histoire apparaît donc sévère pour mai les événements de mai 68 et leurs conséquences. Se rendre compte de cela permet au moins d'avoir la volonté des les corriger.

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