Puisque la question se pose, essayons de voir ce qu'est la célèbre "main invisible". A la base, le concept vient de l'économiste Adam Smith, et signifie qu'en cherchant son intérêt personnel, un individu peut également bénéficier à l'intérêt de la société toute entière. Un exemple simple permet de comprendre de quoi il s'agit : un boulanger fabrique du pain dans le seul espoir de bénéficier du bénéfice lors de la vente, mais son action égoïste permet de nourrir ses clients, procurer un revenu au meunier et à ses éventuels employés, etc. La main invisible, c'est ces effets économiques non directement voulus, mais néanmoins indispensables au bon fonctionnement de l'économie. Répercuté à l'ensemble des agents économiques, cela permet la richesse de la société toute entière. Il suffit de voir les conséquences néfastes lorsqu'un agent disparait : une faillite d'entreprise peut être mauvais pour ses clients, ses fournisseurs, ses employés, et tous ceux qui dépendent de ceux-ci. Par ricochet, cela fait beaucoup de monde.

La main invisible est partout dans le système capitaliste. Il n'y a de toute façon pas beaucoup d'alternatives. Un système peut-être vu dans les tribus isolées consiste à ce que chacun produit en ne pensant qu'au bien de la communauté entière. C'est forcément limité à une petite communauté. Dans les faits, le système communiste consistait à charger l'Etat de décider de ce que chacun devait faire, en espérant que chacun oublie l'intérêt individuel. Cela ne fonctionnait pas. La recherche de l'intérêt individuel est le meilleur moteur de productivité et d'efficacité. On le sait, le communisme n'est jamais parvenu à dépasser son handicap consubstantiel : le passager clandestin. Mais il faut également reconnaître que la main invisible n'est pas parfaite, comme illustré par l'exemple du dilemme du prisonnier.

La main invisible est généralement efficace, mais ce sont ses ratés qui créent le besoin de nécessaires régulations de la part de l'Etat. Alors, certes, les vrais libéraux (ou plutôt libertariens) diront que toute réglementation est toujours mauvaise, que cela empêche la main invisible de jouer à plein. Dans ce cas, c'est la confondre avec l'équilibre général de concurrence parfaite chère à l'économiste néo-classique Léon Walras. Théoriquement, cet équilibre général est possible. Mais est-ce la meilleure situation pour l'ensemble de la population ? S'il y a une insuffisance de nourriture par rapport à une population donnée, l'équilibre se fera bien nécessairement, mais si cela doit passer par la mort d'une partie de cette population pour que le nombre de bouches corresponde à la nourriture disponible, on ne pourra pas dire que la situation est satisfaisante. La croyance inébranlable en cet équilibre général comme situation optimale relève de la religion panthéiste. Sa forme théorique reste une utopie, et comme toutes les utopies, mieux vaut ne pas tenter de la voir.