Réflexions en cours

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vendredi 27 juin 2008

Le social libéralisme

Au Parti Socialiste, une partie des militants regarde avec une profonde suspicion l'autre. Car les gens "vraiment" de gauche sont très fiers d'être à gauche, face à la droite, souvent considérée comme égoïste et inhumaine. Alors ces personnes se méfient de ceux qui se déclarent être de gauche mais qui prônent des idées qui se rapprochent sous certains aspects de celles défendues par la droite. Pour les vrais socialistes, la gauche est menacée par la présence en son sein de militants qui ont trahi leurs idéaux. Ce sont les "sociaux traîtres" : ceux qui ne se réclament plus du strict socialisme, mais plutôt de la social démocratie, ou pire encore, qui osent se revendiquer comme libéraux, ce qui s'apparente alors davantage au social libéralisme.

Le social libéralisme, considéré comme une hérésie à gauche en France, est pourtant un courant d'idée majeur dans le reste du monde, en particulier dans les pays anglo-saxons. Le parti démocrate américain et le labour britannique se sont considérablement repositionnés au centre pendant les années 90, sous l'impulsion respective de Bill Clinton et de Tony Blair. La "troisième voie" défendue par ce dernier, entre interventionnisme étatique et libéralisme économique total, s'inscrit dans le social libéralisme. Ce courant accepte le capitalisme et le libéralisme comme la combinaison la plus efficace pour favoriser la prospérité, mais préconise une intervention de l'Etat modérée pour en faire la régulation et corriger certaines injustices que le libre jeu du marché a créé ou n'a pas pu empêcher. Cette influence des politiques publiques peut être décisive dans certains domaines, tels que l'assurance santé. En matière de valeurs sociétales, le social libéralisme est très ouvert, ne voyant pas d'inconvénient à des évolutions tels que le mariage homosexuel ou l'avortement. L'immigration est également moins considérée comme un problème qu'à droite.

La différence entre la social démocratie et le social libéralisme est donc le degré de libéralisme, plus prononcé dans le second. En France, alors que Dominique Strauss-Kahn a déjà du mal à promouvoir la social démocratie comme doctrine principale du PS, le social libéralisme, aussi appelé "blairisme", est considéré comme non-grata à gauche. Le maire de Mulhouse, Jean-Marie Bockel, a bien tenté d'y défendre cette troisième voie. Sa motion n'a fait que 0,65 % des voix des adhérents du PS au congrès du Mans en 2005. Il est vrai que la gauche française est particulièrement à gauche en comparaison de ses voisines, et dès lors, on peut s'interroger sur la pertinence de l'alliance entre le social libéralisme et un socialisme doctrinal. Surtout que le social libéralisme est compatible avec la démocratie chrétienne ou avec le mélange de libéralisme et de volontarisme d'un Nicolas Sarkozy. Il n'est alors pas étonnant de voir des personnalités n'ayant pas peur de se réclamer de ce courant d'idée accepter de gouverner aux côtés de l'UMP, comme elles auraient certainement répondu à l'appel de François Bayrou si celui-ci avait remporté la dernière présidentielle. A l'heure où les problèmes les plus graves en France sont d'ordre économiques, les différences modérées sur les valeurs sociétales ne sont pas en mesure de faire obstacle à une collaboration entre ces mouvements. Les socialistes doctrinaux peuvent se plaisir en accusant les sociaux libéraux de traîtrise, mais ces derniers peuvent en retour mettre en exergue l'archaïsme des derniers, et la volonté d'agir efficacement pour la prospérité de leur pays.

Photo : AFP

jeudi 19 juin 2008

L'avantage comparatif de Ricardo

Lorsqu'on lui demanda quelle théorie économique était à la fois vraie et essentielle, le prix Nobel d'économie Paul Samuelson répondit le principe de l'avantage comparatif de Ricardo. Alors que le père de l'économie libérale classique, Adam Smith, avait théorisé l'avantage absolu, selon lequel un pays peut être plus productif qu'un autre sur tous les produits, David Ricardo avait quelques temps après considéré que même dans cette situation, tous les pays pouvait bénéficier du libre échange, à condition de laisser le pays à l'avantage absolu se concentrer sur le produit pour lequel il a l'avantage le plus élevé comparativement parlant.

David Ricardo s'impliqua en tant que membre du parlement britannique pour la diminution du protectionnisme et la promotion du libre échange. Le Royaume-Uni allait ensuite s'ouvrir de plus en plus, et reste à ce jour l'un des pays les plus fervents défenseurs du libre échange. Le GATT, et maintenant l'OMC oeuvrent en fonction de cette doctrine de l'avantage comparatif, devenu pierre angulaire de la pensée du commerce mondial. De nombreux prix Nobel ont été attribués à des économistes ayant prolongé la réflexion sur l'avantage comparatif, et le principe reste très communément accepté par les élites mondiales. Autant que l'idée de la main invisible, l'avantage comparatif est totalement fondateur du libéralisme. Le célèbre hebdomadaire britannique The Economist base ses prises de position sur cette base, à tel point que l'on pourrait croîre que l'économiste pris en référence dans le titre du magazine est David Ricardo.

Le principe de l'avantage comparatif n'est pas sans faille : il suppose les termes de l'échange fixes, donnés. Or ils évoluent avec le temps, et pour certains pays s'étant spécialisés dans les matières premières destinées à l'exportation, tels qu'une bonne partie des pays d'Afrique noire qui s'étaient conformés à cette division internationale du travail, il y a eu une dégradation de ces termes de l'échange. En effet, le revenu apporté par la vente de ces matières premières restaient stables au mieux, quand les technologies exportées par les pays développés avaient une valeur de plus en plus importante. Ces pays pauvres ont donc difficilement connu la prospérité en se concentrant sur leur avantage comparatif, négligeant ainsi de mettre en place les moyens de production pour nourrir leurs populations avec leurs propres récoltes, et voyant leur retard de développement croître avec le temps.

D'une manière générale, si le libre échange peut apporter beaucoup, il ne doit pas devenir une fin en soi. L'OMC bloque depuis des années dans les rounds de négociation visant à la levée de protectionnismes. Ces résistances forment surtout un signal dans ce domaine : n'est on pas déjà arrivé à un stade satisfaisant et suffisant ? Le principe de l'avantage comparatif n'est pas assez fort pour aller jusqu'à justifier un marché unique mondial.

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